
Florence and the Machine
Ceremonials
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1- Only If for a Night / 2- Shake It Out / 3- What the Water Gave Me / 4- Never Let Me Go / 5- Breaking Down / 6- Lover to Lover / 7- No Light, No Light / 8- Seven Devils / 9- Heartlines / 10- Spectrum / 11- All This and Heaven Too / 12- Leave My Body


Alors voilà, c'est entendu. La dernière lubie du moment, quand on veut  passer pour un critique tendance, fiable et de bon goût, c'est de  rentrer dans le lard de Florence and the Machine. C'est ainsi que l'on  voit actuellement fleurir, à l'heure de la sortie de Ceremonials,  de curieux papiers confits de haine méprisante, drapés de surcroît dans  une mauvaise foi frôlant parfois le ridicule. On ne va pas citer tous  ces charmants oiseaux, mais on attirera votre attention sur deux  professionnels particulièrement odieux dans le traitement de leur  article. Cliquez ici puis ici, lisez les torchons en question, puis  revenez assister au debriefing. 
Ces soi-disant chantres de la  bien-pensance musicale moderne se révèlent d'autant plus pathétiques  qu'ils omettent la règle d'or du chroniqueur de rock : celle de ne  surtout pas prendre ses lecteurs pour des imbéciles. Peu importe, dans  le fond, qu'ils en veuillent ou non à la peau de Florence Welch : chacun  est libre de défendre sa vision de ce que doit être le Rock avec un  grand R (ou de la musique avec un grand M, si vous préférez), et  d'ailleurs nous même à albumrock n'hésitons pas à pourfendre  généreusement ceux dont les productions discographiques nous  indisposent. Mais ça ne nous donne pas le droit de faire ni de dire  n'importe quoi. Dans le cas de l'illustre inconnu qui a déféqué sa  diarrhée littéraire dans les Inrocks, on ne sait même plus s'il faut  conspuer en priorité le laconisme insultant de la "critique", l'exercice  de prose totalement désincarné ou l'inadaptation sociale d'un propos à  peine digne des déversoirs à haine de Youtube. Le cas du second malfrat,  Mr Philippe Brochen - qui, lui, a au moins eu le mérite de signer son  méfait, semble dans un premier temps un peu plus digne d'intérêt, du  moins le propos apparaît-il suffisamment argumenté. Cependant le masque  tombe bien vite à la lueur de raccourcis basculant subrepticement dans  le cliché idéologique oiseux : Florence and the Machine ferait en fait de  la crypto-propagande chrétienne, eh ouais. Vache, c'est fou ce qu'on  peut lire comme âneries, de nos jours. Alors certes, l’article a été  publié dans Libé, soit un canard pas franchement catho à la base, mais  quand même. Pire encore, on se rend très vite compte que Mr Brochen n'a  même pas écouté l'album en entier : il s'est contenté des trois premiers titres, pas plus, et on ose à peine espérer qu'il les ait écouté plusieurs fois. Bon sang, croie-t-il vraiment que ses lecteurs soient aussi naïfs que cela ?
Cette  longue introduction prend tout son intérêt quand on envisage la place  prépondérante qu'est en train de prendre Florence and the Machine sur la  scène pop internationale. Il y a deux ans de cela, personne n'aurait  misé un seul centime sur la montée en grâce d'une cantatrice exaltée qui  emprunte autant au folklore anglo-saxon qu'aux codes de la pop moderne  en mâtinant le tout de soul et de rock n' roll. Or si encenser une  artiste cryptique mais originale et à contre-courant de la pensée  musicale dominante relève du bon goût le plus extrême, il n'en va pas du  tout de même lorsque l'animal en question, plébiscité par un succès de  masse dépassant les pronostics les plus déraisonnables, est en passe  d'ériger ses codes en tant qu'exemple à suivre doctement. Du coup, à  l'heure de la sortie du deuxième album de la rousse chanteuse, et par un  étonnant coup de baguette magique, la folie conquérante se voit changée  en capharnaüm vulgaire, l’exubérance du chant devient un étalage vocal  grandiloquent, et l'orchestration déchaînée se mue en arrangements  pompeux. Aucune raillerie n'est épargnée, aucune bassesse n'est omise,  on va même jusqu'à comparer Florence Welch avec Amy Lee ou Céline Dion.  Au delà de ces analogies risibles, là où l'incompréhension commence véritablement à  affleurer, c'est que, foncièrement, Ceremonials ne trahit pas l'esprit de Lungs.  La voix est la même, l'orchestre également, l'intention itou. Ce  deuxième album prolonge parfaitement le prometteur essai inaugural de  l'anglaise tout en réorientant le propos vers des tendances mystiques  déjà bien affirmées au sein de morceaux comme "Drumming Song" ou "Cosmic  Love". Lungs partait dans tous les sens, Ceremonials se  veut construit, recadré et argumenté. Mais Florence and the Machine fait  toujours du Florence and the Machine, et le fait toujours aussi bien.
C'est  le classieux "Only If For A Night" qui se charge de donner le la au  disque. Plus posé, plus tendu que les pièces de l'album précédent, le  titre passionne immédiatement par l'excellence de son traitement vocal,  faisant une fois encore de Florence Welch une vocaliste mais surtout une  mélodiste hors pair. L'air cérémonieux qui s'échappe des volutes  instrumentales nous réserve déjà des trésors de variations et de  subtilité d'interprétation, et ça n'est que le début. Le propos s'élève  bien vite avec "What The Water Gave Me", grande ode païenne déclamée par  une chanteuse en transe qui tourbillonne sur des nappes de harpe et de  guitares et qui monte lentement en puissance jusqu'à un final grandiose.  Plus loin, le chant se fait recueilli sur fond d'orgues qui explosent  en un grand refrain enflammé ("No Light, No Light") avant de retomber  dans une mélopée surnaturelle qui convoque les anciens esprits du passé  ("Seven Devils") ou dans la rencontre improbable entre le paganisme  africain et les chœurs d'un opéra dévoyé ("Heartlines"). Mais c'est  encore "Spectrum" qui impressionne le plus entre la violence des  percussions fouettées, le mordant des cordes de harpes et les  oscillements électro anachroniques. La recherche de l'amour défunt  semble être un leitmotiv récurrent chez Florence Welch, prête à tous  les sortilèges pour retrouver l'être désiré : incantations magiques ("Dis mon nom, que chaque couleur s'illumine !"), suppliques sacrificielles ("Allonge moi, que le seul son ne soit que l’inondation"), fantasmes de mort sublimés ("Je veux quitter mon corps, je veux perdre mon âme"),  accouchant logiquement d'une douce litanie sur la crainte de l'abandon  ("Never Let Me Go"). Ailleurs, le mysticisme laisse sa place à des élans  pop gorgés de soleil soul ("Shake It Out", "Lover To Lover", tous deux  très réussis) ou à un curieux morceau doux-amer qui laisse poindre une  imperceptible mélancolie sous un ciel en apparence serein ("Breaking  Down"). Le disque se paye même le luxe d'une double conclusion, "All  This And Heaven Too" qui emprunte un peu les développements  mélodiques de "You've Got The Love" en plus apaisé, et "Leave My Body",  dialogue flamboyant entre Florence et une chorale possédée par la grâce.
Ceremonials s'avère moins flatteur et immédiat que ne l'était Lungs,  mais il laisse très vite apparaître des atours plus emballant sur le  long terme en bénéficiant notamment de l'absence de morceaux faibles (ce  qui n'était pas le cas avant, on pensera notamment au triptyque "I'm  Not Calling You A Liar" - "Kiss With A Fist" - "Girl With One Eye").  Certains regretteront le melting pot musical du premier album, sa folie  douce et ses allants rock et blues plus prononcés, d'autres au contraire  se réjouiront de l'exploration sans réserve des allants surnaturels et  folks - rétrospectivement les meilleurs - de ce projet musical toujours  aussi hors normes. Mais basiquement, si vous avez aimé Lungs, il n'y a aucune raison pour que ces cérémoniaux ne vous captivent pas. Et rassurez-vous : si Ceremonials s'est  fait étriller par certains journalistes peu scrupuleux mais  heureusement minoritaires, c'est avant tout le personnage et ce qu'il  représente qui sont visés. La valeur intrinsèque, elle, demeure, et on  est de plus en plus impatient de découvrir les futurs émoluments de la  pop inclassable de Florence and the Machine.






















