
The Parlor Mob
Dogs
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0- Holding On / 1- How It's Going To Be / 2- Into The Sun / 3- Fall Back / 4- Practice In Patience / 5- American Dream / 6- I Want To See You / 7- Hard Enough / 8- Cross Our Hearts / 9- Take What's Mine / 10- Slip Through My Hands / 11- The Beginning / 12- Believers / 13- So It Was / 14- After All


2011, ou le retour du retour du revival hard rock. Eh oui, ils  reviennent tous ! Black Stone Cherry a ouvert le bal en mai, The Answer a  suivi au début du mois, et Wolfmother nous promet du lourd pour la fin  de l'année ou début 2012. Seule exception : Airbourne, qui nous a servi  sa ration d'AC/DCisme l'an dernier. Bref, il est temps de voir comment  s'en tirent les natifs du New Jersey pour ce "disque de la  confirmation", ce qui nous permettra par ailleurs de prendre la  température du mouvement en général et d'en cerner les limites, car  limites il y a.
Quand on s'attaque à un revival, le cap du  premier album n'est en général pas trop difficile à passer : il faut  tout d'abord s'abreuver à la source du mythe, en assimiler les  fondamentaux et rendre une copie aussi appliquée que possible. Ça, à peu  près tous les groupes dotés d'un minimum de savoir-faire en sont capables, et les cinq formations ici présentes ont ainsi présenté un  premier effort studio réussi : jusqu'ici, tout va bien. A l'inverse, les  albums suivants sont la plupart du temps le lieu d'un reniement : le  groupe est tenté de ne plus se cacher derrière ses illustres ancêtres et  de trouver sa propre voie. C'est le problème habituel quand on  s'inspire de références typées et voyantes : elles deviennent  réductrices et elles masquent la personnalité de la formation (quand  bien même elles ne finissent pas par l'annihiler totalement). Le  phénomène est plus ou moins précoce selon que le groupe jouit d'une  exposition médiatique importante d'emblée ou non. Prenons le cas du  revival garage. Ainsi les White Stripes, par exemple, ont pu  thésauriser sur leur garage zeppelinien jusqu'au triomphe d'Elephant, après quoi ils se sont sentis le devoir de prouver qu'ils pouvaient exister par eux-mêmes en se réinventant (cf Get Behind Me Satan et Icky Thump). Même phénomène pour les Black Keys qui,  ayant eux aussi subi une pression médiatique relativement modeste à  leurs débuts, ont ensuite évolué de façon naturelle vers un rock différent (Brothers). A l'inverse, les Strokes, les "sauveurs du rock", se  sont pris de plein fouet des critiques acerbes de la part des  professionnels parce qu'ils ne s'étaient pas suffisamment affranchis du  modèle de Is This It avec Room On Fire. La mue n'est venue qu'après-coup mais elle fut quelque part contrainte et forcée, et cela se ressent d'ailleurs sur First Impressions Of Earth et, dans une moindre mesure, sur Angles.  Le fait est que les réelles difficultés qu'éprouvent actuellement les  Strokes à se renouveler permettent également de cerner leurs limites en  tant que groupe de rock soit-disant "majeur".
Le phénomène est  transposable point par point avec le revival hard-rock, à ceci prêt que,  comme le mouvement a débuté plus tardivement, il est apparu en même  temps qu'un internet de grande échelle qui en a rapidement amplifié la  portée, profitant également du fait que la grand scène rock mondiale  s'est retrouvée fragmentée en une multitude de chapelles qui se sont  chacune retrouvées sur un même pied d'égalité - à peu de choses prêt. De  ce fait, tous les nouveaux petits hardos ont été catapultés du jour au  lendemain dans la cour des grands et sous le feu des projecteurs, avec  la tentation (ou la pseudo-obligation), là-encore, de se renouveler. A  ce petit jeu, les fortunes ont été assez diverses. Il y a ceux qui ont  refusé d'évoluer et qui se sont retranchés dans un style semblable,  comme Airbourne et The Answer. Si les premiers ont consolidé leur  succès en délivrant un second album identique à leur premier (copiant  ainsi non seulement le style musical mais aussi l'ultra-clacissisme d'AC/DC), les seconds se sont heurtés, dans leur exercice de hard lyrique  et burné, à un déficit flagrant d'inspiration mélodique - on y  reviendra. En clair : les premiers, tout comme leurs modèles, n'ont  aucunement l'intention de changer (et c'est un sacré luxe, mine de  rien), tandis que les seconds n'en ont probablement pas les moyens. Et  puis il y a ceux (tous les autres, en fait) qui ont vraiment essayé  d'évoluer, et à ce jour, on ne peut pas dire que le résultat soit  vraiment satisfaisant. Black Stone Cherry, par exemple, est allé  fricoter avec le hard FM racoleur d' Aerosmith dans sa phase la plus  gluante, ce qui n'était probablement pas la meilleure chose à faire. Le  cas de Wolfmother est plus compliqué car Andrew Stockdale a lancé, avec Cosmic Egg,  plusieurs pistes stylistiques pas forcément bien en phase les unes avec  les autres (un peu de stoner, un peu de pop, un peu de hard old-school  pour stade), ce qui explique d'ailleurs que son deuxième album, quoique  de bonne tenue, aie laissé un goût d'inachevé à tous les fans de la  première heure. Eh bien avec The Parlor Mob, nous nous retrouvons  exactement dans le même cas de figure que celui de la louve.
Est-ce  que Mark Melicia et ses potes en ont eu marre de se trouver en  permanence mis dos à dos avec Led Zeppelin ? Ont-ils perçu le danger de  se cantonner à une imitation pure et simple alors que les originaux  avaient un bagage musical (technique, feeling, intelligence de  construction, innovation) bien au dessus de leur propre niveau ? Ou bien  ont-ils voulu prouver qu'ils étaient capable de voler de leurs propres  ailes ? Peu importe finalement. Un seul constat : The Parlor Mob a  changé, profondément. Le problème est qu'en s'éloignant du dirigeable,  le groupe n'a pas pris le soin d'établir une feuille de route un tant  soit peu cohérente. Passe encore que les jeunots se prennent de temps en  temps pour Jack White ("Fall Back" et ses solis crissants assez  caractéristiques) ou qu'ils se calent parfois sur les vieux Black  Keys ("Take What's Mine", qui transpire le fuzz made by Auerbach) : on  reste encore dans le rock lourd et bluesy, et jusqu'ici les nouvelles  couleurs ne font pas forcément tâche. Plus gênante, en revanche, est la  tournure  strokesienne excessivement marquée de "American Dream" : le  jeu de guitares y est à ce point pathognomonique qu'on songe plus à un  vulgaire plagiat de la paire Hammond Jr - Valensi qu'à une simple  inspiration, ce d'autant qu'on s'éloigne déjà pas mal du Zep. Que dire  alors quand on constate que la référence essentielle du Parlor Mob sur  cet album n'est autre que... Muse ? Ainsi, avec "I Want To See You", on  tombe en plein refrain maxi-émotif à grands renforts de trémolos et de  cymbales assommées avec force contrition, tandis que "Cross Our Hearts"  ferait carrément passer "Plug In Baby" (sa source d'inspiration plus  qu'évidente) pour un modèle de maturité post-pubère. Soyons bien clairs :  on n'a fondamentalement peu de choses à reprocher à une telle démarche.  S'inspirer de ses pairs a toujours fait partie du passage obligé des  rock stars en devenir, et en cela prendre exemple sur les White Stripes,  les Black Keys, les Strokes ou Muse n'a rien de répréhensible. Sauf que  la limite se trouve justement dans l'énumération précédente : que  faut-il penser d'un catalogue si disparate et, plus ennuyeux, si contemporain ?  A-t-on ainsi atteint le comble d'un revival en train de se mordre la  queue ? Pire : qu'y a-t-il de cohérent et de personnel dans la démarche  d'aligner de telles références lorsqu'elles se trouvent à ce point  voyantes, et ceci même si toutes ces chansons sont incontestablement  réussies ?
C'est d'autant plus navrant que le groupe parvient  malgré tout à entrouvrir, avec ce disque, quelques portes plus  aventureuses et autrement plus originales. La fusion Bellamy - Auerbach  s'opère de façon beaucoup plus convaincante sur "The Believers", preuve  que dans tous les essais à tendance foireuse, tout n'est souvent qu'une  question de juste dosage. Ainsi, on ne peut qu'être satisfait par  l'alliance guitare acoustique - rock heavy - violon - gong de "Holding  On", essai également tenté à un moindre degré sur le sombre "The  Beginning" qui donne carrément dans le hard symphonique à tendance  grandiose. La tentative piano-folk de "Practice In Patience" est  également fort réussie, très Raconteurs dans l'esprit. Un peu plus  loin, on effectue un nouveau grand écart avec "After All" qui développe  une progression d'accords atypique rappelant un peu les accointances  expérimentales de Radiohead période guitares torturées. Marrant de  constater que, si Ilan Rubin avait projeté le rock musesque de The New  Regime vers le hard progressif, c'est désormais le hard de The Parlor  Mob qui louche du côté de l'école Bellamy... la boucle est bouclée.  Néanmoins, désolé de le dire : c'est encore lorsque la formations reste  dans une veine fidèlement zeppelinienne qu'elle demeure la  meilleure, que ce soit sur son versant guerrier ("Fall Back",  fantastique collection de riffs plombés) ou dans son dépouillement  acoustique ("Slip Through My Hands", authentique et sensible à souhait).  A ce titre, on reste malheureusement circonspect devant la mise en  avant incompréhensible de l'insipide "Hard Enough", balancé comme single  alors qu'il s'agit probablement du titre le plus faible (et le plus  mainstream) du lot. 
Au fait, les deux premiers morceaux, "How  It's Going To Be" et "Into The Sun", se révèlent être d'incontestables  réussites, racées, pugnaces, lourdes et ravageuses. Au fait également,  la voix de Mark Melicia apparaît toujours aussi expressive et déchirante,  faisant de The Parlor Mob bien plus qu'un simple groupe à hommage  obsessionnel. Sauf qu'après un tel inventaire et quatorze titres (quatorze ! wtf ?) aussi  éclectiques, on ne peut que s'interroger sur le bien fondé de  toute cette affaire. S'il est de bonne guerre d'extirper le revival  hard rock d'un passé immobile en le remettant en ordre de marche, il  importe avant tout de s'assurer que les fondations de l’œuvre soient  solides, faute de quoi l'édifice risque de s'effondrer comme un chateau  de carte. Or, tout massif et rutilant qu'il soit, ce Dogs laisse apparaître quelques fissures qui, vous l'avez compris, n'augurent rien de bon pour l'avenir.






















