
Mötley Crüe
Shout at the Devil
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1- In the Beginning / 2- Shout at the Devil / 3- Looks That Kill / 4- Bastard / 5- God Bless the Children of the Beast / 6- Helter Skelter / 7- Red Hot / 8- Too Young to Fall in Love / 9- Knock 'Em Dead, Kid / 10- Ten Seconds to Love / 11- Danger


Parmi les provocations innombrables de Mötley Crüe, on oublierait presque les allusions satanistes qui firent pourtant partie du répertoire du groupe, ce dernier affichant dès son deuxième album un énorme pentacle en couverture. Le combo ne fut pas le seul rebus du diable au sein de la scène Glam américaine, qu’on pense notamment à W.A.S.P., dont les blasphèmes lucifériens provoquèrent bien des regrets à son leader (Blackie Lawless) une fois sa conversion tardive accomplie. La dimension démoniaque de Shout at the Devil est d’ailleurs un héritage du passage de Nikki Sixx au sein de l’éphémère Sister, où il fit ses classes aux côtés de Blackie Lawless dans la seconde moitié des années 1970.
Mais cette imagerie peut surprendre tant elle évoque d'autres courants musicaux plus intransigeants, comme la scène Thrash à venir, ou des groupes britanniques tels Venom et Iron Maiden, qui venait de publier The Number of the Beast (1982). C’est ailleurs une voix caverneuse similaire à celle de l’introduction de "The Number of the Beast", qui ouvre Shout at the Devil au cours d’une courte piste liminaire ("In the Beginning"), dont la présence n’est que le premier témoignage d’un album beaucoup plus travaillé et moins brut que Too Fast For Love. En effet, la signature avec un vrai label (Elektra) s’accompagne d’une amélioration substantielle de la composition et de la production, qui permet au groupe de voir s’ouvrir les portes du succès et avec elles, l’éclosion d’une véritable carrière, déjà heurtée par le comportement de ses membres. C’est ainsi qu’ils furent rapidement renvoyés par Kiss après quelques concerts pour lesquels ils devaient assurer la première partie en 1983.
L’histoire retiendra Shout at the Devil comme un album (si ce n’est l’album) fondateur de l’esthétique Glam Metal. Écoutez "Shout at the Devil", son riff rudimentaire, la scansion à la "Walk this Way" et les "shout" martelés typiques de l’esthétique glam (pensez à "I Wanna Rock" de Twisted Sister). D’autres titres sont de vrais modèles du genre, tels le dansant "Bastard", le parangon "Ten Seconds to Love", le midtempo "Too Young To Fall In Love", où s’affirme l’amélioration des compétences de Mick Mars à la guitare. De plus, la power ballad "Danger", inspirée par les exploits de Scorpions, est largement supérieure aux efforts du type présents sur l’album précédent.
Fort heureusement, Mötley Crüe ne tombe pas encore dans les excès du genre et demeure ancré dans les sentiers balisés du Heavy canonique. "Looks That Kill" et "Red Hot" possèdent le tranchant de Judas Priest, l’instrumental mélodique "God Bless the Children of the Beast" a quelque chose de maiden-ien. Même si le style des Californiens se complait dans plus de simplicité ("Knock 'Em Dead, Kid"). Impossible enfin, de ne pas évoquer la très bonne reprise de "Helter Skelter" des Beatles, interprétée dans un rendu très lourd et agressif qui lui fait perdre son côté proto-punk pour la restituer dans un univers Metal.
Aux côtés de Quiet Riot, Mötley Crüe pose donc en 1983 les bases du Glam Metal, un nouveau genre prêt à exploser en 1984, avec les premiers albums de Ratt, Twisted Sister, W.A.S.P. et le deuxième de Dokken. Le Sunset Strip leur appartient, prêt à accueillir tous leurs excès. Alcoolique, Nikki Sixx provoque un accident de voiture durant les sessions d’enregistrement de l’album, puis bascule dans l’héroïne. À la fin de l’année 1984, c’est au tour de Vince Neil d’avoir un accident pour cause d’ivresse au volant, au cours duquel les occupants de l'autre véhicule sont grièvement blessés, tandis que son passager et compagnon de beuverie, le batteur Nicholas "Razzle" Dingley d’Hanoi Rocks, perd la vie.
À écouter : "Shout at the Devil", "Looks That Kill", "Too Young To Fall In Love", "Danger"