
Megadeth
Killing Is My Business...And Business Is Good!
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1- Last Rites/Loved To Death / 2- Killing is My Business...And Business is Good / 3- Skull Beneath the Skin / 4- These Boots / 5- Rattlehead / 6- Chosen Ones / 7- Looking Down the Cross / 8- Mechanix


La colère serait mauvaise conseillère ? Vraiment ? Demandez à Dave Mustaine si la haine n’est pas une muse bien plus inspirante que le confort d’une carrière au sein d’une des formations appelées au plus grand des succès. "Chante, Muse, la colère de Dave, colère funeste qui causa tant de bonheurs aux amateurs de Thrash".
En 1983, Dave Mustaine est en colère comme douze hommes. Malgré son talent de guitariste et son inventivité en tant que compositeur, le musicien s’est fait évincé de Metallica comme un mal propre. Toutes ses tentatives de victimisation n’y feront rien : l’homme était alcoolique au dernier degré, amateur de drogues dures, ce qui l’amenait à devenir violent en accentuant les plis d’un caractère atrabilaire.
Ainsi, lorsqu’il fonde Megadeth, il compte d’abord en faire la pointe avancée de sa revanche sur ses anciens compagnons, un Malleus Metallicarum avec un avertissement en guise d’épigraphe : Killing Is My Business... and Business Is Good!.
Sauf que… Rien ne se passe comme prévu ou plutôt, tout se passe comme si le sort voulait encore accroître un peu plus l’ire du guitariste qui – il faut bien le reconnaître – parvient bien à creuser lui-même sa tombe. Certes, le label Combat dote le nouveau groupe d’un budget ridicule, mais rien n’obligeait les musiciens à le dilapider en alcool et drogues, rappelant par là même à Mustaine les raisons de son éviction de Metallica. Le disque de la vengeance aura donc une (auto)production rudimentaire et déficiente.
Il aura aussi une pochette bien moins marquante que prévue, puisque la tête de la mascotte Vic Rattlehead faite de plastique – et surtout de bric et de broc - n’était pas le premier choix du groupe : l’illustration imaginée par Mustaine a été perdue (elle illustre désormais les rééditions) et le label dut finalement improviser une alternative sans forcément être très inspiré. Heureusement, la créature dispose d’un hymne, "Rattlehead", qui dessine la voie tracée par Megadeth au sein de la scène Thrash : le groupe sera une expression pure et un conservatoire du genre, jouant sur la vélocité, le déluge de notes, les riffs ampoulés et les ruptures rythmiques.
La quintessence même du Thrash en somme, qui n’est autre que le produit de la colère de Dave Mustaine dont le mérite est d’accoucher d’une version énervée et finalement épurée du genre, servie par les talents de compositeur et de guitariste (des chorus aux riffs) de l’ex-Metallica. Cette richesse se déploie dès "Last Rites/Loved to Death", où l’effet de surprise d’une introduction baroque ne laisse pas imaginer la transition vers une dynamique Thrash intransigeante.
À la fois dévastatrice et raffinée, à l’image d’un dense "The Skull Beneath the Skin" assez paradigmatique du style du groupe, la musique de Megadeth s’illustre aussi par un très bon sens du groove ("Killing Is My Business... and Business Is Good!"), par une écriture épique ("Looking Down the Cross") et efficace jusque dans les chorus virtuoses ("Chosen Ones"). Chaque nouvelle piste est un pas de plus vers la formation du Thrash en pleine phase de consolidation.
Finalement, Mustaine brille davantage quand il laisse parler sa colère plutôt que quand il lance des petites piques à ses anciens camarades. En effet, "Mechanix" s’avère être une version certes plus Thrash – car plus speed – mais moins pertinente de "The Four Horsemen", avec des paroles moins fortes car assez triviales. Niveau reprise, Megadeth se débrouille bien mieux avec "These Boots", excellente version Thrash‘n’roll du titre de Nancy Sinatra sorti en 1965, qui vaudra au combo bien des problèmes : après une intervention du compositeur – Lee Hazlewood – condamnant les nouvelles paroles explicites de Mustaine, le morceau sera d’abord retiré puis censuré (par des bips intempestifs), pour enfin être réenregistré avec les paroles originales.
Dès ce premier opus, Megadeth incarne le Thrash de la plus authentique des façons au regard de l’ensemble de la scène, avec toute sa singularité mais sans les excès quasi-Death de Slayer. C’est cette authenticité qui décide souvent de la manière qu’aura chacun de trancher le conflit – complètement superflu en dehors des rancœurs des principaux intéressés – avec Metallica. Car finalement, peu importe : à l’arrivée, le résultat pour le public est d’avoir sous la main deux groupes exceptionnels plutôt qu’un seul.
À écouter : "Rattlehead", "These Boots", "Killing Is My Business... and Business Is Good!", "The Skull Beneath the Skin"



















