FRAGILE

Le rock fulminant hante nos régions. En plus d'avoir du talent, elles ont une belle fâcheuse tendance à raviver le rock ces dernières années, en suivant les traces de ses aînés, ou pas. Les Johnny Mafia ont su déboulonner Sens, au tour de FRAGILE de décapsuler Angers. C'est un schéma qui se répète: des jeunes qui s'ennuient pendant le confinement et qui décident de faire de la musique un hobby et de leur hobby un EP. Après ...About Going Home en 2023 et beaucoup de concerts, les cinq garçons sortent leur premier album BIG BIG SMILE et apparemment ils veulent être ENTENDUS à écrire comme ça en MAJUSCULES, alors on s'exécute. C'est PARTI, on ne va pas se PRIVER.

"The Lowdown" même s'il a "down" dans son titre émerge d'avantage comme l'aurore que comme le crépuscule. Une intro instrumentale qui annonce par avance une suite moins douce. Dès "Santander" déferle les années émo du début des années 2000 montées sur un surf en acier, on est (très) globalement à la croisée de Billy Talent, Holograms et Not Scientists. Les guitares affutées en contre temps rejoignent un refrain aux accords pourtant positifs et finissent par remplir toutes les mesures. "Little Things" lui fait écho avec cette intention de revendication plutôt douce. Et ça fonctionne aussi dans l'autre sens: quand le morceau bien garage dans le fond "Celebrate" commence conquérant et brillant, il oscille ensuite vers l'accablement, rendant le refrain "Let's Celebrate" bien amer (mais fun, mais triste, mais cool aussi).

Evidemment on peut penser aux canadiens de Preoccupations sur les plus shoegaze/ post punk "For Later" et "Tiny Ghosts and Disco Lights" (dont le clip a été tourné à Lille pour appuyer ce supplément d'âme industriel) et à la rage anxieuse de Rendez Vous. Le souci de la construction évolutive au sein des morceaux est le mieux illustré avec "Wallflower" qui, monté en biseau, s'ouvre sur une mélodie conquérante gonflée de questions universelles: "What makes us friends? What makes us family?". Et puis après avoir autant crié ses incompréhensions, on se permet une ballade acoustique en auto-tune parce que ces cinq-là ne se gênent pas, et ils ont raison. L'urgence leur souffle de tenter maintenant, et de taper vite (en moins de trente-deux minutes au total) et bien. Car ON N'A PAS LE TEMPS.

FRAGILE est un groupe qui ne l'est définitivement pas. Sans jamais vouloir entretenir une quelconque lignée rock, il remodèle les contours du punk à sa façon en assumant des partis pris jamais hasardeux. Loin d'être hétérogène, BIG BIG SMILE a fait de sa consistance sa première qualité. Repérés par les iNOUïs du Printemps de Bourges et signés chez Le Cèpe Records (car c'est de saison), les angevins sont en bonne voie pour continuer à sortir du lot et à nous aider à garder LE SOURIRE dans la tourmente.