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Critique d'album

Gene Clark


No Other


(01/09/1974 - Asylum - - Genre : Chanson / Folk)
Produit par Thomas Jefferson Kaye

1- Life's Greatest Fool / 2- Silver Raven / 3- No Other / 4- Strength Of Strings / 5- From a Silver Phial / 6- Some Misunderstanding / 7- The True One / 8- Lady Of The North
Note de /5
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Note de 5.0/5 pour cet album
"Un album qui ne ressemble à aucun autre"
Quentin, le 23/01/2025
( mots)

Certains albums ont une double vie, et c'est indéniablement le cas de No Other. Avec le temps, cet album excessif en tous points est en effet passé du statut d’échec commercial et critique cuisant à celui de chef-d’œuvre maudit. Une histoire de looser magnifique qui continue de fasciner aujourd'hui de nombreux mélomanes et musiciens, en témoigne cette clique de choix (Fleet Foxes, Beach House, The Walkmen, Grizzly Bear…) qui a fédéré ses forces en 2013 pour rejouer l’album entier sur scène.


No Other est avant tout le parfait reflet du génie autodestructeur d'un homme, Gene Clark. Ex-membre du mythique groupe des Byrds et reconnu par ses pairs comme étant le meilleur songwriter de la bande, Gene Clark fait ses armes en composant des ritournelles à succès comme "Eight Miles High". Le natif du Missouri quitte cependant ces drôles d'oiseaux en 1966 pour exister par lui-même, fatigué de voir son talent réprimé et encombré par sa peur de l’avion qui l'empêche de partir en tournée (son camarade Roger Mac Guinn lui lance un jour à ce sujet : "You can't be a byrd if you can't fly!").


Alors, quand le producteur David Geffen décide en 1972 de créer son label haut de gamme pour songwriter inspiré, il offre un pont d’or à Gene Clark qui jouit d'une réputation solide et lui sert sur un plateau la carte blanche tant espérée pour lui permettre de réaliser l’album de ses rêves. Gene Clark s'adonne à cette tâche avec passion, puisant son inspiration dans les remous de l’océan Pacifique qu’il admire à travers la fenêtre de sa maison dans le nord de la Californie, avec Innervision de Stevie Wonder et Goats Head Soup des Stones en bande-son. Il est alors en train de donner naissance à la grande "Cosmic American Music" chère à Gram Parsons.


Pour donner du corps à ses compositions démesurément ambitieuses, Clark s’entoure de la crème du country rock de l'époque avec notamment Butch Trucks des Allman Brothers, Joe Lala de Manassas, son ancien pote des Byrds Chris Hillman, Craig Doerge qui accompagne Crosby, Stills and Nash et Jesse Ed Davis ainsi qu'une ribambelle de choristes féminines imbibées de soul. Gene Clark ne recherche pas l'intimité et la discrétion et le producteur Thomas Jefferson Kaye ne lésine certainement pas sur les arrangements. Le résultat : des sessions d’enregistrement dantesques à Los Angeles où la coke circule à foison et un coût final avoisinant les 100 000 dollars pour "seulement" huit chansons. La réception est catastrophique : le disque est qualifié à sa sortie de prétentieux, surproduit et bon pour les dépressifs. Il ne s’en vendra même pas 10.000 copies. Un tel crash que le label Asylum Records retire l'opus de son catalogue deux ans plus tard.


Et pourtant, No Other est une forme de témoignage musical des années 1970 à leur apogée. A l’image de sa pochette en forme de collage inspiré par le glamour hollywoodien et ses personnages tirés de Gatsby le Magnifique, l’album est un assemblage ambitieux de styles mêlant harmonieusement country, folk, gospel, blues et rock. Certes, l'auditeur intrigué ne sera probablement pas soufflé par le titre d'ouverture qui renvoie à un country-rock respirant les US par tous les pores et assez classique malgré l'envolée gospel du refrain. Il faut attendre les cascades d'arpèges boisés de "Silver Raven" sur lesquelles vient se poser le chant en falsetto fêlé et bouleversant de Gene Clark pour comprendre que l'on est face à un disque qui sort de l'ordinaire. Le titre est un petit bijou empli de mysticisme sauvage qui prend le ton et la cadence d'un chant tribal louant l’unité spirituelle avec les éléments et l’acceptation du destin de l’homme. Dans cette imagerie poétique, le corbeau d’argent est un prophète qui apporte des visions de l’avenir et des avertissements d’événements catastrophiques. Un morceau folk d'anthologie.


Le voyage se poursuit sur le titre éponyme et sa débauche d'orchestration et d’effets luxuriants créés par une profusion d'instruments (guitares de toutes sortes, mandoline, violon, violoncelle, orgues et autres claviers, etc.). Les soli de six cordes sont savoureux et les envolées de chœurs rappellent la soul éclatante et funky de Stevie Wonder. Libre d'assouvir ses fantasmes musicaux comme bon lui semble, Gene Clark s’offre également sur "Some Misunderstanding" une odyssée folk rock majestueuse et émouvante de plus de neuf minutes où la voix tourmentée de l’Américain nous emporte dans une élégie épique. La démesure des sentiments règne en maître, la mélodie est sublime et monte en puissance pour nous servir un refrain aussi ampoulé qu’inoubliable. Toujours chatoyant dans ses arrangements, l’album offre avec "Strength of Strings" une ode au pouvoir libérateur de la musique sous la forme d'un gospel blues dramatique aussi glorieux que stupéfiant qui s’enflamme dans un crescendo de chœurs habités et nous laisse extatique.


Face à un tel débordement de pathos, Gene Clark joue aussi la carte de l’apaisement avec la couleur folk et la délicatesse ironique de "From a silver Phial", chanson anti-drogue très certainement écrite et jouée sous son emprise ou "True One" et sa pedal steel guitar lacrymale qui se soulève le temps du refrain pour nous emmener vers le Harvest de Neil Young. Pour finir, le magnifique "Lady Of The North" co-écrit avec Doug Dillard s'adresse à sa femme qui a fui la vie de stupre de Clark à Los Angeles pour retourner s'installer en Californie du Nord, annonçant son divorce à venir, première d'une longue série de défaites qu'il anesthésiera dans l'alcool.


Au lieu d'être son heure de gloire, synonyme de rendez-vous avec l'histoire, No Other sonne le glas de la carrière de Gene Clark, qui ne se remettra jamais d'un tel échec. L'album sera d'ailleurs longtemps considéré comme l’exemple même de la décadence d'un rock californien dévasté dans les seventies par la surconsommation de cocaïne. Comme souvent, le temps long fera son œuvre et l'album sera redécouvert au tournant des années 2000 avec plusieurs rééditions remastérisées et augmentées. Décédé en 1991, à l'âge de 46 ans, dans l'indigence, Gene Clark ne profitera malheureusement pas de cette réhabilitation. Sur sa tombe est resté gravé cet épitaphe prémonitoire et imparable: Harold Eugene Clark – No Other.

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