
Kadavar
I Just Want To Be A Sound
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1- I Just Want To Be A Sound / 2- Hysteria / 3- Regeneration / 4- Let Me Be A Shadow / 5- Sunday Mornings / 6- Scar On My Guitar / 7- Strange Thoughts / 8- Truth / 9- Star / 10- Until The End


Si l’on s’essaye à une lecture rétrospective, For the Dead Travel Fast (2019) pourrait bien être l’acte final et l’acmé de l’esthétique première de Kadavar. Le trio allemand en avait peut-être conscience dès sa sortie, si bien qu’il préparait déjà, lentement, sa mutation – et ce d’autant plus que la manne retro-sabbathienne commençait à se tarir à force de puisages. L’occasion faisant le larron, l’épidémie mondiale et le confinement accouchèrent de The Isolation Tapes (2020), un disque expérimental et floydien déconcertant, puis la sortie de crise fut propice à la transition de l’anachorèse vers le cénobitisme – soit à la collaboration avec Elder qui donna naissance à Eldovar (A Story of Darkness & Light, 2021).
Depuis, Kadavar semblait être entré en hibernation et ne rompit le silence que pour annoncer l’intégration d’un quatrième membre - et second guitariste – Jascha Kreft, qui pouvait laisser espérer une évolution vers quelques chose de plus mélodique et metallique, du genre NWOTHM.
Sauf que…
Les effets aériens, les touches électroniques et le refrain pop d’"I Just Want To Be A Sound" confirment un tournant esthétique, mais celui-ci sonne plutôt comme un virage indie-rock, quasi-Coldplay-ien, qui donne naissance à un monde qu’on ne croyait jamais voir apparaître. Certes, Kadavar réalise cela avec subtilité, "I Just Want To Be A Sound" disposant d’un pont planant très 70s et presque Krautrock ou psyché. De même, "Hysteria" est de prime abord plus Heavy, mais les lignes de chant regagnent cette même tonalité indie, alors que le refrain gothique retrouve l’ambiance de Berlin (2015).
Le changement peut avoir du bon. Les touches électros de "Regeneration" alliées aux grosses guitares et au chant typique de combo, dirigent le revival psychédélique dans une direction inattendue, et le groupe ne néglige pas son substrat stoner-doom avec une guitare bruitiste. Il y a même une dimension Krautrock dans les soli du minimaliste "Strange Thoughts". Même s’il est plus proche des Arctic Monkeys que de Black Sabbath, "Let Me Be A Shadow" adopte plutôt bien cette nouvelle peau.
Néanmoins, I Just Want To Be A Sound est loin d’être pleinement convaincant. Heureusement que "Sunday Mornings" finit par basculer dans une montée en puissance sous forme de transe Heavy, parce que son mélange d’Imagine Dragon et de Julien Doré était suspect. Écoutez comment l’absence d’une telle dimension saturée rend l’éthéré "Star" soporifique. En outre, Kadavar s’essaye à une formule modernisée du rock psyché-beat (souvent quelconque) sur "Scar On My Guitar" et, de façon plus lisse encore, sur "Truth". Heureusement, les Beatles viennent également à l’esprit sur "Until The End" mais en version hindoustani, au profit d’une composition réussie, à la fois très pop et plus électrique à la manière de "While My Guitar Gently Weeps".
Ce septième opus donne la désagréable sensation d’être entré dans les années 1980 par la mauvaise porte, bien que le groupe ne donne pas dans la soupe Hard-FM : tout se passe comme si à force d’imiter les solides institutions des 1970s, Kadavar poursuivait les mêmes transitions opportunistes et musicalement peu pertinentes. Une rupture esthétique sans aucun doute, au risque d’une rupture avec le public.
À écouter : "Regeneration", "Let Me Be A Shadow", "Until The End"