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Critique d'album

Baroness


Yellow and Green


(17/07/2012 - Relapse - Sludge / Prog - Genre : Hard / Métal)
Produit par John Congleton

1- Yellow Theme / 2- Take My Bones Away / 3- March to the Sea / 4- Little Things / 5- Twinkler / 6- Cocainium / 7- Back Where I Belong / 8- Sea Lungs / 9- Eula / 1- Green Theme / 2- Board Up the House / 3- Mtns. (The Crown & Anchor) / 4- Foolsong / 5- Collapse / 6- Psalms Alive / 7- Stretchmarker / 8- The Line Between / 9- If I Forget Thee, Lowcountry
Note de 4/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Ambitieux, accessible, ce double album ne tient pas toutes ses promesses"
Nicolas, le 22/08/2012
( mots)

L’année 2012 est déjà à moitié achevée, et on peut déjà tirer le même constat que l’an passé : en terme de rock, on s’ennuie sec. Pas d’emballement médiatique, pas de tendances, pas de modes ni de sonorités un tant soit peu nouvelles ou originales. On en vient même à se demander si l’avenir du rock ne doit pas être envisagé à l’aune d’influences extérieures... quoi que. Le mariage pop-rock semble déjà avoir montré ses limites stylistiques, et des métissages avec l’électro, avec le hip hop ou même, plus récemment, avec le dubstep (cf Korn ou, prochainement, Muse) ont déjà été tentés sans créer la révolution escomptée. Mais peut-être ne faut-il pas chercher aussi loin : alors que le rock se recroqueville dans un attentisme paresseux, ses cousins germains, le metal et ses succédanés, affichent une santé insolente et peuvent ainsi tenter de récupérer en toute impunité les bonnes âmes égarées sur les routes désolantes du mainstream. C’était déjà le cas au début des années 90 avec le grunge, entité métamorphe mais invariablement grande utilisatrice de grosses guitares, cela pourrait le devenir prochainement avec le sludge.

Loin de nous l’idée de rattacher ces deux genres l’un à l’autre ou de décréter que Savannah serait devenue la nouvelle Seattle, mais force est de constater que des similitudes troublantes entre les deux courants existent, la plus évidente étant l’alliance d’un son opulent et de vraies mélodies : là demeure la clé de ce qui nous occupe ici, avec un dénominateur commun prépondérant que sont les Melvins. La vraie différence entre grunge et sludge, c’est que le grunge s’est construit en marge, voir même en opposition au metal, alors que le sludge s’est au contraire calqué en totalité dans le moule métallique pour ensuite se réorienter progressivement vers les masses. L’autre différence, bien sûr, c’est le manque de relais ou d’emballement médiatique : là où Nirvana, Pearl Jam, Alice In Chains ou Soundgarden inondaient les ondes et faisaient l’unanimité dans la presse dans les 90’s, c’est à peine si les médias généralistes, NME et consorts, appuient le phénomène géorgien, même s’il est vrai que les indés, Pitchfork, Paste et Spin principalement, accordent un peu plus d’importance au sludge qu’à n’importe quel autre mouvement lambda. Mais encore une fois, pas de succès sans un support accessible : en adoucissant leur chant sans renier la férocité de leur accompagnement instrumental, les ténors du metal sudiste sont en train de gagner des points sur les scènes du monde entier. Kylesa avait montré la voie avec le plus tempéré et indie Spiral Shadow, Mastodon avait enfoncé le clou avec un Hunter fantastique mais encore trop radical, et Torche a tout récemment marqué des points avec le remarquable Harmonicraft. Quant à Black Tusk, les benjamins de Savannah qui apparaissent encore passablement excités sur les bords, ils en arriveront eux aussi à plus de douceur, c’est mathématique. Bref, c’est désormais à Baroness de présenter son album calibré pour les masses, et le moins qu’on puisse dire, c’est que le travail n’a pas été fait à moitié.  

C’est en effet à un double album que nous avons affaire, mais plus encore, car avec Yellow & Green, John Baizley et sa bande ont pratiquement tourné le dos en totalité au metal. Le peintre barbu a ainsi très largement tempéré son chant terrien, et même si l’énergie vocale reste de mise, il n’a que très peu l’occasion de forcer sur son organe. Autre nouveauté majeure : les sonorités grasses du sludge ont presque complètement disparu. Il persiste bien quelques passages assaisonnés généreusement en décibels riches en graisse ("Take My Bones Away", single simple et guerrier, l’enflammé "March To The Sea" et surtout le refrain très stone de "Cocainium") mais en règle générale l’atmosphère est à l’apaisement et à la prise de distance très claire avec les canons métalliques. Yellow & Green apparaît donc non plus comme un disque de metal ou même de sludge, mais tout simplement comme un disque de rock alternatif. Un pari sacrément osé qui risque de mettre à dos tous les amateurs de beuglements animaliers et de guitares maousse costaud. Pour Baizley, autant carrément se tirer une balle dans le pied, à moins de disposer de sérieux atouts dans sa manche. Le problème, en fait, se situe là, car avec ce double album, Baroness a peut-être eu les yeux un peu plus gros que le ventre.

Louer une prise de risque pour elle-même ne rime à rien, de même que de descendre en flèche tout grand écart vis-à-vis d’attentes générées par un quelconque groupe. Non, en fin de compte, ce qui compte et qui comptera toujours quand on s’attaque à un disque, c’est sa chair et son goût, soit sa consistance et sa personnalité. Or malgré ses qualités, Yellow & Green pêche sur les deux tableaux. Quant on s’attaque au gras du disque, on prend acte d’une réorientation radicale du style de Baroness : là où Baizley empilait les idées musicales par tonneaux sur ses précédentes compositions, parfois de façon frustrante car sans leur laisser le loisir de se développer,  le double jaune et vert aère sensiblement le discours et se met en tête de pousser le moindre balbutiement mélodique dans ses derniers retranchements. Chaque chanson exploite donc un couplet, un refrain, un pont, mais guère plus. Soit, il n’y a là en soi rien de répréhensible, mais à bien y réfléchir, le barbu a réuni la même somme de matériel que sur ses précédents opus, et plutôt que d’exploiter les meilleures idées et d’écarter les moins bonnes tout en resserrant le propos sur un disque, il s’est mis en tête de garder la totalité de son travail et d’étaler le résultat sur deux galettes. Sauf que le double album, exercice difficile s’il en est, pose souvent un problème de tempo si la consistance des morceaux ne s’avère pas rigoureusement irréprochable, et c’est ce qui se passe ici. Si l’album jaune se déroule impeccablement jusqu’à "Cocainum" (avec au passage de jolis motifs d’arpège sur "Little Things" et une ambiance caniculaire parfaitement troussée sur "Twinkler"), le disque commence à s’enliser avec un "Back Where I Belong" mollasson que le robuste "Sea Lungs" a bien du mal à extirper de son marasme. Hélas, le mal est fait, car si "Eula" exploite à fond le psychédélisme floral musclé, le titre ne parvient pas à redonner le coup de fouet que le projet aurait mérité. Le morceau aurait sans nul doute trouvé une place de choix en conclusion du Green Album, c’est sûr, mais à cet endroit précis, ça coince. Problème encore plus présent avec le disque vert qui offre trop de moments de flottement : pour un "Mtns (The Crow & Anchor)" au poil, combien de "Foolsong" et autres "Collapse" anesthésiés ? Qu’on ne s’y méprenne pas : chaque morceau pris séparément tient largement la route, mais le tout mis bout à bout n’offre pas le résultat escompté... même si des titres comme "Psalms Alive" ou "Strechmarker" relèvent la densité de l’ensemble.

Peut-être que Baizley n’aurait pas dû autant se priver de son arsenal de destruction massive et vouloir à ce point "ne pas faire de metal", comme s’il s’agissait d’une honte mal placée. Car oui, ce qu’on aime avec Baroness, ce n’est pas forcément ses sonorités sludges en tant que telles, mais l’alternance entre riffs obèses et ambiances plus délicates et travaillées. Le son gras, c’est plus un signe distinctif régional, mais ce n’est pas forcément la caractéristique en laquelle réside l’intérêt que l’on pourrait porter à un Mastodon ou à un Torche, par exemple... et en fin de compte, seul Kylesa forge pleinement l’essentiel de son pouvoir attractif sur la densité de ses guitares. Baroness, quant à lui, excelle dans la mise en opposition de ses multiples textures. Pourtant, en soumettant ses six cordes à un régime draconien, le groupe se prive d’une bonne partie de son charme et de sa personnalité. Améliorer le chant, supprimer les gueulantes, affiner les choeurs et les harmonies afin de rendre la formation plus accessible, oui et mille fois oui, d’ailleurs le résultat s’avère ici bien convainquant même si le barbu de Savannah devra encore progresser sur ce point. Mais pourquoi risquer de perdre l’âme géorgienne au profit d’un son beaucoup plus impersonnel et passe partout ? D’ailleurs ça ne rate pas : comment ne pas penser à l’"Assassin" de Muse sur "Sea Lungs", aux bangs massifs d’Amplifier sur "Board Up The House" ou aux progressions mélodiques très typées Cave In (période Antenna) sur "The Line Between" ? C'est dommage, surtout quand on sait que Josh Homme a déjà amplement démontré qu'il était possible de conserver un gros son (celui du stoner rock) et d'y adjoindre une matrice pop pour un résultat aux petits oignons avec les redoutables Queens of the Stone Age. Les natifs de Savannah comprendront-ils un jour le message ?

Voilà, Yellow & Green aurait pu être l’album de l’année, mais il n’en est rien. Non dénué de qualités, cet ambitieux projet clairement orienté grand public pêche par excès de confiance et manque de discernement sur la marche à suivre. Si le Blue Record se plantait dans la densité excessive et l’éclatement de ses compositions à tiroir, ce double album commet l’erreur exactement opposée en tournant le dos aux spécificités du groupe sans proposer pour autant une matière absolument irréprochable. Le fait est donc que le sludge se cherche encore son Nevermind, et il est clair que Baroness ne l’a pas trouvé. En attendant un quatrième essai qui promet d’être encore bien différent de ses prédécesseurs, nos oreilles scruteront avec intérêt les prochaines pérégrinations de Kylesa dont le cinquième album arrivera à l’horizon 2013. Le salut du rock viendra-t-il de Géorgie ? On peut se (com)plaire à le croire, mais à ce jour, voilà un fantasme qui reste encore à démontrer.

 

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