Coming Soon
Ghost Train Tragedy
Produit par
1- Walking / 2- Back Seat / 3- Manners and Education / 4- Don't Sell Me To The French / 5- Steel Wire / 6- Love In The Afternoon / 7- Weather Changes / 8- School Trip Bus Crash / 9- Pillow Talk / 10- Moonchild / 11- Minor Keys / 12- Lower Lip / 13- Wu / 14- Wild Catch / 15- Sweetheart
Franchement, c'était tentant. Très tentant. De ne pas en parler, de faire comme si de rien n'était, d'oublier, pour une chronique, de commencer en faisant le même topo, la même présentation à la fois admirative, enviée et surprise, la même entrée en matière élogieuse qui accompagne chaque critique de Coming Soon. Tentant oui. Question de risque. Après tout, si certains se souviennent du buzz de 2007, en pleine effervescence MGMT, ce n'est pas forcément le cas de tout le monde. Les premiers trouveront donc la redondance agaçante, et zapperont peut être la chronique. Mais les seconds, à la curiosité attisée par cette introduction tortueuse, sont peut être encore là, avides de savoir de quoi il est question. Pour cela, il faut résister à la tentation, et resituer ce damné contexte.
A l'écoute de Ghost Train Tragedy, et à la vue de cette pochette horriblement kitch (mais très drôle), on prend immédiatement Coming Soon pour un groupe américain tendance underground country, même si cela semble paradoxal. Sauf que Coming Soon n'a rien du groupe de musique américain basic, des quatre garçons guitare-basse-batterie, ou du combo formé pour le business. Terriblement plus hip (encore mieux que hype, paraît-il), les Coming Soon sont... français. La classe. D'Annecy, la... classe, ouais. Enfin, moins côté musique. Mais à eux seuls, cette bande d'ados et de post-ados (il y en a qui approchent la trentaine quand même) remplacent facilement une dizaine de groupes pop-rock locaux. Car avec six membres au compteur (la septième s'est fait la malle, bizarrement, à 17 ans, elle veut continuer ses études. Franchement...), les Coming Soon semblent avoir raflé une bonne partie des bons musiciens de leur coin. Dans un esprit "on déconne, on s'amuse, on fait de la musique", que les hypes adorent, cette bande de frenchies s'est offert l'Amérique et ses leaders indé (Kimya "Juno" Dawson en tête) et revient avec un deuxième album, proche du sans-faute.
Pour apprécier Ghost Train Tragedy, il faut aimer les balades d'un style à l'autre, les changements de rythmes et les ruptures de voix, les choeurs dissonants et les bidouillages sonores. Et surtout, il faut aimer cette impression de dépaysement permanente, cette vision de l'Amérique telle que seuls des petits Frenchies peuvent la rêver, et se laisser embarquer dans des morceaux incroyablement variés, d'une richesse surprenante. Ainsi, l'album s'ouvre sur le très rock "Walking", histoire de déstabiliser ceux qui les avaient découvert avec le très folk New Grids. Là, sur des guitares bien lourdes, Howard Hughes, le vieillard du groupe et accessoirement chanteur principal, joue le rockeur à l'américaine, dont le sérieux est quelque peu gommé par l'humour des textes. Les choeurs sur les refrains renforcent l'impression d'un jeu entre amis sur les classiques américains. Sympa.
Dès "Back Seat", on revient dans un style plus folk-rock, avec une petite pointe d'esprit country sur le refrain. Le rythme enlevé des couplets amène un refrain plus lent, porté par une petit riff rétro, qui donne au tout un côté melting-pot très séduisant. Mais inutile de s'habituer, "Manners and Education" amène un nouveau changement de registre, avec un chant dans les graves et un esprit western décalé. Et le plus étonnant dans tout cela, c'est qu'en oubliant tout complexe, Coming Soon parvient à faire à son envie des morceaux d'une originalité qui ne perd pas l'auditeur en route. Surtout avec des morceaux comme le superbe " Don't Sell Me To The French", son chant cassé, ses refrains en contre-temps et les choeurs qui viennent relever le tout, ou "Moonchild" et son refrain languissant.
Avec "Steel Wire", on découvre un autre chanteur, Mr Hughes ayant transmis le micro à tous les membres désireux de pousser la chansonnette. Ici, le chant est plus nasillard, le rythme plus enlevé, porté par les guitares, et malgré le décalage, l'ensemble fonctionne toujours aussi bien. Il faut dire que le patte est toujours la même, et que le foisonnement d'instruments permet d'offrir un son à la fois riche et clair. Les percussions prennent le pouvoir sur l'intro de "Love In The Afternoon", morceau un peu déséquilibré au final, où pour une fois, le décalage ne fonctionnent pas complètement. On retrouve alors avec "Weather Changes", le son très folk qui avait fait le succès des premières compositions "Comingsooniennes", avant le très entraînant "School Trip Bus Crash" où le jeune batteur Léo prend le micro, tout comme sur le tout aussi réussi "WU". On regrette alors qu'il ne le fasse pas plus souvent.
Reste entre tout celà des balades très réussies, "Pillow Talk", "Minor Keys", "Lower Lip", "Wild Catch", où l'alchimie entre les différents musiciens permet d'apprécier ce qui aurait pu paraître démodé. Rien de déjà entendu dans Coming Soon, mais une réappropriation de sons anciens, d'un style rétro, dans un esprit différent, à la fois détaché, humoristique et admiratif. Ainsi, "Sweetheart" sonne comme un hommage aux vieux chanteurs américains, lorsque les choeurs viennent soutenir Mister Hughes.
Avec ce second album, les Coming Soon confirment qu'ils n'ont pas seulement profité d'un petit buzz à leur début. Très travaillées et très inspirées, leurs compositions ne semblent pas devoir grand chose à la France, si ce n'est cette vision un peu déformée d'une Amérique profonde. D'ici, on l'apprécie d'autant plus qu'on la partage, et pour une fois que la tendance ne va pas chercher au-delà des mers un bon rock indie, autant le savourer pleinement.