
Propagandhi
At Peace
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Avant de me plonger dans le dernier album de Propagandhi, je connaissais deux choses au sujet du groupe. Premièrement, qu’il était très engagé et sur ce point, At Peace ne déçoit pas, des paroles - antifascistes, anti-réactionnaires, pacifistes, écologistes – aux directions politiques clairement inscrites à l’intérieure du boîtier ("pro-feminist – animal-friendly – anti-fascist – gay-positive"). Il semblerait que le combo canadien n’accepterait pas que son pays devienne le 51ème État des USA.
D’ailleurs, la magnifique pochette est un tableau d’Edgar S. Paxton représentant le dernier combat de Custer à Little Big Horn en 1876, lors des Guerres indiennes : c’est indéniablement la défaite cinglante du 7ème de cavalerie qui est célébrée par le groupe et non l’héroïsme de l’officier (qualifié de "fuckin goof"). Et c’est bien cette illustration qui a suscité ma curiosité, en tant qu’amateur de peinture américaine de la fin du XIXème siècle illustrant l’épopée de la conquête de l’Ouest (un registre où ont également brillé Frederic Remington et Charles Marion Russel).
Et il fallait au moins cela pour me convaincre d’écouter cet opus, car la deuxième information dont je disposais à propos de Propagandhi était son inscription dans le punk hardcore, ce qui devait normalement me faire fuir. Or, le combo s’est depuis longtemps distingué de ce seul registre, même s’il en garde toujours quelques traits à l’écoute de certains riffs et surtout, de l’agressivité militante du chant.
Quelques titres sont ainsi davantage inscrits dans l’esthétique punk que d’autres, comme "Vampires Are Real" ou le single "At Peace", une excellente illustration de la fusion opérée par Propagandhi : à l’attaque punk moderne des lignes de chant, est associée une esthétique Heavy assez classique.
Cela est encore plus net sur l’excellent "Cat Guy", l’autre single promotionnel, où l’inspiration puisée dans le Metal des années 1980 est très claire, notamment dans l’écriture proche de celle de Judas Priest (très sensible également sur "Something Needs To Die But Maybe It’s Not You"). De façon globale, l’album est une révision moderne du Heavy Metal traditionnel au prisme de l’efficacité punk (dans la brièveté des compos et dans certains choix mélodiques). "No Longer Young" est un mélange de Power-Metal et de modernité punk aux mélodies aguicheuses, "Rented P.A." possède des plans à la Queensrÿche, tandis que plusieurs titres sont très classiques ("Benito's Earlier Work", "Fire Season") voire presque hard-rock ("God of Avarice"), mais restent toujours marqués par une touche contemporaine (le pont un peu mièvre à la Red Hot Chili Peppers sur "Prismatic Spray (The Tinder Date)"). Pourtant, Propagandhi parvient à rendre ce contraste très homogène - excusez cette expression paradoxale – au profit d’une esthétique qui n’a rien du patchwork : sans être le meilleur titre, "Day By Day" en est le meilleur exemple.
En outre, le combo parvient à explorer d’autre horizons, parfois plus apaisés (le léger "Stargazing" aux touches 80s), parfois plus violents : l’entrée en matière "Guiding Lights" se réalise au son du stoner agressif, à la limite du sludge complexe de Mastodon.
Antonio Gramsci pensait que la victoire politique se jouait sur le champ d’une bataille culturelle : Propagandhi semble l’avoir pris au mot en diffusant son message militant à l’aide d’une musique magistrale.
À écouter : "At Peace", "Cat Guy", "Guiding Lights", "No Longer Young"