Anekdoten
Until All the Ghosts are Gone
Produit par
1- Shooting Star / 2- Get Out Alive / 3- If It All Comes Down To You / 4- Writing On The Wall / 5- Until All the Ghosts Are Gone / 6- Our Days Are Numbered
De fantômes, il en est bien question avec le sixième et dernier album du groupe suédois. D'une part, parce que cet opus paraît près de huit longues années après le magistral A Time of Day. Une longue gestation qui s'explique par l'attention portée par Nicklas Barker à son autre projet, My Brother The Wind, et par une volonté de laisser mûrir les compositions de ce nouvel album en leur conférant un aspect plus complexe et épique, avec trois morceaux qui avoisinent les 10 minutes.
Fantômes du passé également parce qu'Anekdoten fait une fois de plus la part belle aux sonorités vintage, toujours animé par un esprit seventies réfractaire aux technologies numériques et alimenté par la participation de l'ancien claviériste d'Opeth, Per Wiberg, venu prêter main forte à ses compatriotes. Ce dernier album constitue de ce point de vue une parfaite synthèse du savoir-faire du groupe, juste milieu entre la noirceur monolithique héritée de From Within et l'approche plus accessible et mélodieuse développée depuis Gravity. L'artwork sépia avec en arrière-plan une ancienne battisse mystérieuse renvoie quant à elle à la pochette de leur premier album, Vemod, comme une manière de boucler la boucle.
Comme à leur habitude, les Suédois démarrent très fort avec un morceau d'ouverture dantesque et tortueux, incroyablement dense au niveau des textures, qui lorgne plus du côté des derniers albums d'Opeth que de King Crimson. Ce "Shooting Star" aux allures prophétiques (le texte est empreint de spiritualité) s'étire sur plus de 10 minutes et déploie ses nappes de mellotron et ses cavalcades à l'orgue hammond sur fond de basse démentielle et de guitare multipliant les riffs tranchants. La technique est impeccable et le groupe joue sur les contrastes avec justesse et sans le moindre temps faible, même sur les parties les plus aériennes. Cela n'empêche pas cet excellent morceau d'être surpassé par l'autre pièce maîtresse de cet album, le colossal "Writing On The Wall" porteur d'un souffle mélancolique conféré par des envolées instrumentales lyriques où résonne comme jamais la beauté viscérale et la puissance mélodique du mellotron.
Ayant déjà abandonné l'opacité complexe et ténébreuse des débuts pour produire un son plus direct et accessible, les Suédois parviennent à marquer des mélodies au fer rouge dans notre esprit avec le superbe "Get Out Alive" doté d'un refrain épris de sensibilité, à la fois épique et entêtant, et entrecoupé par une magnifique progression à la guitare. Assurément l'un des titres les plus irrésistibles du groupe, pas non plus avare en ballades lumineuses. D'abord avec le titre éponyme, qui bénéficie de la participation de Marty Wilson-Piper officiant sur une guitare à 12 cordes et qui invite à la contemplation onirique, et ensuite avec le magnifique "If It All Comes Down To You" qui se pare d'une majestueuse couleur folk romantique. Ces deux morceaux bénéficient de superbes partitions de flûte jouées par Theo Travis, bien connu pour ses multiples collaborations avec les plus grands noms de la scène progressive. Une douceur acoustique contrebalancée par le titre instrumental "Our Days Are Numbered" qui clôture l'album avec un son plus agressif et une intensité dramatique magnifiée par le saxophone hurlant de Gustav Nygren.
Synthèse équilibrée épousant l'ensemble du spectre musical exploré au cours de leur discographie par les Suédois, Until The Ghosts Are Gone est certainement une porte d'entrée idéale pour découvrir un des grands noms de la scène progressive scandinave. S'il semble illusoire d'espérer la sortie prochaine d'un nouvel album studio, le groupe se reforme occasionnellement pour de petites tournées dans les pays nordiques. Sait-on jamais, si vous êtes de passage dans le coin...