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Critique d'album

Harvey Milk


A Small Turn of Human Kindness


(18/05/2010 - Hydra Head Records - Doom Expérimental - Genre : Hard / Métal)
Produit par Produit et enregistré par Harvey Milk

1- I Just Want To Go Home / 2- I Am Sick Of All This Too / 3- I Know This Is No Place For You / 4- I Alone Got Up And Left / 5- I Know This Is All My Fault / 6- I Did Not Call Out
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Jamais à bout de souffle, Harvey Milk livre un opéra doom brillant et émotionnellement dévastateur"
Luc, le 13/07/2016
( mots)

Harvey Milk est un groupe au parcours énigmatique. Guidés par les sautes d’humeur ou le désintérêt de leur chanteur et guitariste Creston Spiers, le quintet américain a d’abord réalisé deux albums cultes du rock alternatif des années 90 avant de sortir un album blues rock oublié de tous et de se séparer… pour revenir, 9 ans plus tard, et sortir les 3 meilleurs albums de leur carrière. Et se séparer à nouveau. 


Avant de replonger dans le silence, le groupe nous livre en 2010, A Small Turn of Human Kindness. Après avoir séduit les foules « indés » avec Life… The Best Game in Town en 2008, et dégoutés pour cette raison (cf. cette hilarante interview de S.Tanner, bassiste du groupe), Harvey Milk accouche d’un album désolé, morne et incroyablement désespéré, que son minimalisme consacre en monument de maitrise musicale. 


Oscillant d’habitude entre blues-rock brutal et sludge-doom à la Melvins, le groupe n’avait jamais atteint ce degré de noirceur. L’album se présente sous la forme d’une seule pièce musicale de 45 minutes, découpée en 7 chansons, et dont les titres construisent l’histoire d’un homme qui quitte sa famille pour se suicider dans une forêt : si c’est l’opéra rock de Creston Spiers, c’est peut-être le moins vendeur au monde. Face à ce programme indigeste, le talent d’Harvey Milk permet pourtant de parfaitement construire l’album, en faisant évoluer les ambiances, en sachant introduire des mélodies quand la musique sombre trop lourdement dans l’atonal et dans le funéraire, et surtout en organisant l’album en 3 grands mouvements qui permettent de comprendre la structure de ces 45 minutes d’enfer émotionnel. 


Une lente ouverture de trois titres établit d’abord l’ambiance et le ton de l’album : abyssal. Une pièce instrumentale, “ * ”, révèle le minimalisme qui fait l’incroyable force des minutes qui suivent: quelques notes résonnent jusqu’à l’épuisement, la batterie et la basse viennent relever un peu le tempo. A peu de choses près, nous n’aurons droit qu’à ce son pendant tout le reste de l’album. Déjà la deuxième piste écrase nos maigres espoirs avec “ I Just Want to Go Home ” et son funeral doom irrespirable. Faisant office de premier véritable titre, celui-ci nous plonge dans un marécage de basses saturées et de guitares dissonantes, soutenu par une partie de batterie totalement déstructurée, pendant que Spiers entame son récit de sa voix inimitable : entre cri de désespoir et growl, jamais purement metal, toujours empli de tristesse et d‘humanité. La pièce la plus importante du premier mouvement n’est pas la plus longue : c’est “ I Am Sick of All This Too ” qui enfonce le clou. Le chant, confinant à la démence, répète les quelques mots du titre, pendant que les déclinaisons du riff principal, appuyées à la caisse claire, se succèdent. Une deuxième guitare nous offre une première et salvatrice harmonie, ainsi que le thème majeur de l’album, que l’ont retrouvera dans la conclusion. La maitrise est ici totale, chaque titre interagissant avec les autres dans l’élaboration d’un récit aussi bien textuel que musical.


Au cœur de l’album, le groupe profite de l’ambiance qu’il a établie pour jouer avec nos nerfs, avec deux titres éprouvants, “ I Know This is No Place For You ” et  “ I Alone Got Up and Left ”.  Le premier morceau établit enfin un rythme plus ou moins stable. La batterie reste bancale et les harmonies de guitares s’arrangent toujours pour tomber légèrement à coté, mais un orgue lointain essaie tant bien que mal de sauver ce navire en détresse. Une éclaircie soudaine apparaît, une percée lumineuse amenée par une guitare folk, et Harvey Milk nous offre nos premiers frissons d’émotion, comme eux seuls savent faire : un mélange de désolation totale et de rage de vaincre. Mais s’il offre une brève accalmie, le morceau se révèle encore plus éprouvant parce qu’il n’est qu’un faux espoir. L’accablante litanie des guitares électriques revient directement et nous conduit à “ I Alone Got Up and Left ”. Spiers hurlait “ Fuck you and your big goodbyes ” sur le titre précédent : ici, son personnage se résous au suicide dans le titre le plus dépouillé de l’album. Près d’une minute de Kyle Spence communiant avec John Bonham et défonçant ses toms en solo, avant que le reste du groupe ne se ramène pour un sludge oppressant et anguleux. 


Au terme d’une coda dévastatrice, le titre le plus violent de l’album coupe net. Quelques notes de violons construisent des harmonies inquiétantes et ouvrent “ I Know This is All My Fault ”, un des titres les plus surprenants de toute la discographie du groupe. Le thème abordé à la fin du troisième titre fait son retour et s’harmonise avec les violons et des grappes de guitares cristallines. Les guitares s’empilent et font monter la tension, avant que le groupe ne nous coupe l’herbe sous le pied : tout s’arrête, quelques notes de piano reprennent le thème de manière hésitante, Creston Spiers murmure “ Okay I’m sorry “ et suit le thème,  sa voix se faisant ici d’une douceur incomparable pour transmettre les dernières paroles de son personnage. Elle se mue brusquement en hurlements d’une intensité jusque là inégalée et ouvre “ I Did Not Call Out ” la deuxième partie de ce morceau final. Harvey Milk est un groupe qui n’a jamais eu peur de reprendre à son compte une certaine outrance rock, et le titre final invoque les guitares harmonisées de Thin Lizzy pour une suite interminable de déclinaisons du thème principal, qui évolue vers toujours plus de force et de luminosité. Un magnifique solo, de quelques notes, mais les bonnes, vient se mêler à l’avancée implacable des guitares. La conclusion de l’album, véritable « play within a play », déjoue toute nos attentes et construit lentement et brillamment son apogée, d’un simple violon aux guitares sismiques du final. Pour quelques minutes, Harvey Milk se débarrasse du minimalisme austère dans lequel baigne l’album et accumule les harmonies et les couleurs alors même que la narration culmine dans la noirceur et la tristesse. Mais si le personnage de l’album se suicide dans un feu d’artifice, la gravité reste inexorable et les guitares se font lourdes à nouveau, avant de céder la place à la même basse qui ouvrait “ I Just Want to Go Home ”. L’album conclut son histoire, humblement : le groupe finit son album dans le marasme de vibrations sourdes, mais se retire dans un éclair de génie. 


NB : la version japonaise offre en bonus “ In The Ground ”, un gospel doom décharné enregistré en marge de ce LP mais assurément un des meilleurs titres du groupe et un complément indispensable à cet album, que je ne saurais trop recommander. 


 

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