Lumsk
Fremmede Toner
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1- Det Døde Barn / 2- En Harmoni / 3- Avskjed / 4- Under Linden / 5- Fiolen / 6- Dagen Er Endt / 7- Das Tote Kind / 8- A Match / 9- Abschied / 10- Under Der Linden / 11- Das Veilchen / 12- The Day Is Done
Si l’ensemble de la Scandinavie impressionne par la qualité de sa scène rock/Metal au sens large, la Norvège brille avant tout par son rock progressif enraciné dans les 1970’s et mâtiné de touches folks : on ne compte plus les formations prestigieuses que sont Wobbler, Jordsjo, Arabs in Aspic, Ring Van Möbius ou encore Lumsk.
Ces derniers n’avaient rien produit depuis 2007 et l’attente était longue pour qui souhaitait entendre un nouveau chapitre au sein de leur œuvre à la fois progressive, metallique, et folk, dotée d’un dispositif instrumental bien étudié (guitares, claviers, violon) et d’un duo au chant dont la partie féminine (dominante) est assurée en norvégien (plus rarement en anglais ou en allemand).
Lumsk aime jouer sur les contrastes. Que ce soit l’album dans son ensemble ou au sein chaque titre en particulier, les ambiances se mélangent, les atmosphères se confondent, les genres n’existent que parce qu’ils peuvent s’hybrider. Ainsi, "Det Dode Barn" commence sur une froideur douce et moderne pour basculer dans un assemblage de folk et de Metal ; "A Match" est avant tout une chanson mélancolique mais se retrouve envahi d’un riff métallique qui vient accompagner un violon plaintif. Toujours sur le fil, "En Harmoni" navigue également entre la chanson et des passages instrumentaux issus du Metal progressif le plus pur (guitares lourdes et rythmes rompus), structure que l’on retrouve sur "Under Linden" qui louvoie de la joyeuseté folklorique au néo-progressif saturé (alors que son jumeau, "Under Der Linden", préfère marier un piano simple à des guitares agressives).
La finesse de l’interprétation des musiciens est remarquable. Sur "Das Veilchen", véritable chef-d’œuvre d’une tristesse insondable, le moindre plan de guitare, la moindre note des six-cordes, semblent joués avec une inspiration millimétrée jusqu’au puissant final dans la veine de Pendragon. Les claviers dessinent un paysage parfois moderne mais empruntent également des sonorités désuètes : on croirait presqu’entendre du RPI à l’écoute des premières notes d’"Abschied". La prestation de Mari Klingen est aussi louable : la superposition des lignes de chant confère un aspect vraiment fantomatique et ténébreux à l’introduction de "Das Tote Kind", avant qu’un palier ne soit franchi vers un rock progressif symphonique Heavy, seulement interrompu par un pont digne du cinéma horrifique. La présence du violon est un véritable atout et toutes ses interventions sont minutieusement intégrées à l’esthétique générale.
Les titres sont plutôt courts, parfois même réduits : "Avskjed" ou "Fiolen" dépassent à peine les deux minutes, durée jugée suffisante au développement de leurs idées mélodiques. Deux exceptions à la règle sont néanmoins à noter, en commençant par le très bon "Dagen Er Endt" qui laisse le chant diffuser ses effluves sonores derrière un accompagnement minimaliste : une stratégie pour mettre en valeur les montées instrumentales aux mélodies inventives et riches en harmonies, avec un chant très folk (à la Dan ar Braz) sur le final absolument bouleversant. L’ultime pièce, "The Day Is Done", est également d’une belle longueur. Il est l’un des rares titres au chant masculin en anglais, qui commence ici seul au piano pour adopter une voix rauque qui renforce la touche Metal quand les guitares se déploient, même si le morceau reste toujours très mesuré et rebascule dans des moments introspectifs au piano ou sert des lignes de guitares aériennes.
La pochette de Fremmede Toner laissait déjà espérer du meilleur ; il s’agissait en effet d’un écrin parfaitement adapté à cette perle progressive de la plus grande des beautés.
À écouter : "Das Veilchen", "Dagen Er Endt", "A Match"