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Critique d'album

Faust


Faust


(00/11/1971 - - Krautrock - Genre : Rock)
Produit par

1- Why Don't You Eat Carrots / 2- Meadow Meal / 3- Miss Fortune
Note de 5/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Il n'y aura pas de Beatles allemands"
François, le 08/09/2022
( mots)

Dans l’aventure du Krautrock, la scène progressive très expérimentale d’Allemagne de l’ouest, l’histoire de Faust, formation originaire de Basse-Saxe, a de quoi désarçonner et tranche avec l’univers du courant musical.


Tout d’abord, alors que la scène Krautrock est viscéralement d’avant-garde et hostile au système marchand (au moins pour le secteur artistique), Faust est originellement un projet concocté par la maison de disque allemande Polydor, aidé par le journaliste Uwe Nettelbeck (Die Zeit) avec un objectif commercial affiché. Faust devait être un produit formaté dont la fonction était de vendre du rock allemand capable de concurrencer les têtes de gondoles britanniques.


Ensuite, Nettelbeck contacte pour ce faire deux formations : Nukleus (d’où viennent le bassiste Jean-Hervé Péron, le guitariste Rudolf Sosna et le saxophoniste/claviériste Gunther Wüsthoff) et Campylognatus Citelli (dont sont issus les batteurs Werner Diermaier et Arnulf Meifert, le claviériste Hans Joachim Imler). Anecdote, ces musiciens auraient joué ensemble lors d’un happening dans tunnel, sûrement à Hambourg, avant même savoir qu’ils ne formeraient qu’un seul et même groupe un peu plus tard. (1)


Enfin, puisque l’ambition du projet était avant tout sonnante et trébuchante, il fallait que le style des compositions soit proche de celui des Beatles ou des Rolling Stones, une réponse allemande au rock britannique dans un registre équivalent avec, certes, quelques petites digressions électroniques pour donner une couleur locale. Le résultat très expérimental du premier album de Faust demeure donc inconnu de la maison de disque jusqu’à sa parution ou presque : si celle-ci eut de quoi être surprise (tout en acceptant de financer une suite), la critique fut très ouverte au propos du groupe, malgré une réception réduite du côté des ventes.


En effet, si la signature chez Polydor est une forme de pacte avec le diable (pour évoquer la référence à Goethe) du point de vue du Krautrock, Faust s’inscrit pleinement dans l’esthétique allemande de l’époque, avec une originalité qui commence dès la pochette à la fois révolutionnaire dans son fond (un poing levé, même si Faust n’est pas une formation engagée au même titre que certaines de ses compatriotes) et dans sa forme (une radiographie transparente laissant apparaître le vinyl).


Musicalement, le résultat est intransigeant. Isolés dans la campagne nord-allemande à Wümme, les membres du groupe vivent en communauté dans une ancienne école et consomment des drogues à outrance. Ils s’adonnent à des expérimentations en studio sans se fixer de limites et sans qu’on ne sache avec quelle rigueur ils conçoivent leur musique - Jean-Hervé Péron décrit une vie plaisante mais un travail acharné quand Hans Joachim Imler souligne la dilettante généralisée des musiciens. (2)


Le pied de nez commence dès les premières notes, quand quelqu’un semble changer les stations de radio derrière un bruit de néons, avec un pastiche de "(I Can't Get No) Satifaction" et "All You Need Is Love" semblant narguer ceux qui voulaient faire d’eux les "Rolling Stones germaniques" ou les "Beatles allemands". Car Faust est bien des choses, mais tout sauf un ersatz de la pop britannique des 1960’s. "Why Don't You Eat Carrots?" est un collage dont l’unité n’est donnée que par des sons électroniques stridents, le saxophone et le chant ivre singeant les musiques folkloriques. "Meadow Meal" comporte des moments plus rock, la guitare électrique n’ayant peur d’aucune saturation et faisant preuve d’une belle virtuosité lors de passages qui peuvent sembler, de prime abord, incohérents et brouillons. Tout se passe comme s’il y avait un récit, une histoire, un film expressionniste, mais que celui-ci était volontairement décousu – l’orage et les orgues au final renforcent cette impression. Enfin, la seconde face est réservée au gros quart d’heure de "Miss Fortune", qui commence dans un registre planant et psychédélique – et assez représentatif de la scène Krautrock, pour ensuite s’enfoncer dans des territoires électroniques et expérimentaux des plus exigeants pour l’auditeur. Le mélomane attentif distinguera, en se concentrant un peu, certaines lignes mélodiques presque pop, derrière le capharnaüm expérimental, preuve du côté subversif des compositions de Faust. Il faut noter le travail au "chant", entre les cris, les moments narrés, les phrases interprétées mot à mot par tous les membres du groupe au final du titre … La déstructuration est totale et touche tous les instruments.


Dans l’histoire du Krautrock, l’année 1971 est indéniablement celle de son essor, les formations se multipliant de même que les albums phares de la scène. Dans ce contexte, Faust lance une sorte de manifeste affirmant qu’il faudra désormais compter avec la jeunesse allemande et que la musique populaire ne sera plus jamais la même.


(1) Éric Deshayes, Au-delà du rock – La vague planante, électronique et expérimentale allemande des années 1970, Le Mot et le Reste, ed. 2021, p.149.


(2) www.oxtero.com : "Faust, légende du Krautrock : « Nous étions nus et lapidés beaucoup – et nous mangions de la nourriture pour chiens »", 18/10/21. 

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