JPL
Sapiens Chapitre 1/3 : Exordium
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Dernièrement, nous avons beaucoup parlé de Nemo sur Albumrock. Un groupe majeur du rock progressif français (sans aucun doute un des meilleurs), hélas mis en repos depuis Coma (si ce n’est pour de rares prestations scéniques). C’était, entre autre, afin de préparer le terrain pour cette chronique. En effet, son guitariste et chanteur, Jean-Pierre Louveton, JPL, n’a pas chômé depuis. En 2017, il sortait un nouvel opus, Le Livre Blanc, puis, en 2018, un troisième volet de ses Retrospections.
Décidé à reprendre une activité intense, il s’engage désormais dans une trilogie dont le premier volume vient de paraître en mars 2020, Sapiens Chapitre 1/3 – Exordium. Il renoue plus intensément avec ses amours progressives, jamais abandonnées, mais un peu moins présentes sur ses dernières productions.
Ainsi, Nemo n’est pas complètement absent de cette œuvre. On le retrouve d’un point de vue musical ; quoi d’étonnant quand on sait que JPL était un des principaux compositeurs et que la guitare avait une place importante (notamment sur Coma). Mais c’est également dans la formation puisque Guillaume Fontaine (claviers) et JB Itier (batterie) l’accompagnent sur certains titres. De plus, on est heureux de voir maintenu le goût pour les pochettes splendides, ici dans un entre-deux alliant préhistoire et modernité (la ville en arrière-plan qui semble subir l’apocalypse nucléaire). Peut-être envahie par la nature revancharde, la ville fait éventuellement penser au Puy-en-Velay dont il est originaire, avec ces fameux dykes qui, si c’est bien de cela qu’il s’agit, ont perdu leur vierge et leur église Saint-Michel … En outre, la pochette renvoie au concept de l’album, revenant sur l’évolution de l’Homo Sapiens, de son redressement jusqu’à son autodestruction. Une œuvre engagée dont on voit les ressorts dans les paroles et le clip de "A Condition", où s’illustre une élite politique aussi catastrophique que l’est l’avenir envisagé par le compositeur.
Le tropisme pour le Metal et les riffs un peu robustes est affirmé dès le premier titre, "Mastodonte". Mais il est accompagné d’une orchestration riche, d’une qualité tout à fait honorable au regard des moyens limités dont s’était plaint le compositeur. Petit chorus et ruptures rythmiques sont également de la partie, et mettent l’eau à la bouche. Ce titre instrumental est une bonne entrée en matière, qui illustre bien un des aspects de l’album : le chant est présent mais la part du lion est offerte aux longues phases instrumentales. "Ecce Homo" (l’album comporte beaucoup de latin, avec ici, une référence à Nietzsche) est également un bon instrumental, mais un titre comme "Alpha Centauri", longue pièce conclusive, est massivement réservée à la guitare. Les passages jazzy ou les détours pleins de groove vers le blues s’accommodent de claviers synthétiques modernes et de riffs heurtés et métalliques : comme toujours chez JPL, cette hybridation se fait sans anicroches.
C’est d’ailleurs un des moments le plus forts de l’album, qui possède d’autres sommets. "Sapiens" est peut-être le meilleur titre, mélodiquement accrocheur, avec un solo vraiment exceptionnel, très bien composé et virtuose. A moins que ce soit "Le Chaud et le Froid", dont les rythmes syncopés sont aussi marquants que la présence de la vielle à roue : une originalité remarquable, qui donne la touche folklorique qui faisait le charme des derniers Nemo. Elle joue accompagnée du piano, puis plus tard de la guitare pour mettre en relief les passages les plus mémorables de l’opus. Du grand art.
Belle année pour le rock progressif français, entre Lazuli, Magnesis, et bien sûr JPL. Une scène vivante et de grande qualité qui continue de prouver sa légitimité avec des albums de très haut niveau. Ici, le premier volet du triptyque de JPL qui laisse présager du meilleur pour la suite.