Alcest
Les Chants de l'Aurore
Produit par
1- Komorebi / 2- L'Envol / 3- Améthyste / 4- Flamme Jumelle / 5- Réminiscence / 6- L'enfant De La Lune / 7- L'Adieu
Encore loin d'une popularité lui permettant d'intégrer la cérémonie des JO, Alcest n'en demeure pas moins un incontournable de la scène metal française, tant par sa longévité que son impact international. Qui d’autre peut en effet se targuer d’être à l’origine d’un genre musical (le blackgaze), et d’avoir ouvert la voie à d’autres formations (Deafheaven en tête) en associant pour la première fois les atmosphères éthérées du shoegaze à la frénésie des musiques extrêmes ? Voilà maintenant plus de vingt ans que le groupe, porté par le chanteur et multi-instrumentiste Neige, repousse les limites de sa musique, diversifiant son approche rythmique et proposant de nouvelles manières de manier l’émotion. Chaque album d’Alcest est ainsi l’occasion d’arpenter une nouvelle direction artistique, à l’image du plus pop et épurée Shelter (2014) ou de l’atmosphère japonisante de Kodama (2016). Autant dire que cinq années après le très remarqué Spiritual Instinct (2019), l’annonce d’un septième opus constituait un petit évènement.
Comme le suggère son élégante pochette aux tons résolument pastoraux, Les Chants de l’Aurore invite au lâcher-prise : un appel à contempler un crépuscule au couleurs chaudes et chatoyantes, à explorer des terres à l’infini beauté, et à s’immerger dans une nature à la fois hostile et majestueuse. Si l’investissement émotionnel constitue le fil conducteur de l’œuvre d’Alcest, rarement le groupe n’avait semblé aussi rayonnant. L’ouverture d’album ("Komorebi") captive immédiatement grâce son atmosphère solaire et enivrante, renforcée par une batterie (toujours assurée par l’excellent Winterhalter) qui joue la carte de la diversité, s’appropriant aussi bien les standards rythmiques de la pop que du black metal. Il en résulte un mélange subtil des genres, associant divers extrêmes sans pour autant nuire à la cohésion d’ensemble.
Maitrisant totalement son sujet, Alcest livre d’ailleurs l’une de ses meilleures chansons avec "L’Envol", un morceau au refrain d’une évidence désarmante, qui fascine à chaque nouvelle écoute avec sa structure nuancée et sa capacité à stimuler l’imagination. Ces attributs cinématiques renforcent la puissance évocatrice des compositions, en mettant en avant une approche instrumentale où la musique se suffit à elle-même, illustrée par un jeu de guitare particulièrement expressif ("Flamme Jumelle"). Il faut d’ailleurs mettre en avant la belle profondeur offerte par certains morceaux, l’occasion de féliciter l’excellent travail de mixage, permettant de faire cohabiter chaque strate sonore de manière particulièrement harmonieuse, évitant ainsi l’écueil de certains groupes de shoegaze (et post-rock) abusant un peu trop de l’effet "mur de son" (pour ne pas dire bouillie sonore).
Que l’on aime ou pas le chant – pour le moins atypique – de Neige, il est indéniable que celui-ci se pose en véritable vecteur d’émotion, prodiguant à la langue française une musicalité inédite. Les détracteurs s’acharneront sur l’aspect parfois incompréhensible des paroles, tandis que les autres se délecteront d’un exercice vocal faisant corps avec la musique. Si les hurlements déchirants de Neige sont toujours de la partie, ceux-ci se voient réduits à l’essentiel sur ce nouvel opus. Certains regrettèrent probablement ce choix, mais force est de constater que cette approche plus modérée s’avère bénéfique pour la progression des morceaux, donnant un panache supplémentaire à certains sommets d’intensité.
La deuxième partie d’album opte quant à elle pour une approche plus paisible, amorcée par la pop lumineuse de "Flamme Jumelle" ou encore de la ballade délicate de "Réminiscence". Si l’ensemble s’enchaîne de manière très appréciable, on pourra cependant regretter l’absence d’un véritable temps fort en fin d’album. Aussi ambitieux soit-il, un titre comme "L’Enfant de la Lune" peine en effet à marquer les esprits, malgré son envie de se poser comme une rétrospective de l’évolution musicale du groupe originaire du Gard.
Sous ses allures de bilan d’une discographie pour le moins exemplaire, Les Chants de L’Aurore constitue un superbe témoignage de ce qu’est et a été Alcest. Plus apaisé sans pour autant perdre en vivacité, ce septième album semble finalement présenter le groupe français sous sa forme la plus aboutie et équilibrée. Il faut croire que le Blackgaze n’attendait qu’une chose : trouver la lumière pour enfin se montrer en plein jour.
A écouter : "L’Envol", "Améthyste", "Flamme Jumelle"