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Critique d'album

Rivers of Nihil


Rivers of Nihil


(30/05/2025 - Metal Blade Records - Technical Death Metal - Genre : Hard / Métal)
Produit par

1- The Sub-Orbital Blues / 2- Dustman / 3- Criminals / 4- Despair Church / 5- Water & Time / 6- House of Light / 7- Evidence / 8- American Death / 9- The Logical End / 10- Rivers of Nihil
Note de 3.5/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Sans nom et pourtant mémorable"
Julien, le 16/06/2025
( mots)

Entre interrogation, fascination et scepticisme, les changements de membres au sein des formations font partie intégrante de l'histoire de la musique. Un phénomène dont la fréquence surprend particulièrement dès que l’on franchit la frontière du metal.
Pourquoi les groupes de cette scène voient-ils leur parcours artistique être autant marqué par des line-up mouvants ?
S'il n'existe aucune vérité absolue pour répondre à cette question, quelques motifs reviennent régulièrement, esquissant des pistes. Il y a les facteurs externes, parfois tragiques, comme la disparition d’un membre (on pense ici au drame ayant frappé In Vain après le décès, en 2024, de son chanteur Sindre Nedland), ou encore les problèmes de santé incompatibles avec la vie en tournée, à l’image du départ de Xenoyr, chanteur historique de Ne Obliviscaris. D’autres sont remerciés en raison d'incompatibilité avec une nouvelle intégrité artistique, comme ce fut le cas pour Opeth avec la mise à l’écart de Peter Lindgren. Et bien sûr, il y a l’aspect financier : une survie économique souvent précaire, qui se joue au rythme de tournées exténuantes et d’un éloignement familial parfois devenu insupportable.


Quatre ans après la parution de leur dernier album The Work (2021), Rivers of Nihil revient avec une cinquième production, marquant une nouvelle incarnation du groupe après le départ du chanteur historique Jake Dieffenbach. Les growls sont désormais assurés par le bassiste Adam Biggs, et le quatuor accueille également le chanteur/guitariste Andy Thomas (ex-leader de Black Crown Initiate), qui avait déjà fait une apparition vocale remarquée sur le morceau "Where Owls Know My Name" en 2018. Une transformation que Biggs présente comme un nouveau départ, symbolisée par un choix fort : un album éponyme. Un naming généralement réservé au premier disque, ici porteur d’un sens clair : celui d’une renaissance artistique et potentiellement d’une nouvelle direction musicale.


Autant de signaux qui suscitent une certaine appréhension au moment d’aborder ce nouvel opus, tant Rivers of Nihil avait su façonner une identité sonore aussi puissante que singulière avec Where Owls Know My Name. Leur style, savant mélange de death progressif et d’envolées contemplatives portées par le saxophone, allait-il être sacrifié au profit d’un retour à un death brutal plus primaire ?
La réponse est non.
Rivers of Nihil fait le choix de la nuance. Ce nouvel album se révèle à la fois sans concession et pourtant riche en contrastes. Le résultat donne à entendre une sublime concentration de l’identité musicale du groupe.


Un déferlement implacable de violence death metal, en écho aux débuts du groupe, nous percute sur la doublette "American Death" et "Evidence". Un enchaînement d’une telle brutalité que "Evidence", notamment, pourra laisser une impression d’hermétisme constituant l’un des rares points faibles de l’album. En revanche, "American Death", aussi brutale soit-il, impressionne par son intensité. Son riffting est une rafale de munitions lacérant l’air, appuyée par les hurlements viscéraux de Biggs. Une barbarie sonore en résonance avec une critique frontale de la politique américaine, explicitée dans un refrain mordant chanté en voix claire par Andy Thomas :
"I can't believe anything you say. Since the last revolution that you tried to fake. Who's right? What's left? American death." ("Je ne peux croire à rien de ce que tu dis. Depuis la dernière révolution que tu as tenté de simuler. Qui a raison ? Que reste-t-il ? La mort américaine").


La performance de Thomas devient alors un point d’ancrage fondamental de ce nouvel album. Il n’est pas là pour faire de la figuration : sa voix claire, rayonnante, incarne un contrepoids émotionnel à la tempête growlée par Biggs. Elle insuffle une dynamique nouvelle, comme en témoigne le superbe refrain de "House of Light". Sa qualité technique semble d’ailleurs tirer le reste du groupe vers le haut, à l’image du solo d’une insolente technicité signé Brody Uttley sur ce même morceau.
La guitare, justement, reste un marqueur identitaire fort du groupe : sa construction et son grain singulier – un genre de djent déstructuré – évoquent des vagues insubmersibles aux remous incessants. Ce verrou stylistique imprègne "Dustman", et atteint des sommets sur "The Logical End", où quelques nuances de jeu provoquent de véritables montées d’adrénaline.


L’embarcation formée par le duo vocal Biggs/Thomas navigue avec assurance sur ces eaux agitées. Loin d’un simple duel entre voix claires et growls, leurs interventions se répondent avec une alchimie rare, comme sur "The Sub-Orbital Blues", où les lignes limpides de Thomas semblent pousser Biggs vers une intensité encore plus féroce.
À elles seules, ces intentions artistiques suffiraient à faire de cet album une réussite. Mais Rivers of Nihil va plus loin, en réactivant l’un des éléments essentiels de son ADN sonore : les passages atmosphériques enrichis de saxophone. L’instrument à cuivre transcende les compositions, les déliant de leur carcan death-metal pour leur offrir un véritable souffle contemplatif, que ce soit en solo ("The Logical End") ou en miroir des lignes vocales ("House of Light").
Mieux encore : cet atypisme s’étend à de nouveaux terrains d’exploration sonore. On entend quelques notes de banjo, des interventions au violoncelle ("Criminals"), ou encore un pont digne d’un film d’horreur sur "Despair Church", qui s’achève sur un somptueux outro au piano. Le groupe semble littéralement habité par une créativité nouvelle, qui culmine avec "Water & Time", perle de ce disque, synthèse parfaite de toutes ses qualités. Thomas y insuffle une mélancolie saisissante, bientôt relayée par un saxophone aérien avant l’explosion finale dans la fureur death metal. Un des titres majeurs de l’année, sans conteste.


Avec ce cinquième album éponyme, Rivers of Nihil réussit bien plus qu’un simple exercice de transition post-changement de line-up. Le groupe livre une œuvre dense, cohérente et audacieuse, où l’identité sonore si singulière qu’il a forgée depuis 2018 est non seulement préservée, mais réinventée. Une véritable renaissance, portée par une nouvelle alchimie vocale et une créativité débordante.
Les nouvelles voix, loin de trahir l’héritage, en deviennent les catalyseurs les plus prometteurs. Si le groupe conserve solidement ses racines dans un death metal rugueux, souvent frontal et parfois déroutant, il n’en oublie jamais la beauté cachée derrière la violence. Chaque assaut sonore est contrebalancé par une fulgurance mélodique, un souffle contemplatif, une émotion à fleur de peau.
Ce disque ne s’offre pas facilement. Il exige de l’attention, parfois même de la résistance. Mais pour ceux qui prendront le temps de l’apprivoiser, il a tout d’un voyage bouleversant.
Rivers of Nihil n’a pas simplement survécu à sa métamorphose.
Il en sort grandi. Plus intense. Plus libre. Et plus essentiel que jamais.


 


A écouter : "Water & Time" ; "The Logical End" ; "House of Light" ; "Despair Chruch"

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