
Tangerine Dream
Stratosfear
Produit par
1- Stratosfear / 2- The Big Sleep in Search of Hades / 3- 3am at the Border of the Marsh from Okefenokee / 4- Invisible Limits


En 1975, Peter Baumann disparaît sans prévenir. Le musicien a besoin de changer d'air pour faire le point, et il prend la direction du Moyen Orient, fuyant jusqu’en Afghanistan, une destination prisée à l’époque dans les milieux alternatifs. Il décide alors de lancer secrètement sa carrière soliste chez Virgin (qui s’ouvrira avec Romance ’76 en 1976), alors même qu’il retourne auprès de Tangerine Dream auquel il impose des innovations techniques hasardeuses, telle l’invention d’un super Moog (le Projekt ELektronik Modular System) très dysfonctionnel, qui rendent plus que chaotiques les séances d’enregistrement de ce septième album.
Malgré tout, le résultat de ces nouvelles sessions est au niveau du jeu de mots qui sert de titre à l’album : stratosphérique.
Comme son nom l’indique, Stratosfear poursuit les explorations spatiales et électroniques développées par Tangerine Dream depuis plusieurs années, mais il ouvre aussi de nouvelles perspectives avec une instrumentation plus opulente et surtout acoustique (guitare, clavecin, piano). Ainsi, l’album entame une parenthèse durant laquelle le combo emprunte une esthétique plus proche du rock progressif, dont on pourra savourer trois variations jusqu’à la fin de la décennie. En outre, les rapprochements avec la scène progressive sont également humains, puisque le premier mixage devait être réalisé par Nick Mason (Pink Floyd), mais l’expérience est finalement inaboutie.
Néanmoins, c’est moins Pink Floyd que Genesis qui vient à l’esprit à l’écoute de "The Big Sleep In Search Of Hades", où les clavecins, les mélodies et le mellotron évoquent immédiatement le style du combo anglais. Il en va de même des passages les plus mélodiques d’"Invisible Limits" (au milieu du morceau et lors du final véritablement genesien), mais cette-fois-ci, les aspérités progressives se mêlent aux élucubrations électroniques typiques du groupe – introduction minimaliste, nappes et grappes sonores sensuelles, passages plus expérimentaux inscrits dans les sillons du Krautrock.
Peut-être que le titre qui se rapproche le plus du style classique de Tangerine Dream est "3 A.M. At The Border Of The Marsh From Okefenokee" qui, après des débuts filmographiques dans une ambiance western (apportée par l’harmonica), déploie quelque chose d’un peu plus répétitif et robotique agrémentée de circonvolutions orientalisantes. Enfin, l’immense "Stratosfear", qui articule les arpèges et les nappes dans une direction progressive et mélodieuse, pose une première base pour le son des années 1980 (qu’on retrouvera chez Rush par exemple), et affiche une harmonie rare entre les différents instruments, notamment lors d’une montée en puissance qui crée l’occasion de travailler des variations sur les thèmes.
Bien que le résultat soit stupéfiant, Stratosfear n’empêchera pas la séparation du groupe et le départ de Peter Baumann. Mais il installe dans l’esprit de Tangerine Dream, la conviction qu’il faudra faire évoluer leur musique dans une direction plus rock, au risque de décontenancer leur public.
À écouter : "Stratosfear", "Invisible Limits"