Anathema
Distant Satellites
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1- The Lost Song, Part 1 / 2- The Lost Song, Part 2 / 3- Dusk (Dark Is Descending) / 4- Ariel / 5- The Lost Song, Part 3 / 6- Anathema / 7- You 're Not Alone / 8- Firelight / 9- Distant Satellites / 10- Take Shelter
Si vous suivez un tant soit peu la filière progressive, vous savez, sans aucun doute, qu’Anathema est devenu une référence de ce créneau. Avec son parcours atypique, son statut de pionnier du doom anglais, son spectaculaire virage à 180° à la fin des années 1990 pour privilégier une musique de plus en plus douce, son break de sept années ayant abouti, en 2010, à l’éclosion d’un cocon progressif atmosphérique du plus bel effet (We’re Here Because We’re Here), les anglais avaient enfoncé le clou deux ans plus tard avec Weather Systems, plus acoustique, plus réussi encore, un disque qui s’érigeait assez facilement comme le magnum opus des frères Cavannagh. Toute la question était de savoir si, avec Distant Satellites, disque annoncé par ses géniteurs comme leur réalisation la plus aboutie à ce jour, un tel niveau allait encore pouvoir se maintenir.
La réponse, quoique négative, se veut un peu plus contrastée qu’elle n’en a l’air. Dire que Daniel Cavannagh était confiant quant à la qualité de cet album relève de l’euphémisme. Quand on affiche une telle sérénité en promo, quand on va jusqu’à nommer l’un de ses titres du nom de son groupe lui-même, c’est que le doute n’est pas permis. Dans les faits, Distant Satellites réunit, effectivement, les plus beaux joyaux composés par le rouquin. On pense donc à "Anathema", à ses vagues de piano, à l’implication émotionnelle hors norme de Vince Cavannagh qui transporte ses clairs-obscurs vocaux à un degré d’intensité rarement égalé ; on pense à "Firelight" - "Distant Satellites", le premier introduisant longuement le morceau le plus envoûtant de ce disque, intégrant à la perfection une électronique qui, jusqu’à maintenant, n’était pas totalement maîtrisée par le groupe, nimbé dans une mélodie d’une lumineuse tristesse qui s’évade ensuite sur une dream music gracieuse ; on pense aussi au conclusif "Take Shelter", quintessence de la complainte solaire made in Liverpool, à l’entêtant "You’re Not Alone" et à ses litanies hypnotiques malmenées par une batterie convulsive et des guitares enragées, ou encore au nerveux, inquiétant et sombre "Dark" dont les deux parties évoquent, comme Anathema sait si bien le faire, l’orage et l’accalmie qui lui fait suite. Tous ces morceaux sont positivement fabuleux et surpassent encore la beauté des perles pêchées sur l’album précédent. D’ailleurs, jusqu’ici, on voit mal où est le problème. Et pourtant problème il y a.
Et ce problème a pour nom "The Lost Song". Pour être tout à fait exact, la chanson perdue, déclinée en trois temps différents, n’est pas inintéressante de bout en bout, mais elle souffre notamment d’une entame douloureusement banale, voire, osons le mot, ennuyeuse. Or s’ennuyer sur un album d’Anathema, c’est rare, mais rien à faire, les écoutes répétées ne parviennent pas à atténuer la fadeur de cette "Part 1" qui a pourtant en charge de débuter l’album. Un comble proprement inexplicable. Certes, les parties 2 et 3 remontent le niveau, grâce soit rendue à Lee Douglas et à la calme sérénité féminine qu’elle y affiche ("Part 2", nettement plus convaincante). Néanmoins, on ne retrouve pas tout à fait ici l’alchimie si particulière qui opérait entre Vince Cavannagh et elle sur Weather Systems. Même la "Part 3", pourtant plus subtile, mieux équilibrée, exprimant des contrastes et des gradations d’émotions mieux mises en valeur, ne dépasse pas le stade de très bonne chanson. Pire, on constate qu’Anathema a atteint ses propres limites lorsque l’on n’arrête pas de penser, à l’écoute d’"Ariel", au magnifique "Lightning Song" des systèmes météorologiques, sans parler d’une fin qui traîne en longueur et à un solo de guitare proprement inutile et limite agaçant.
Anathema rate donc le coche cette fois-ci. Attention, Distant Satellites est loin, très loin d’être mauvais, mais il pâtit d’une entame laborieuse. Dommage, car avec une deuxième partie proprement somptueuse, des chanteurs au sommet de leur art et une intégration plus complète de nombreuses palettes sonores, acoustique, électrique, électronique et symphonique, Anathema avait tout pour accoucher d’un chef d’oeuvre. Encore une fois, c’est l’inconstance du songwriting qui, ici comme souvent ailleurs, fait s’effondrer l’édifice. Reste que cela ne devrait a priori pas trop écorner leur statut de valeur sûre chez Kscope et qu’ils devraient être encore capable, pourquoi pas, de nous proposer un nouveau Weather Systems à l’avenir. Le talent et le passé parlent pour eux, alors pas question de les perdre de vue.