Caravan
Waterloo Lily
Produit par David Hitchcock
1- Waterloo Lily / 2- Nothing at All / It's Coming Soon / Nothing at All (Reprise) / 3- Songs And Signs / 4- Aristocracy / 5- The Love in Your Eye / to Catch Me a Brother / Subsultus / Debouchement / T / 6- The World Is Yours
Alors que Soft Machine avait accompli sa mue jazzy dès 1971, Caravan avait propulsé la scène de Canterbury dans les hauteurs du rock progressif plus conventionnel (disons symphonique) avec son opus indétrônable, In The Land of Grey and Pink, chef-d’œuvre époustouflant quiconque par sa perfection.
Néanmoins, le départ de David Sinclair, qui rejoint Robert Wyatt (de Soft Machine) pour Matching Mole (preuve que l’Ecole de Canterbury est surtout un collectif d’artistes gyrovagues), empêche le groupe de poursuivre dans cette direction – le pouvaient-ils par ailleurs, au risque de ne pas souffrir la comparaison ? Surtout, le remplacement de ce membre historique aux claviers par Steve Miller (dont le frère, Phil Miller, par ailleurs membre de Matching Mole, intervient sur l’album) fait emprunter à Caravan un tournant jazz, style qui domine leur quatrième album, Waterloo Lily.
Le style caravanesque s’impose tout de même, et cela dès "Waterloo Lily", très britannique dans la mélodie du chant exécutée de façon détachée, tandis que Miller a bien repris le jeu de claviers typique du groupe, avec quelques mélodies évoquant l’album rose. De même, "The Worls Is Yours", un titre folk à la bonhommie joyeuse contagieuse, sonne comme sur le second opus, le plus réussi des morceaux courts aux côtés d’ "Aristocracy" funky voire disco dans la ligne de chant et de "Songs and Sign", une pièce légère de pop canterburyenne avec une touche jazzy aux claviers, qui reprend tout de même une suite d’accord jouée à la manière d’In the Land of Grey and Pink.
Cette atmosphère tirée du jazz est particulièrement sensible sur "Nothing at All". Une entrée en matière smooth-jazz avec la basse bien ronde et la batterie tamisée, des chorus de guitare et de claviers tout en légèreté, puis Lol Coxhill au saxophone qui, bien que légèrement free, renforce l’aspect académique de l’ensemble : c’est une longue suite instrumentale conventionnelle, agréable mais sans grand relief.
A l’inverse, "The Love in Your Eyes" s’affirme comme une véritable pièce progressive aux riches orchestrations, magnifiée par un hautbois feutré ou lors du superbe passage accordant un solo de flûte avec une ligne de basse fabuleuse. On notera un chorus de claviers orientalisant aux sonorités canterburyennes, puis une deuxième partie plus jazzy et un final funk-électrique. Tout est mené gracieusement sur ce qui constitue la pépite de l’album.
Le bilan reste tout de même celui d’un Waterloo Lily moins inspiré, de bonne facture quand il garde le style Caravan mais moins extravagant et surtout assez loin stylistiquement comme qualitativement parlant d’In the Land of Grey and Pink.
A écouter : "Waterloo Lily", "The Worls Is Yours", "The Love in Your Eyes"