Hällas
Isle of Wisdom
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Il y a cinquante ans … 1972. Au mois d’avril sortait le quatrième album de Wishbone Ash, Argus, une œuvre devenue culte dans le monde du rock après avoir traversé les époques dans l’ombre des grands noms des 1970’s, inspirant la NWOBHM par sa mélodicité et ses références médiévales épiques, puis de jeunes formations du XXIème siècle. Même une écoute évasive d’Argus constitue une invitation au voyage suffisamment convaincante pour se persuader d’être en face d’un chef-d’œuvre, que les guitares jumelles s’entremêlent avec une harmonie rare, que le mélange entre rock et univers fantastique avait rarement était aussi bien développé.
Les héritiers sont désormais nombreux, toute une génération ayant redécouvert la foret des seconds couteaux à peine cachée par les arbres illustres servant de base à toute culture rock mainstream (Led Zeppelin et cie). Parmi ceux-ci figure Hällas, qu’on peut considérer comme le plus original et le plus brillant. Le projet du groupe s’articulait autour d’une trilogie épique achevée en 2020, les aventures du chevalier qui donne son nom au groupe : le premier Ep éponyme avançait les grandes lignes esthétiques du groupe en demeurant encore mal dégrossi, Excerpts from Future Past (2017) était tourné vers les 1970’s et l’influence de Wishbone Ash s’y faisait pleinement sentir, quand Conundrum (2020) était à la fois plus progressif et plus marqué par les 1980’s par l’usage des synthés retro actuellement très prisés. Par la recherche mélodique, le jeu de guitare et le caractère épique de leur musique, l’inspiration trouvée chez Wishbone Ash était criante même si ce serait très réducteur et infondé d’en faire un simple ersatz de ce remarquable ancêtre. Néanmoins, exactement cinquante ans après Argus, Isle of Wisdom émerge des océans galactiques.
L’organisation d’une grand-messe à Stockholm pour célébrer cette trilogie en la jouant dans son intégralité marquait également la fin d’une étape et la nécessité de prolonger l’aventure musicale en évitant les multiples embuches qui se dressent sur tout parcours artistique. C’est pourquoi Isle of Wisdom était attendu au tournant, d’autant plus que l’expérience nous apprend à quel point la réussite du troisième album est cruciale dans la carrière d’un groupe.
Avec une pochette toujours aussi bien illustrée dans son style foncièrement retro malgré le passage chez Branca Studio (Wytch Hazel, entre autres), Isle of Wisdom se concentre sur un unique récit contant l’histoire des habitants d’une île isolée dans l’univers sur laquelle nous sommes projetés par "Birth/Into Darkness", morceau complexe aux multiples variations qui permet de situer stylistiquement l’album. En effet, ce titre à la fois riche en riffs musclés et en digressions aux claviers impose un Heavy-progressif très mélodique, volontairement tourné vers les 1970’s.
Ainsi, Isle of Wisdom déroule son lot de titre de hard-rock, comme "Elusion’s Gate" (un titre dans le style classique du groupe), "Gallivants (of Space)" ou "Advent of Dawn", charge de cavalerie déroulant de sublimes lignes mélodiques. Sur ce dernier, on s’enthousiasmera du travail fourni pour composer un pont et un final très aboutis, caractéristique fort louable de la plupart des morceaux de l’album qui parviennent toujours à rattraper l’auditeur par un retournement exaltant en milieu ou fin de titre. On pourra même trouver des passages assez énervés, comme le pont presque shreddé de "Stygian Depths", titre épique et hällasien, avec de bonnes mélodies de guitare, des claviers variés et des détours progressifs.
Avec ces morceaux plus courts, le groupe parvient à confirmer son potentiel de créateur de tubes, que ce soit "Advent of Dawn" ou plus encore "Earl’s Theme", chaloupé, martial et plein de groove, renforcé de chœurs et des synthés épiques.
Parallèlement, Hällas fait une profession de foi progressive avec deux titres un plus allongés. L’enivrant "The Inner Chamber", où les clavecins épousent des variations à la Jethro Tull, où les gimmicks typiques du groupe croisent de sublimes mélodies, notamment celles offertes dans la seconde partie et le final du titre, au-delà du pont chargé de claviers 1980’s. Enfin, "The Wind Carries the World", hymne heavy-progressive qui emprunte à Camel sa douceur sympho-jazzy sur sa partie plus atmosphérique, clôt l’aventure insulaire avec emphase.
Pour ceux qui prennent l’histoire d’Hällas en cours de route, cette première escale sur l’Isle of Wisdom sera certainement une révélation inouïe, pour les autres, ce sera la confirmation d’avoir trouvé la perle rare.
A écouter : "Birth/Into Darkness", "Advent of Dawn", "Earl’s Theme", "The Inner Chamber"