↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.
Critique d'album

Bernard Lenoir


Bernard Lenoir L'Inrockuptible 2


(09/12/2013 - Parlophone - - Genre : Rock)
Produit par

1- Pulp - Do Your Remember The First Time / 2- The Chameleons - Don't Fall / 3- Theatre Of Hate - Do You Believe In The West World? / 4- Papas Fritas - Way You Walk / 5- Katerine - Je Vous Emmerde / 6- Ned's Atomic Dustbin - Kill Your Television / 7- Liz Phair - Fuck And Run / 8- Sugar - A Good Idea / 9- Sonic Youth - Sugar Kane / 10- Elysian Fields - Black Acres / 11- Sparklehorse - Homecoming Queen / 12- Julee Cruise - Falling / 13- Lambchop - Is A Woman / 14- Nick Cave & The Bad Seeds feat. PJ Harvey - Henry Lee / 15- Sebadoh - Soul & Fire / 16- Lady & Bird - Suicide Is Painless / 17- Calexico - Fortune Teller / 18- Silvain Vanot - La Vie Qu'On Aime / 19- Eels - Not Ready Yet / 20- Elliott Smith - Baby Britain / 1- The Blue Nile - Let's Go Out Tonight / 2- Jay-Jay Johanson - So Tell The Girls That I Am Back In Town / 3- The Divine Comedy - Becoming More Like Alfie / 4- The Go-Betweens - Was There Anything I Could Do? / 5- Supergrass - Mansize Rooster / 6- Pale Saints - Throwing Back The Apple / 7- Little Rabbits - La Piscine / 8- Aztec Camera - Oblivious / 9- A House - Endless Art / 10- The Charlatans - The Only One I Know / 11- The Boo Radleys - Lazarus / 12- Felt - Penelope Tree / 13- Morrissey - Why Don't You Find Out For Yourself / 14- Lemonheads - It's A Shame About Ray / 15- Emiliana Torrini - Sunny Road / 16- Vic Chesnutt - Supernatural / 17- Laura Veirs - Rapture / 18- Joseph Arthur - In The Sun / 19- Lisa Germano - Geek The Girl / 20- Kristin Hersh feat. Michael Stipe - Your Ghost / 21- Catchers - Cotton Dress / 22- Camille - Quand Je Marche
Note de 3/5
Vous aussi, notez cet album ! (7 votes)
Consultez le barème de la colonne de droite et donnez votre note à cet album
Note de 1.5/5 pour cet album
"L'indie rock vu par la lorgnette embuée d'un ancien programmateur radio. "
Pierre D, le 22/01/2014
( mots)

Pour la deuxième fois en 2013 est parue une série de morceaux compilés par Bernard Lenoir. Pour les plus jeunes, Lenoir fut l'un des journalistes musicaux les plus éminents à avoir officié sur France Inter, la radio des profs. Durant une trentaine d'années et au fil de différentes émissions (Feedback, C'est Lenoir) il a tenté d'imposer des goûts supposément pointus en matière de musique pop. Autant de grain à moudre donc, pour ceux qui voient dans la musique rock un serpent qui se mord la queue et s'étouffe avec.

Ce Bernard Lenoir L'Inrockuptible 2 est accompagné d'un livret où l'ancien programmateur explique ses choix quant aux titres compilés. Dès "Do You Remember The First Time" de Pulp, Lenoir en profite pour tacler Oasis et Blur : "Bien plus original que Oasis ou Blur, Pulp est pour moi le groupe le plus représentatif du renouveau de la pop anglaise dans les années 90". On comprend mieux le titre de la compilation qui fait référence à un magazine musical français bien connu mais pour lequel Lenoir n'a pas travaillé. Le présentateur et Les Inrocks partagent une vision particulière du rock et notamment de l'indie rock, une posture qui, si elle était sans doute rafraîchissante dans les années 80, pose aujourd'hui question.

De quoi cause-t-on avec les termes de rock indépendant ou alternatif ? Les deux expressions ont le même sens et désignent d'abord les labels qui, suite à la première vague punk et l'essor de l'éthique Do It Yourself, décident de créer un mode de fonctionnement différent de celui des majors afin de pallier leurs carences économiques. Les disques sont réalisés avec des budgets réduits et les moyens de promotion sont à l'avenant. Cette structuration en marge et à peu de frais leur permet de signer et de s'occuper de groupes dont la musique ne correspondrait pas aux canons esthétiques de leur époque. De là, la dénomination indie rock va s'étendre des labels vers les musiciens eux-mêmes et désigner une musique considérée comme incompatible avec les goûts mainstream, soit en français le courant principal, c'est-à-dire ce qui reste conforme aux standards établis à un moment donné. Devant la diversité des musiques couvertes par le terme "indie rock", on peut considérer qu'il est plus ici question d'éthique que d'approche musicale. Cette éthique mettrait en avant la notion d'indépendance, vis-à-vis de certains circuits économiques pour les labels et par rapport à des tendances musicales pour les groupes.

On voit d'ici le problème. Dans la définition de l'indie il n'est pas question de musique mais de positionnement presque politique. Il est question de faire des choix consistant à se situer à la marge d'un courant dominant vu comme négatif, pervers et néfaste pour la musique. Évoluant à la marge, l'indie rock ne prétend toucher qu'un public restreint auquel il donne raison face à une masse prétendument peu éclairée. C'est peut-être ici qu'on trouve la racine de la vision de l'indie rock partagée par Bernard Lenoir et Les Inrocks. Si la vérité sort de la bouche de la minorité, un outsider comme Pulp est plus pertinent que Blur ou Oasis qui ont rencontré un succès public large et ont atteint le mainstream, ce repoussoir ultime. Et lorsque l'indie se fond dans le mainstream avec le succès d'un groupe comme Nirvana, brouillant les frontières déjà floues, il convient de s'en retourner vers des valeurs sûres (et pauvres, pécuniairement) comme Bob Mould, chanteur de Hüsker Dü, avec son groupe Sugar où il rend hommage aux Pixies, autres outsiders.

En l'absence de critère musical pour définir l'indie rock, celui-ci se définit dans un positionnement éthique et là encore c'est problématique. En effet, l'indie rock se positionne systématiquement Contre. Contre les grosses compagnies de disques, contre le mainstream, contre certains types de musique, contre certains publics. Avant de construire, l'indie s'oppose. Comme les enfants lors de la puberté, l'indie rock est contre, sans vraiment savoir pourquoi et surtout sans réellement proposer quelque chose, sa création étant toujours une réaction contre un aspect du mainstream. Si cette attitude a pu éventuellement avoir un sens dans les années 80 et 90, elle paraît tout à fait creuse aujourd'hui et Lenoir passe pour ce qu'il est : une relique d'un temps révolu. Un temps où indie et mainstream s'opposaient ou croyaient s'opposer. Un temps où il était considéré comme courageux pour un programmateur de miser sur Sebadoh ou Eels.

On peut légitimement se demander à qui s'adresse cette compilation d'un autre temps. Les perles musicales pullulent mais elles sont rassemblées par un homme dont la vision de la pop date de 1985. Cette vision fait la part belle aux pépites obscures, gage de goûts pointus et d'intégrité musicale. Pourtant on sait depuis les déclarations idiotes de Kurt Cobain qu'opposer frontalement indie et mainstream, vendus et intègres, relève d'une appréhension du monde binaire et terriblement limitée. Outre qu'elle porte en elle une confusion troublante entre compromis et sacrifice, cette approche de la musique pop conduit à une forme de snobisme insupportable. Ce snobisme on le retrouve dans le slogan de Lenoir qui prétendait diffuser une "musique pas comme les autres" ou les déclarations hallucinantes de Johnny Dee, journaliste du NME interviewé par Les Inrocks en 1997 : “OK computer était le seul disque de l’année où chaque titre avait une raison d’être. Il est arrivé à un moment où, soudain, on avait à nouveau le droit d’écouter de la musique sérieuse. Et quand il a fallu choisir l’album de l’année, on était sûr que Radiohead serait premier partout ailleurs. Du coup, pour affirmer que le journal reste la voix des marginaux, Radiohead s’est retrouvé second. Alors que tout le monde avait voté pour OK Computer.”  On reste coi devant ce mélange d'aveuglement idéologique et de cynisme.
Qui, en 2014, se préoccupe des notions d'indie et de mainstream alors que les publics sont déjà fragmentés et le succès tellement atomisé que les seuls groupes à pouvoir remplir des stades datent des années 90 (Muse, Radiohead) ? Le refus de concessions si cher à Lenoir a-t-il encore un sens aujourd'hui ? On aurait plutôt tendance à louer la capacité des groupes à toucher un public le plus large possible en s'éloignant de leur radicalité ou de leur amateurisme (Mastodon, Arctic Monkeys), soit tout le contraire des choix de Bernard Lenoir qui se fondent sur les critères éthiques (et non pas esthétiques) tout à fait discutables de l'indie rock.

Faut arrêter maintenant. Y a un moment, les vieux, il faut les débrancher. Ils le font parfois d'eux-mêmes et Lenoir a quitté l'antenne de France Inter en 2011. Ainsi va la vie, les pourfendeurs de dragons deviennent des dinosaures.

Commentaires
Soyez le premier à réagir à cette publication !