J.J. Cale
Naturally
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1- Call Me The Breeze / 2- Call The Doctor / 3- Don't Go To Strangers / 4- Woman I Love / 5- Magnolia / 6- Clyde / 7- Crazy Mama / 8- Nowhere To Run / 9- After Midnight / 10- River Runs Deep / 11- Bringing It Back / 12- Crying Eyes
Qu’y-a-t ’il de plus compliqué pour un chroniqueur qu’un album pour lequel d'une simple écoute découle une évidence. Sur Naturally, les morceaux sont brefs, ils vont à l’essentiel ; l’album l’est également, dépassant à peine la demi-heure, et le tout nous semble si naturel – excusez le jeu de mots – qu’on pourrait se passer de la moindre phrase et se contenter d’un conseil d’écoute comme seule critique. Essayons tout de même.
J.J. Cale est un peu l’homme qui s’agite – enfin s’agite … qui se meut – dans l’ombre d’Eric Clapton. Il est moins connu, évidemment, il n’a pas bénéficié d’un passage dans un groupe d’envergure en début de carrière (on dira peu de choses des anonymes de Leather Coated Minds), et n’a de nom, en 1972, que pour avoir composé "After Midnight", single à succès de Clapton dont on trouve la (superbe) version du compositeur sur cet album. Signalons également que Naturally s’ouvre sur "Call Me the Breeze" dont la reprise de Lynyrd Skynyrd (Second Helping, 1974) éclipsera en partie l’originale … Une certaine marche du destin que J.J. Cale a toujours acceptée en bon stoïcien du Midwest …
Car J.J. Cale ce n’est pas l’Angleterre, c’est la chaleur de l’Oklahoma, la porte du Sud qui n’est pas exactement l’Etat le plus favorable où démarrer une carrière si l’on tient au succès. Comme il n’y a pas grand monde, le voilà incarnant le son de Tulsa (Tulsa Sound), une sorte de mélange entre blues, rock, country folk, ne manquant pas de swing mais toujours joué avec un certain détachement, un certain flegme même quand le guitariste se veut virtuose. C’est le laid back si reconnaissable dès les premières notes de "Call Me the Breeze" : le blues y est bien présent mais le rythme peut être relativement rapide, l’important est que le tout demeure tamisé, feutré, jusqu’à la voix détachée de J.J. Cale ou à ses doigts qui interviennent sur la guitare avec précision mais paraissent presqu’hésitants à chaque nouvelle note.
A partir de là, les variations autour des divers substrats du musicien se déclinent avec une certaine homogénéité qui ne néglige pas leurs particularités. Se succèdent ainsi le cuivré "Call the Doctor" façon jazz-bar, le tube très blues à l’ancienne "Crazy Mama", des titres typiques du musicien "Don’t Go to Strangers", "After Midnight", la country de "Clyde" … D’autres morceaux s’avèrent plus quelconques, parfois caricaturaux ("Nowhere to Run") ou sans relief ("Woman I Love"), mais la qualité d’ensemble est bien présente quand les moments plus faibles sont compensés par leur durée réduite.
Voici donc l’acte de naissance discographique solitaire de J.J. Cale, Poor Lonesome Cowboy qui joue dans l’ombre des grands tout en façonnant sa propre vision du blues-rock. Un album aussi humble que son créateur, quand bien même est-il conscient d’offrir un beau souffle au genre.
A écouter : "After Midnight", "Call Me the Breeze", "Crazy Mama", "Clyde", "Crying Eyes"