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Critique d'album

John Frusciante


Niandra Lades and Usually just a t-shirt


(08/03/1994 - American Recordings - Guitariste des Red Hots ! - Genre : Rock)
Produit par John Frusciante

1- As can be / 2- My smile is a rifle / 3- Head (Beach Arab) / 4- Big Takeover / 5- Curtains / 6- Running away Into You / 7- Mascara / 8- Been Insane / 9- Skin Blues / 10- Your pussy's glued to a building on fire / 11- Blood on my neck from success / 12- Ten to Butter Blood Voodoo / 13- Untitled 1 / 14- Untitled 2 / 15- Untitled 3 / 16- Untited 4 / 17- Untitled 5 / 18- Untitled 6 / 19- Untitled 7 / 20- Untitled 8 / 21- Untitled 9 / 22- Untitled 10 / 23- Untitled 11 / 24- Untitled 12 / 25- Untitled 13
Note de 4.5/5
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Note de 2.5/5 pour cet album
"Un disque inclassable, difficile, tourmenté bâclé, et pourtant..."
Maxime L, le 09/01/2020
( mots)

Des mois que je me dit qu’il faut que je me lance dans la discographie de John Frusciante, honteusement absente de ces colonnes ; mais s'agissant là d'une entreprise loin d’être anodine tant il y a de choses à dire et à analyser, j'avais mis tout ça un peu en stand by. Et puis il y a quelques jours, on retrouve John Frusciante dans l’actualité, un peu à la surprise générale, par le biais d'un tweet qui sort de nulle part et qui nous apprend qu’il rejoint "encore" les Red hot Chili Peppers, pour la troisième fois ; l’occasion est donc parfaite pour aborder son oeuvre solo.


Si cette nouvelle « reformation» n’intéresse au final que les fans inconditionnels du groupe (combien ont lâché l'affaire depuis, disons au mieux Stadium Arcadium ?), cela nous renvoie surtout à l’histoire contrastée du génial guitariste avec le groupe, entre tournée des stades, divergences musicales et renaissance salvatrice. Retour sur un parcours bien plus cabossé que ce que peuvent laisser entendre les dernières compos assez lisses des Californiens. Et tant qu'à faire, autant commencer au début de l'histoire, avec son premier « vrai » disque solo, Niandra Lades and Usually just a T-shirt, sorti en 1994.


John Frusciante rejoint les Red Hot Chili Peppers en 1988, prenant la suite d’Hilel Slovak, guitariste originel du groupe, et dont l’addiction à l’héroïne l’emportera à seulement 25 ans. Le recrutement de Frusciante est assez logique, presque naturel puisque c’est un fervent suiveur de la formation depuis bien longtemps (à une époque où son succès ne dépasse guère les frontières californiennes), il était également très proche de Slovak dont il admirait le jeu de guitare funk débridé, et il va donc intégrer le groupe dont il est fan, dans l'optique d'enregistrer leur 4ème album, Mother’s Milk en 1989.


On a tendance à l’oublier, mais Frusciante est âgé de 19 ans en 1989 lors de l’enregistrement et la sortie de Mother’s Milk. L’album est très prometteur musicalement mais il met surtout en lumière l'implication de Frusciante dans les composants du groupe. C’est pourtant un gamin, là où Flea et compagnie sont de jeunes adultes (officiellement hein...), et si sa maturité de musicien est bien réelle et presque innée, difficile de dire s’il a le caractère et l’aplomb nécessaire pour assumer tous les aspects propres à un guitariste d’un groupe de rock en pleine ascension. Car parmi ces aspects, on trouve le fameux mantra "Sex, drug and Rock'n'roll", et Frusciante compte bien obtenir sa part du gâteau à ce sujet, lui qui déclinera l'invitation à rejoindre le groupe de Frank Zappa, pour la simple raison que ce dernier refuse toute consommation de drogue de la part de ses musiciens.


Mais avant de parler de drogue et de dépendance, il y a la musique, et un statut à acquérir. Ce statut, c'est en 1991 que la bande à Kiedis and co va l'obtenir. Blood Sugar Sex Magik (pour l'anecdote sorti le même jour que Nevermind), leur 5ème album est un carton planétaire, de par son tube multi-diffusé "Under the Bridge" mais aussi grâce aux 16 autres titres, véritables machines funk-rock d'une efficacité redoutable. Ce disque, devenu culte pour plein de raisons, raisons que je vous conseille de découvrir dans l'excellent documentaire "Funky Monks" dispo sur Youtube, est aussi en filigrane l'avènement d'un guitariste, d'un musicien de génie en la personne de John Frusciante. A 21 ans, Frusciante est derrière 80% des compositions de l'album. C'est lui qui soumet des idées sur la structure des morceaux, qui les mets en place, apportant une profondeur et une épaisseur jusque là inédites dans la musique des Californiens. Musicalement et guitaristiquement, tout le disque dégouline de son génie, entre riffs funky saccadés et arabesques hendrixiennes. Les autres membres du groupe et l'équipe technique sont tellement bluffés par autant de talent, et si précoce, qu'ils s'extasient devant ses performances, comme on peut l'entendre à la fin du solo de guitare de "If You Have To Ask".


Artistiquement, Blood Sugar Sex Magik est une réussite totale, commercialement aussi, le groupe partant faire la promo de l'album aux 4 coins du monde, entre concerts pleins à craquer et interviews pour la presse spécialisée. Les salles sont de plus en plus grandes, les diverses sollicitations aussi, et cela va de pair avec la pression médiatique qui croit aussi vite que leurs ventes de disques. C'est sans doute à ce moment là que Frusciante se réfugie un peu plus dans la drogue, et entre ce début d'addiction et le rythme très soutenu des tournées, le musicien commence à se laisser aller à une certaine parano, qui verra son comportement changer au fil des concerts, laissant apparaître des tensions nouvelles au sein du groupe. Après la parano, Frusciante devient imprévisible sur scène, allant même jusqu'à saboter certaines parties de guitare, comme sur leur tristement célèbre prestation au Saturday Night Live où l'on voit bien que le groupe est en pleine déliquescence. 


Ce qui doit arriver arrive, John Frusciante ne supportant plus tout ce "cirque" au sens littéral, quitte le groupe en 1992 en expliquant aux autres "je dois partir, je dois rentrer chez moi, je ne peux plus le faire. Je vais mourir si je ne quitte pas le groupe maintenant".


John Frusciante va alors se consacrer presque exclusivement à la deuxième partie du mantra évoqué plus haut, à savoir l'usage de drogues. Il devient héroïnomane très rapidement, tombe en lourde dépression, et pour apaiser son mal-être, sombre encore un peu plus dans les bas-fonds de la drogue, ajoutant à l'hero des lignes de cocaïne.


Après la dépression, il tombe dans l'automutilation, s'inflige de sévères blessures aux bras, déjà pas épargnés par les piqûres d'heroïne. S'il est resté un peu en contact avec Flea, il se marginalise dangereusement et devient une menace pour lui comme pour les autres. Il reste proche également de l'acteur River Phoenix (frère de Joaquin), qui mourra malheureusement d’overdose fin 1993. Le coup est dur, presque fatal, Frusciante s'enfonce encore un peu plus dans ses addictions. La jeune rockstar de 1991 n'est plus, il est devenu un junkie notoire, qui a dilapidé l'essentiel de sa fortune en drogues et qui vit quasi reclus dans sa maison de LA, du moins dans le taudis qui lui sert de maison.


C'est dans ces conditions sordides et dans cette torpeur que John Frusciante va tant bien que mal enregistrer de la musique, poussé par les proches qui n'ont pas encore fait demi-tour face à autant de décrépitude et de déchéance. Nous sommes en 1994 lorsque sort Niandra Lades and usually just a tee-shirt, et si commercialement c'est un échec cuisant (à peine 40 000 exemplaires vendus), il faut s'arrêter sur ce disque qui vaut bien plus qu'un simple album de junkie sous speed et qui a valeur de début d'histoire, imparfaite certes, mais qui a le mérite d'exister. C'est la première graine d'un jardin touffu, une graine qui sent le chagrin et le souffre mais sur laquelle il faut s'arrêter pour en comprendre l'évolution.


Celles et ceux qui ne jurent que par les hymnes entêtants des Red Hot Chili Peppers peuvent passer leur chemin. Le constat est simple et net : la "musique" de ce Niandra Lades and Usually just a T-shirt est ce qu'il existe de plus opposé à toute forme de musique enthousiaste et sautillante. Ici, point de tubes radiophoniques, pas l'ombre d'un riff crunchy à se mettre sous la dent, pas une rythmique à reproduire sur une mauvaise stratocaster.


Et pour cause, l'album est quasi entièrement acoustique, et encore, le mot "acoustique" est bien trop laudatif tant la production du disque est bancale, au mieux bâclée, et plus certainement inexistante. 


Alors pourquoi parler de ce disque ? Et bien parce que c'est un pan de l’histoire de Frusciante, de l'histoire du rock aussi quelque part, impossible à occulter et dont il faut connaitre et comprendre le contexte pour ne pas rebrousser chemin dès la première piste du moindre album de John Frusciante. Ce Niandra Lades and Usually just a T-shirt est le disque d'un artiste  qui tombe, avec ses peurs, ses faiblesses, et qui possède cette dose de voyeurisme inconscient tant on ne reconnait pas celui qui nous a fait chavirer et chalouper sur des hymnes tels que" Give it Away" ou "Suck My Kiss".


Ne cherchons pas de cohérence dans l'album, il n'y en a pas. La seule constante, c'est celle d'un homme défoncé qui part à la dérive. C'est aussi désarmant que totalement dénué d'harmonie, du moins en apparence. 


Après un "As Can Be" sépulcral, qui semble enregistré sur un mauvais magnétophone, vient la perle de cet album, "My smile is a Rifle", où l'on retrouve un semblant de jeu de guitare presque construit. La ligne de guitare est un peu plus soignée, déchirante, les arpèges eux semblent bâillonnés, et tentent désespérément d'appeler au secours. John Frusciante ne chante pas. Au mieux il gémit, et ce sera ainsi sur presque tout l'album. Ça n'est plus un chant. Le plus souvent c'est un cri, un cri strident, bouleversant.


L'absence de tout début d'arrangement nous fait nous sentir dans la même pièce que lui, entre seringues et mégots de clopes écrasés sur le sol, et surtout par delà le mal-être, cette absence de toute volonté de se sortir de là, qui peut parfois rendre l'écoute du disque difficile, douloureuse voire malaisante. Une fois le contexte et ces précautions énoncés, reste quand même des fragments de chansons, avec quelques moments de grâce, comme les tricotements de guitares sur "Head" par exemple. L'avantage d'être en roue libre totale, c'est le non-contrôle absolu , et de se laisser aller à des expérimentations, que ce soit les tentatives d'ambiance celtes sur "Big Takeover", les essais d'harmonies vocales sur "Mascara", ou le début de refrain un peu catchy de "Been Insane", littéralement noyé sous les miaulements de Frusciante.


Toute la première moitié du disque propose des compositions "classiques", à écouter en connaissance des causes évoquées bien sûr, mais avec une structure couplet-refrain traditionnelle (toutes proportions gardées hein), la base de la plupart d'entre elles ayant été composée avant que Frusciante ne quitte le groupe ; là où la seconde partie de l'album, plus électrique, va encore plus loin dans l’expérimentation  (et parfois difficilement audible entre voix déformées et cris d'enfants), Frusciante ne prenant même pas la peine de nommer ses compositions.


Niandra Lades est un disque fou, au sens pathologique du terme, une folie presque Baudelairienne, la folie d'un homme sur le point de tomber dans un précipice sans fin. Une folie qui était créatrice lorsqu'il était cadré, bordé et entouré, une folie qui s'avère dangereuse pour lui qui est désormais libre, libéré de toute contrainte commerciale et artistique. Un disque difficile à aborder tant il est inclassable, on peut parfois penser à Nick Drake dans la démarche (de loin hein..), dans le côté folk dépressif et lugubre, mais il est surtout un véritable témoignage d'un homme en perdition. 


John Frusciante le sait parfaitement, il avoue sans honte avoir sorti ce disque pour pouvoir s'acheter de la dope. Et s'il le fera retirer des bacs lors de son premier retour au sein du groupe en 1998 (mais on peut évidemment le retrouver sous tous les formats aujourd'hui), il avouera paradoxalement ne rien regretter sur son passé de junkie. Ce qui reste difficile à entendre, à plus forte raison lorsque l'on sait que sa descente aux enfers ne s'arrête malheureusement pas avec la sortie de ce premier album. 


La spirale infernale continuera lors de la sortie, en 1997, de Smile from the streets you hold, deuxième album agonisant, véritable "farce" pour acheter encore plus de drogue, et disque (malheureusement ?) introuvable aujourd'hui. 


L'histoire aurait pu être juste sordide si elle s’était arrêtée là, avec une ex rock star promise à une mort certaine et proche ; elle sera heureusement plus épanouie par la suite, humainement et musicalement, grâce à une suite d'albums bien plus recommandables. Mais une fois de plus, pour qui veut comprendre son histoire, le passage par ce Niandra Lades and Usually just a T-shirt est obligatoire, et constitue presque un rite initiatique quant à l’œuvre de Frusciante.

Commentaires
jb, le 25/03/2024 à 14:30
Pour moi ces deux disques sont absolument primordiaux, bien plus sincères que tout ce qu'il a pu faire avec RHCP. Ce sont des choses qu'on retrouve aussi dans la suite de sa discographie folk, mais seulement de loin en loin. L'écoute des 2 disques me surprend systématiquement : chaque note est simple et inattendue, on entend le musicien curieux de ce qu'il est en train de produire, pas en train de chercher à répondre à des codes.
JCBFR, le 03/11/2021 à 19:58
Je trouve un peu naze votre colonne. Sans doute vous vous êtes informé pour l'écrire, mais je sens votre récit froid et robotique. Trop de sur-interprétation sur la vie et les émotions d'une personne.
Iris, le 18/05/2020 à 01:20
Cet album a changé ma vie... Et m'a permise de trouver ma voie. Incroyable non ?