
Kylesa
Static Tensions
Produit par
1- Scapegoat / 2- Insomnia For Months / 3- Said And Done / 4- Unknown Awareness / 5- Running Red / 6- Nature's Predators / 7- Almost Lost / 8- Only One / 9- Perception / 10- To Walk Alone


Ne vous fiez surtout pas à l'introduction en trompe-l'oeil laissant s'exprimer une double batterie joueuse : avec Static Tensions,  il n'y a aucune place pour la plaisanterie. Riffs colossaux, groove de  folie, hurlements furieux (mais curieusement harmonisés, c'est très  fort), "Scapegoat" se révèle une salve introductrice d'une puissance  tout bonnement dévastatrice. Ainsi en est-il de Kylesa, véritable OVNI  métallique qui puise la source de sa musique au sein des scènes heavy  les plus hétéroclites, à cheval entre le punk-hardcore-crust, le sludge  géorgien, le stoner sous acide et le rock psychédélique de camé. Un  cocktail détonnant qui confère au groupe de Savannah un statut à part au  sein de la musique heavy et qui trouve ici un équilibre assez génial entre lourdeur de son insensée, ire extrême et shoot d'héroïne.
Static Tensions  réalise en effet une sorte de quintessence de ce que Philip Coppe et  Laura Pleasants voulaient exprimer sur bande depuis le crash de Damad au  début des années 2000. Plus varié et surtout infiniment plus subtil que  les premiers tabassages studio du groupe qui restent à ce jour  pratiquement inécoutables, ce quatrième album allie la férocité démente  de Time Will Fuse Its Worth et le psychédélisme lourd de To Walk A Middle Course  en y élargissant la palette du chant (ou plutôt des gueulantes) et  surtout en exploitant enfin l'apport très particulier de la double  batterie, petite originalité formelle du quintette. Les deux cogneurs (à  l'époque Eric Hernandez et Carl McGinely, équipe de nouveau rassemblée  aujourd'hui) créent ici un écho percussif guerrier qui favorise au choix  le passage à tabac des guitares ou l'élévation hypnotique de l'esprit  de par leur rémanence. Plus fort encore, chaque morceau de Static Tensions  développe une vie propre et un style différent, au sein desquels les  subtilités assez effarantes n'affleurent qu'au bout de nombreuses  écoutes enfiévrées.
C'est d'ailleurs un peu ici que le triage se  fera entre ceux qui accrocheront à Kylesa et ceux qui se barreront en  courant. Si vous voulez vraiment retirer toute la substantifique moëlle  de Static Tensions, il vous faudra d'abord vous habituer à  l’extrême violence du chant et à la férocité de la boucherie instrumentale. D'autant que l'album démarre véritablement en trombe, tel  un rouleau compresseur qui se met en tête de massacrer tout ce qui  passe à sa portée. Ca gueule à s'en faire claquer les cordes vocales  ("Said And Done", ou quand Laura Pleasants se transforme en braillarde  incendiaire tandis que Philip Coppe scande sa douleur comme un aliéné)  et ça balance du riff à la tronçonneuse ("Insomnia For Months",  succesion de crochets et d'uppercuts en accéléré). C'est une fois vos  oreilles rincées à la sulfateuse que commencent à poindre l'inventivité  et l'intelligence sonore du groupe, un peu comme si vous vous étiez fait  brutaliser par un gang de barbares urbains et que ceux-ci vous filaient contre  toute attente un énorme bang de Marie-Jeanne afin que vous vous  requinquiez et que vous puissiez planer à dix mille pieds. Ca commence  déjà avec "Unknown Awareness" quand la batterie se met à marteler une  rythmique haletante pendant que les cordes lâchent leurs échos sur une  incantation d'outre-monde ; et ça se poursuit ensuite avec "Running Red"  ou la rencontre des délires orientaux du proto Pink Floyd ("Set The  Controls...") et de l'artillerie bestiale de Slayer. A partir de là, la  messe est dite : tout le reste de l'album oscille sans cesse entre  poutrage facial burné ("Almost Lost" et ses graves sous Ecstasy), colère  confinant à la souffrance ("Nature's Predators avec un Coppe maladif au  possible encadrant un rush metal belliqueux) et trips costauds qui vous fichent en transe. La fin de  l'album met d'ailleurs un peu le frein sur la violence et permet même  quelques lignes de chant réellement chantées (si si, il y en a) qui  préfigurent le tournant beaucoup plus accessible de Spiral Shadow.  Là, pas besoin de vous faire un dessin : Kylesa connaît son affaire.  Boucle de guitares hypnotiques lentement accélérées ("Only One"),  alternances de riffs punching-ball et de litanies planantes  ("Perception") ou délires arabisants avec pédales de guitare massacrées,  les natifs de Savannah déroulent le très grand jeu en toute  circonstance.
Un bon conseil si vous ne connaissez pas Kylesa et  si les moeurs en vigueur dans le milieu crust vous sont étrangères : ne  débutez pas votre approche du groupe par Static Tensions et préférez-lui le plus tempéré Spiral Shadow.  Une fois ce pré-requis effectué, vous serez alors libre de succomber à  ce monument du sludge, aussi hystérique en apparence que trippant en  profondeur. Une fascination décuplée par l'artwork dérangeant de John  Baizley (le frontman graphiste de Baroness) qui contribue à faire de ce  manifeste un album parfaitement culte et une galette rigoureusement  indispensable à toute discothèque musclée qui se respecte.
























