Blackwater Holylight

Si le fait de réinterpréter la création d’un autre groupe – dans une version plus ou moins remaniée – peut parfois sembler superflu, voire opportuniste, il existe des cas où la démarche s’impose comme une évidence. En s’appropriant "All I Need" de Radiohead – à mes yeux, l’une des chansons les plus bouleversantes du combo britannique -, Blackwater Holylight semble avoir trouvé un titre qui cristallise à lui seul les différentes facettes de sa musique : vulnérable mais puissante, contemplative et pourtant incisive. 

Ce coup de projecteur tombe à point nommé pour un groupe jusqu’ici absent de nos colonnes. Originaire de Portland, en Oregon, ce quartette 100 % féminin s’est en effet déjà forgé une solide réputation sur la scène stoner américaine grâce à trois albums de belle facture parus entre 2018 et 2021. Désireuses d’élargir leur palette, les Américaines reviennent en 2025 avec If You Only Knew, un EP charnière qui prolonge l’aventure tout en ouvrant de nouvelles perspectives.

Comme son nom le suggère, Blackwater Holylight cultive les contrastes à coup d’émotions ambivalentes et sonorités jouant sur les oppositions. Le titre introductif, "Wandering Lost", en est finalement la synthèse : une entrée hypnotique et élégante qui glisse imperceptiblement vers un bloc plus dense et abrasif, sous un ciel grondant de saturation. Entre stoner et post-rock, le morceau dévie de sa trajectoire initiale à l’occasion d’un break inattendu, porté par une section rythmique sans concessions.

On se laisse alors happer vers des territoires où la gravité se fait de plus en plus écrasante, guidé par la voix à la fois vulnérable et déterminée de Sunny Farris. C’est à travers d’épais murs de distorsion, que la chanteuse irradie et entraîne l’auditeur dans une spirale mélodique sans issues apparentes ("Fate Is Forward"). 

Le combo de Portland démontre également qu’il a plus d’une corde à son arc, avec un "Torn Reckless" démontrant quelques accointances avec des registres comme la dream-pop ou le shoegaze. Blackwater Holylight se révèle ainsi sous une facette plus lumineuse et éthérée, grâce notamment à différentes nappes de synthé – utilisées avec parcimonie – qui conférant à l’ensemble une profondeur supplémentaire.

L’EP se referme sur la fameuse reprise de "All I Need", qui tout en restant fidèle à l’original, prend une ampleur inédite grâce à un final post-rock à l’intensité progressive.

En quatre titres seulement, Blackwater Holylight esquisse un portrait riche et cohérent de sa personnalité, tout en préservant une certaine part de mystère. Tout ici est affaire d’oppositions : le tumulte devient un tremplin pour la méditation, la distorsion se fait évocatrice, et la vulnérabilité se mue en une force indomptable. Une promesse plus qu’alléchante pour la suite.