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Critique d'album

Dool


Here Now, There Then


(17/02/2017 - Prophecy - Tool enrhumé - Genre : Hard / Métal)
Produit par Pieter Kloos

1- Vantablack / 2- Golden Serpents / 3- Words on Paper / 4- In Her Darkest Hour / 5- Oweynagat / 6- The Alpha / 7- The Death of Love / 8- She Goat
Note de 3/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Bienvenue dans mon enveloppe obscure"
Julien, le 28/08/2025
( mots)

Dans une période de vie un peu tumultueuse, comme nous en connaissons tous, j’ai ressenti le besoin de m’abandonner à un peu plus de noirceur. Comme pour écrire la mélancolie en lettres capitales, sans détour ni retenue. Bien loin de toute considération masochiste, la musique possède un pouvoir d’apaisement à la fois irrationnel et difficilement définissable, surtout lorsqu’elle résonne par un propos au moins aussi triste que les états d’âme. Dès lors, elle devient un refuge de sécurité et de sérénité, à l’écart des vagues à l’âme, mais enracinée dans cette même terre de tourments. Un espace sans jugement, simple reflet d’émotions personnelles. Des émotions jouées et chantées par un groupe ou un artiste, comme l’incarnation parfaite de notre condition. La musique, comme un couvercle posé sur la marmite de ses tracas. Rien de véritablement thérapeutique, sans doute ; mais avouez qu’il y a pire comme exutoire.
Des albums tels que Damnation de Opeth ou, dans un tout autre registre, Without You I'm Nothing de Placebo m’ont régulièrement accompagné, comme des points d’ancrage dans de semblables remous intérieurs. Oui, mais parfois, vous tombez sur un disque qui semble avoir tout lu, tout écrit, tout raconté de votre vulnérabilité du moment. Une symétrie miroitante, presque parfaite, avec votre propre histoire. C’est ainsi que Here Now, There Then de Dool m’a renvoyé à ce qu’est mon reflet.


Here Now, There Then : comprenez "Maintenant tu es là, fais avec".
Dans le cas du quintette néerlandais, cette incantation se lit avec nuance : entre le positivisme apparent d’un premier album et la douleur sourde de ce qu’il représente — un nouveau départ, sur les cendres encore chaudes du groupe The Devil’s Blood, éteint au même moment que son chanteur, tragiquement suicidé. Dool est né de cette rupture brutale, rassemblant notamment deux anciens membres de la formation psychédélique disparue. Sans doute y a-t-il un peu de cette histoire dans les caractéristiques sonores du groupe et de ce premier opus. Une signature singulière, rendue parfaitement identifiable au fil des registres abordés. L'album oscille entre rock occulte, doom, et un certain psychédélisme ténébreux. Il y baigne une atmosphère sombre, introspective, et furieusement mélancolique. Un environnement qui laisse se dévoiler son programme de réjouissances lugubres, faites d’"heures sombres" ("In Her Darkest Hour") jusqu’à "la mort de l’amour" ("The Death of Love"), au détour d’incantations chamaniques ("Oweynagat").


Je me jette dans ce lit de mélancolie, la tête enfoncée dans l’oreiller formé par le vortex qu’est le morceau d’ouverture, "Vantablack". Ses dix minutes dessinent les contours de mon environnement intérieur : pièce fracturée, brise apaisante, foudre écrasante. Un ange se tient sur mon épaule : Raven van Dorst sera le guide de ma dérive. Sa voix, tour à tour incantatoire et fragile, est l’écho de celui qui est tombé ; celui qui sait comment suspendre, ne serait-ce qu’un instant, le sentiment d’isolement.
Sur "The Alpha", Raven m’entraîne aux confins des ténèbres, dissimulés derrière une batterie aussi puissante que suffocante. Et pourtant, il subsiste un peu de répit au cœur de l’abîme, à l’heure de m’inviter à sombrer dans un sommeil aux côtés du fils du Diable : "Maybe I'd be better off sleeping with the Devil's Son". Le riff, fait d'une mélodie entêtante et pénétrante, m’y pousse doucement.
Plus loin, je suis conduit sur les terres irréelles de "In Her Darkest Hour", porté par l’introduction jouée au célesta mêlé d’une délicate boîte à musique. Une étrange plénitude émane de cet univers fictif, qui me place face à la douleur d’une enchanteresse perdue, à laquelle je souhaite "un bonheur éternel", et à moi-même "les regrets de ne pas avoir été quelqu’un d’autre" ("I wish eternal happiness, I wish I was another")


À ce stade, Here Now, There Then a fait corps avec moi. Il n’est plus un rempart contre les ténèbres, mais bien mon enveloppe obscure. Drapé dans cette combinaison, j’ai expié toutes les paroles tues au rythme frénétique de mes doigts sur le clavier, emporté par la délicieuse folie schizophrène des riffs qui clôturent "Words on Paper".
Avec "Oweynagat", j’ai entrouvert toutes les portes du possible et de l’irréalisable. Je surfe avec légèreté sur son mur fait de briques gothiques, avant d’entrer en lévitation dans son tourbillon psychédélique. Puis, je me noie dans la jouissance de la performance guitaristique de la seconde partie du morceau, jusqu’à sourire face aux sévices infligés par un violon désincarné.
"The Death of Love" prononce sa condamnation irrévocable, d’abord par une caresse vocale signée Raven van Dorst, avant de s’élever dans une dramaturgie nécessaire, portée par un solo de guitare d’une intensité mélodique saisissante.
La parenthèse, aux allures d’enchantement ténébreux, se referme avec "She Goat", dont la puissance électrique (dissimulée derrière un riff évoquant le générique de Game of Thrones) dissout peu à peu mon enveloppe obscure dans une ultime décharge incandescente. Comme un défibrillateur sonore, ce morceau réanime l’âme plongée dans un coma irréel.


Here Now, There Then est un album habité. Un disque qui conjugue avec élégance la lourdeur du doom, l’ombre du rock occulte, et l’envoûtement du psychédélisme. Chaque morceau est sculpté dans une matière émotionnelle brute, mais finement travaillée, à la fois sauvage et maîtrisée. Dool réussit le tour de force de parler à la fois à la raison, au corps, et à cette part d’invisible qui nous traverse lorsque plus rien ne semble nous retenir.
Pour moi, il est ce miroir sombre, mais nécessaire, au creux d’un moment trouble. Un disque comme un tunnel qu’on traverse, avec au bout sa lumière qui permet de poser les mots, ou à défaut, d’écouter ceux qui les hurlent à notre place.


 


A écouter : "Oweynagat" ; "In Her Darkest Hour" ; "The Alpha" ; "She Goat"

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