Fondé à Édimbourg en 2007 Meursault en est déjà à sa troisième livraison. Si le groupe vous est passé sous le nez tout ce temps, vous n'avez donc pas goûté à l'un des succès les plus inattendus et sous-estimés de l'année 2010. All Creatures Will Make Merry alliait sans complexe une folk lo-fi et un environnement electro sensible, claudiquant entre l'épique et l’introspectif pour un résultat impressionnant de force et de maîtrise rythmique. Deux ans plus tard, les Écossais ont quelque peu épuré la formule, puisque seule la folk demeure, les guitares, les violons, les claviers et tout l'arsenal réglementaire. Volonté d'être plus lisible ou choix artistique à contre-courant, peu importe, ce qui compte c'est que ce Something For The Weakened joue sur la corde sensible comme une armée de funambules chinois.
Certes, l'esthétique ici est plus simple à appréhender, il ne reste à vrai dire que des éléments somme toute classiques. Mais là où les précédents opus ajoutaient de l'audace dans les compositions, Something... est plus direct, sans toutefois être devenu frondeur. Hors mis l'exception follement exaltée de "Dull Spark", Meursault la joue calme et progressif, pose ses dix titres sur des bases saines et foutrement usées. Aller simplement toucher au cœur, bâtir des mélodies qui passent le tour de force de ne jamais être caricaturales mais de toujours refléter quelque chose de profondément sentimental. Comme lors de l'enlèvement final de "Dearly Distracted tout en collision de cordes et de touches, ou au contraire, le délicat piano-voix "Mamie", Meursault ôte le voile de l'électronique de leur sensibilité à fleur de peau. S'ils avaient bâti leur singularité sur ce côté handmade un peu foutraque, les petits gars d’Édimbourg ont ici tissé une fluidité toute complice de leur nouvelle simplicité. Finis les rustines et les petits raccordements, mais reste le charme désuet d'une folk lo-fi aux allures irrésistiblement mélancolique.
Le premier titre résume presque à lui seul cette aspiration, "Thumb" est une ritournelle qui commence en un guitare-voix nu où le timbre nasillard de Neil Pennycook répète à l'envi "We were not the weakened anymore". Et petit-à-petit, subrepticement, s'empilent un à un les instruments à cordes, les voix frénétiques puis enfin les percussions timides. Car l'élément central de ces dix compositions écorchées demeure l'impeccable accent des Highlands de Pennycook. Naviguant sans peine entre l'ardent et l'intime, le chanteur construit autour de son art les mélodies habilement bricolées par ses camarades. Il donne le ton et la cadence de chacun des dix titres, mais surtout il colore entièrement de son timbre si particulier cet album. Meursault a décidé de se mettre à poil et toute la pression retombe donc sur le gaillard ; la voix est plus centrale que jamais et chaque émotion qu'elle distribue submerge sans ménagement les écoutilles. On se retrouve donc avec un album (trop ?) fort en chairs de poule et en trémolos, mais pas pour autant à la ramasse à l'heure de tisser une folk solide, tantôt subtile, tantôt dense de ses orchestrations. Un album réussi dans tout ce qu'il a entrepris, sans trou d'air et qui devrait asseoir un peu plus Meursault dans le paysage musical. Mais ce Something For The Weakened peut paraître trop convenu et manquer par endroits de la fraîcheur fantasque qui habitait l'excellent petit frère.