Nahuatl
Volumen 1
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1- Kong / 2- Machismo / 3- No Sé Quién Soy / 4- Evolución / 5- Déjame / 6- Tiempo Perdido / 7- El Hongo / 8- Volveré / 9- Watching The Sun Going Down / 10- Contaminación / 11- Ella Es Fuego
Pérégrinations mexicaines - Part. I
Dans les années 1970, l’essor du rock au Mexique se fit dans un contexte très défavorable. En 1968, la répression du mouvement étudiant avait abouti à des centaines de morts lors du Massacre de Tlatelolco mené par le président Gustavo Díaz Ordaz, et le mandat de son successeur, Echeverría, est marqué par un nouveau massacre d’étudiants (120 morts) par des paramilitaires le jour de la fête du Corpus Christi, en 1971 à México. En 1973, le chef d’État adopte un décret pour censurer la musique rock, décret dont le nom fait référence au festival d’Avándaro de 1971, le Woodstock mexicain.
Pour autant, dès la fin des années 1960, de nombreux groupes étaient apparus au Mexique, comme Peace & Love, dont le nom laisse percevoir l’influence psychédélique au-delà de la frontière californienne : c’est à partir de cette formation que se forme Nahuatl en 1972 à Tijuana. Si la nature métropolitaine de Guadalajara et de México en fait des grands centres du rock dans les 70’s, il faut noter l’importance de cette zone frontalière du la Basse Californie qui voit naître plusieurs groupes importants (Los Dug Dug’s, El Ritual). Parmi ceux-ci, Nahuatl renforce ce substrat psychédélique d’une saturation qui l’entraîne vers le heavy-psych’, voire vers un registre franchement hard-rock.
Nahuatl associe une affirmation identitaire, à travers le choix de l’espagnol au chant et de son nom qui est une référence à la langue des descendants des Aztèques (ou Mexicas), avec une musique nord-américaine ou plus largement anglosaxonne (à ce titre, le combo accompagne Enrique Guzmán en 1974 pour deux albums de reprises de standards du rock’n’roll chantés en espagnols – Los Grandes Años del Rock and Roll).
Le groupe apprécie la saturation : "Machismo" est un hard-rock musclé post-Cream, au riff et aux lignes de guitare bien trouvés, dont la densité est réelle malgré sa durée. On retrouve ce même registre sur le hard-blues "Contaminación", tandis que "Watch the Sun Going Down" et "El Hondo" déploient une énergie plus américaine (pensez à Grand Funk ou BTO). Côté hard-rock, "Evolución" est le moment le plus surprenant de l’album puisque Nahuatl puise alors chez Black Sabbath - avant de réaliser une bascule hispanisante surprenante au moment du solo.
Ce premier essai est néanmoins assez varié, avec du rock léger et country-sant ("Déjame") qui peut glisser vers un flegme à la JJ Cale ("Volveré", quoique le chant en fait un hymne hippie). Des ballades occupent quelques pistes, comme "No Sé Quién Soy" ou "Tiempo Perdido" dont les arpèges ont des airs de "Stairway to Heaven" en plus mièvre – le morceau se rattrape sur sa belle phase instrumentale hendrixienne.
Marquant ma première incursion au sein du rock mexicain des années 1970, le premier album de Nahuatl s’avère être une très belle découverte, composé de solides titres hard-rock et d’écarts vers d’autres registres qui en font un opus varié – et vivement conseillé.
On notera que la version cd s’ouvre et se ferme sur deux titres bonus dont on remarque immédiatement une origine postérieure, l’instrumental virtuose "Kong", au thème légèrement hispanisant, et l’efficace "Ella es Fuego" aux sonorités FM.
Note sur les sources. Les informations sur le groupe sont impossibles à trouver en dehors des webzines mexicains (en espagnol). Nous avons consulté les sites suivant : Nahuatl, pioneros del rock duro mexicano. (rockenmexico.com) et Nahuatl - Volumen I (1974) (cabezademoog.blogspot.com)
À écouter : "Machismo", "Evolución"