B.O.
Lost in Translation
Produit par
1- Yellow Generation - Intro: Tokyo / 2- Kevin Shields - City Girl / 3- Sebastian Tellier - Fantino / 4- Squarepusher - Tommib / 5- Death in Vegas - Girls / 6- Kevin Shields - Goodbye / 7- Phoenix - Too Young / 8- Happy End - Kaze Wo Atsumete / 9- Brian Reitzell & Roger J. Manning Jr. - On the Subway / 10- Kevin Shields - Ikebana / 11- My Bloody Valentine - Sometimes / 12- Air - Alone in Kyoto / 13- Brian Reitzell & Roger J. Manning Jr. - Shibuya / 14- Kevin Shields - Are You Awake? / 15- The Jesus and Mary Chain - Just Like Honey
Le film de Sofia Coppola est rempli de petits morceaux de vie insignifiants, de rencontres inattendues et de résonances subtiles. Une petite bulle se crée petit à petit autour de deux personnes, isolées comme sur une île déserte au milieu de millions d'autres. C'est là l'un des mérites de la bande originale que de participer activement à la création de cet univers.
L'intro nous fait pénétrer de plein pied dans un monde à part, celui de Tokyo et de son fourmillement perpétuel. Aux sonneries de gong d'un temple bouddhiste se superposent des bruits urbains, des voix qui se répondent mais ne s'écoutent pas ainsi que le cri des mouettes. On se sent déjà seul au milieu de cette cacophonie délirante...
Le reste de l'album poursuit dans cette veine solitaire en proposant des titres dont le point commun majeur est leur musique éthérée ou doucement mélodique, propice à la rêverie. Seul le "Too Young" de Phoenix (extrait de l'album United), détone un peu, avec ses claviers des années 80 et son ambiance soft rock... Peut-être Sofia Coppola et le producteur Brian Reitzell l'ont-ils choisi pour l'ironie de ses paroles : "Tonight everything is over / I feel too young" ? (rappelons que le personnage joué par Bill Murray est en pleine crise de la quarantaine). Toujours est-il qu'hormis cette bizzarerie, le reste se tient.
Une large place est faite aux artistes français comme Phoenix, Sébastien Tellier et Air. Les Versaillais fournissent là un titre de toute beauté, qui combine les sons organiques de la guitare acoustique, du piano et d'un choeur avec des mélodies électroniques d'inspiration asiatique. Mais la surprise vient surtout du guitariste des Bloody Valentine, Kevin Shields, qui a consenti à sortir de son isolement pour écrire quatre titres : "City Girl" (pop floue sur fond de guitare saturée), "Goodbye", "Ikebana" et "Are You Awake ?" (sublimement planant et déprimant). On le retrouve ailleurs sur le magnifique "Sometimes", titre incontournable de l'album Loveless des Bloody Valentine.
Mais tous ces titres ne suffiraient pas à faire de cette BO une réussite s'ils n'étaient liés entre eux par les petites perles instrumentales composées par Brian Reitzell et Roger J. Mann. Ces morceaux, grâce à leur fond sonore notamment (bribes de voix japonaises sur "Shibuya", vrombissement mécanique et répétitif à la fin du très court "On the Subway"), traduisent à merveille la solitude des deux héros.
On a dit plus haut que les quinze titres de l'album se ressemblaient par leur mélodies mélancoliques et ethérées. Ce n'est pas tout à fait vrai : si les artistes électroniques Squarepusher et Death in Vegas contribuent en effet à dessiner des paysages couleur pastel qui capturent l'ambiance futuriste / exotique du Japon, l'ultra-kitsch "Kaze Wo Atsumete" du groupe japonais Happy End et le "Just Like Honey" de The Jesus and Mary Chain brisent la monotonie instrumentale en embrassant furtivement les quelques moments de bonheur que connaissent Charlotte et Bob. L'album s'achève d'ailleurs sur cette note positive, accentuée par la découverte d'une piste cachée sur laquelle on retrouve la version endormie et dissonante que donne Bill Murray du "More Than This" de Roxy Music lors d'un karaoké dans un gratte-ciel.
L'album réussit donc le pari de rester cohérent en dépit de la variété d'artistes qu'il fait figurer. Pour qui n'a pas encore vu le très sobre et très beau film de Sofia Coppola Lost In Translation, cette BO constituera un avant-goût plus que prometteur. Pour les autres, elle sera le souvenir d'une soirée mélancolique et émouvante, qui vit la rencontre, entre néons et taxis, de deux êtres "alone in Tokyo"...