
The Pineapple Thief
All The Wars
Produit par
1- Burning Pieces / 2- Warm Seas / 3- Last Man Standing / 4- All The Wars / 5- Build A World / 6- Give It Back / 7- Someone Pull Me Out / 8- One More Step Away / 9- Reaching Out


Dans  la récente chronique de The 2nd Law, commis par les inénarrables Muse, étaient mises en évidence les accointances existantes entre le trio de  Teignmouth et une certaine frange du post progressif anglo-saxon, la  seconde ayant avantageusement tiré parti du succès médiatique  étourdissant mais surtout de la reconnaissance stylistique du premier.  Parmi tous ces groupuscules sortis de l’ombre il y a quelques années,  The Pineapple Thief est probablement la formation la plus prolifique  mais aussi la plus douée de cette nouvelle génération qui a pris le  train tiré par Matthew Bellamy and co, mais aussi et surtout Radiohead  et, par certains côtés, Pink Floyd. Après des débuts plus ou moins  stressés sur le label K-Scope (Tightly Unwound, impeccable mais très  classique, Someone Here Is Missing, quelque part forçant un peu sa  nature), voilà que le timide et besogneux Bruce Soord vient de lâcher du  lest et de se libérer de la pression qui entourait son projet. En  signant All The Wars, Soord vient (enfin) de passer à la vitesse  supérieure.
Ce  neuvième album du voleur d’ananas fait en effet preuve d’une certaine  ambition en croisant le rock typé alternatif avec une orchestration  symphonique qui, petit à petit et à mesure que les morceaux défilent,  enveloppe les compositions de Soord dans un manteau royal. C’est tout le  paradoxe de ce disque qui compte parmi les plus massifs du groupe (à  peine un petit cran derrière Someone Here Is Missing), laissant une  place de choix aux larsens et aux riffs lourds et mixant une batterie  bodybuildée très en avant, mais qui a su à merveille tirer parti d’un  ensemble de violons - violoncelles sans sombrer dans l’emphase ou la  caricature d’une B\.O\. de film larmoyant. Ça commence fort avec un duo  "Burning Pieces" - "Warm Seas" entièrement électrique, grondant,  crissant et féroce comme jamais, avec toujours ce contraste saisissant  entre la puissance des guitares et la voix suave et habitée de Bruce  Soord qui prend un malin plaisir à nous promener d’interludes  quasi-silencieux en riffs traîtres et ravageurs. C’est "Last Man  Standing" qui se charge d’introduire les violons, là encore de façon  très parcimonieuse, sur une matrice rythmique 7/8 très prisée par  Soord. Un morceau qui résume à lui tout seul le savoir-faire Pineapple Thief : jolie mélodie pudique, metal habilement détourné de  ses codes, richesse et finesse des arrangements. Pour tout dire, on sent  encore une certaine fébrilité dans l’utilisation des forts décibels  avec "Build A World" et "Give It Back", même si le second, malgré sa  longueur, parvient à tenir en haleine là encore grâce à ses contrastes  extrêmes et à ses silences qu’encadrent des décharges soniques massives  et percutantes. C’est bien là le seul et unique défaut de ce  remarquable disque.
Car  n’oublions pas que le point fort de Bruce Soord repose sur la  confection de complaintes douce-amères magnifiées par ses intonations  éplorées. Dans ce registre, All The Wars tape en plein dans le mile avec  de petits joyaux comme le morceau titre, nimbé dans son écrin de  guitare sèche, de piano et de violoncelle. Plus loin, c’est "Someone  Pull Me Out" qui impressionne et émeut avec sa rythmique saccadée et son  grand refrain porté par les cordes de l’orchestre, tandis  que "One Step Away" tire parti d’un étonnant contraste, là encore, entre  les coups de bouttoirs massifs de la batterie et la délicatesse des  arrangements flottants. Mais tout ce qui précède n’est rien en  comparaison avec le conclusif "Reaching Out" pour lequel il va falloir  de nouveau sortir les superlatifs. Ce long morceau de près de dix  minutes représente sans aucun doute le point culminant de la  discographie de The Pineapple Thief et justifie à lui seul l’achat du  disque. Sur une introduction recyclant les mêmes progressions d’accord  que l’"Anesthetize" de Porcupine Tree, Soord tresse une mélopée  poignante qui s’envole sur un refrain libérateur avant de faire basculer  son morceau dans une spirale anxieuse au son d’un petit motif de basse  égrené en boucle, rapidement avalé par les dissonances des violons  tandis qu’une chorale que n’aurait pas renié Carl Orff monte lentement  en puissance en arrière fond. On pense immédiatement à l’"Atom Heart  Mother" du Floyd, mais le morceau de Soord va beaucoup plus loin et  s’envole ensuite vers de délicates boucles enfiévrées qui marient à  merveille chorale féminine, violons piqués, frappes de caisse et solo de  guitare déchirant. Du très, très grand art.
Sans  le petit coup de mou central représenté par les trop téléphonés "Build A  World" et "Give It Back", All The Wars aurait pulvérisé la course à  l’album de l’année 2012. Il n’en reste pas moins un grand disque, l’un  des meilleurs de The Pineapple Thief (à ranger aux côtés de Variations  On A Dream) et en tout cas le plus beau de la période Kscope du groupe.  Si vous aim(i)ez Muse et Radiohead et que les violons ne vous écoeurent  pas (et rassurez-vous, on est ici bien loin du pompiérisme orgueilleux  de The 2nd Law), n’hésitez pas à aller écouter ce disque, vous risquez  de ne pas en revenir. Et si vous êtes séduits, la discographie du voleur  d’ananas demeure encore bien riche en trouvailles dignes d’être  découvertes. A ce propos, réjouissons-nous car sur les deux dernières  années, ce ne sont pas moins que What We Have Sown, Ten Stories Down,  Little Man et surtout Variations On A Dream qui ont eu l’honneur d’une  réédition remasterisée, le tout bien évidemment chapeauté par  l’infatigable et méticuleux Bruce Soord. Nous n’avons désormais plus  aucune raison d’ignorer la formation la plus brillante du post  progressif anglais.

























