
Lars Fredrik Frøislie
Gamle Mester
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Si vous vous rendez à Bruxelles, vous auriez tort de passer à côté du musée Oldmasters sans prendre le temps d’y pénétrer. Anciennement Musée royal d’Art ancien, il conserve une importante collection de peintures flamandes, dont des pièces exceptionnelles des deux Pieter Brueghel – l’Ancien et le Jeune – et de Rubens, ainsi que quelques tableaux remarquables de Bosch, David et même Dali. L’histoire du rock retiendra Bosch, tout comme Pieter Brueghel l’Ancien, en tant qu’illustrateurs hors pairs, quoiqu’involontaires, de pochettes de rock progressif, à l’exemple de celle de Palepoli d’Osanna pour le second.
C’est justement aux Vieux Maîtres (Gamle Mester en norvégien) que fait référence le titre du deuxième album de Lars Fredrick Froislie : ceux de l’art pictural d’abord, mais aussi ceux du rock progressif, auxquels il rend hommage par le pinceau et par les claviers. Le philosophe Etienne Souriau aurait sûrement vu là une expression limpide de la correspondance des arts, où la peinture s’accorde à la musique du claviériste de Wobbler, digne représentant de l’école norvégienne à l’esthétique chaleureusement retro et froidement forestière. Nous sommes ainsi plongés dans les années 1970 dès "Demring", entre The Nice et les imitateurs italiens d’ELP, mais ce titre introductif propose aussi des passages mélodiques, pastoraux ou solennels, typiques de la scène nationale, à l’image de l’enthousiasmant et énergique "Gamle Mester" qui est presque du Wobbler "dans la partition".
Cette esthétique pittoresque, proprement norvégienne, renvoie au titre de l’album qui fait également référence, de façon beaucoup plus directe, au nom d’un vieux chêne du parc naturel de Krødsherad, qui inspira jadis le poète folklorique Jørgen Moe. Cette référence est propice à l’évocation de thèmes mythologiques qui irriguent l’album et qui dépassent les seules légendes nordiques pour regarder vers la Grèce antique. Ainsi va "Medusas Flåte", grandiloquent mais assez lent, qui dispose d’une cohérence interne dont la maîtrise est aussi solide qu’un corps pétrifié par une gorgone.
Fidèle successeur de Fire Fortellinger, Gamle Mester propose des pièces tout de même un peu plus concises que les deux grandes suites présentes sur son prédécesseur, bien que certaines dépassent allégrement la dizaine de minutes. Parmi celles-ci, "De Tre Gratier" s’apparente à du Wobbler en plus nostalgique, une texture retro qui le fait sonner à la manière de Gryphon période symphonique. Ce dernier groupe revient aussi à l’esprit sur "Jakten På Det Kalydonske Villsvin", qui évoque en outre d’autres noms de la scène norvégienne, notamment Tusmorke et Arabs in Aspic. Quant au final "Skumring", il referme l’album dans une ambiance brumeuse voire fantomatique, suggestion sonore d’une forêt norvégienne nimbée de brouillard automnal.
Comme Fire Fortellinger, Gamle Mester s’adresse aux amateurs de rock progressif symphonique inscrit dans les sentiers esthétiques historiques mais habilement renouvelé par le folklore nordique. Rien de très original au regard de l’ensemble de la scène norvégienne, mais le résultat est suffisamment abouti pour retenir l’attention.
À écouter : "Jakten På Det Kalydonske Villsvin", "Gamle Mester"