Pixies
The Night The Zombies Came
Produit par Tom Dalgety
1- Primrose / 2- You're So Impatient / 3- Jane (The Night the Zombies Came) / 4- Chicken / 5- Hypnotised / 6- Johnny Good Man / 7- Motoroller / 8- I Hear You Mary / 9- Oyster Beds / 10- Mercy Me / 11- Ernest Evans / 12- Kings of the Prairie / 13- The Vegas Suite
Deux ans à peine se sont écoulés depuis Doggerel, et voilà que les Pixies reviennent déjà sur le devant de la scène dans un contexte particulièrement gênant. Le départ de Paz Lenchantin, qui tenait la basse depuis plusieurs années, marque une nouvelle rupture dans le collectif, comme si la malédiction de la bassiste (oui, chez les Lutins, ce poste est féminin, c’est comme ça) ne devait jamais cesser depuis que Kim Deal a préféré jeter l’éponge. En parallèle, ladite Cool Girl vient d’entamer une carrière solo avec un premier album qui, certes, ne ravive que de manière lointaine les échos de ses années Breeders. Il n’empêche : cette sortie presque simultanée des deux galettes recèle d’un petit côté poil à gratter qui doit bien irriter Black Francis aux entournures, d’autant plus avec un nouvel essai made in Boston bien loin de faire honneur à l’héritage pixiesien…
Produit sans grand génie par Tom Dalgety, que David Lovering qualifie de « cinquième Pixie » après son travail sur Head Carrier (2016), Beneath the Eyrie (2019) et Doggerel (2022) - c’est un peu le Gil Norton des années 2010-2020, The Night The Zombies Came s’ouvre sur un "Primrose" mou du genou en dépit d’intentions ambitieuses, sorte de petite ritournelle sainte nitouche aussi agréable qu’inoffensive. La voix de Black Francis s’y élève sur une ligne de guitare toute bête, avec quelques chœurs féminins pour installer pépère Emma Richardson en tant que quatrième (!) bassiste à la botte du despote à la barre. Mouais. "You're So Impatient" suit avec une énergie crue et un riff accrocheur, rappelant vaguement les débuts du groupe sans toutefois en égaler la fraîcheur - c’est le moins que l’on puisse dire.
Parmi les morceaux les plus marquants (thématiquement parlant, tout du moins), "Jane (The Night the Zombies Came)" se distingue par une narration à la fois sombre et absurde dans la plus pure tradition Pixies. La basse, bien que moins présente qu’à l’époque de Lenchantin ou de Deal, soutient efficacement une construction sonore aérée qui donne la part belle à chacun. Pour autant, que ce titre tourne en rond ! On songe çà et là à un vague relent du “Dead” de Doolittle, mais avec dix fois moins de matière et de choses à raconter. Et ce n’est pas "Chicken" qui remonte le niveau, anesthésié dans son faux-rythme nonchalant qui a davantage tendance à nous endormir qu’à nous enivrer. C’est certes mieux avec "Hypnotised" qui joue sur de nouvelles textures de guitare un peu clinquantes, avec ce côté rêveur et planant du refrain qui prend à contrepied l’axiome pixiesien ayant fait la renommée de l’alt-rock 90’s, “Smell Like Teen Spirit” en tête. Faut-il considérer cet aspect comme une plus-value ? Non, malheureusement.
Plus loin, ça ne vole pas beaucoup plus haut : "Johnny Good Man" et "Oyster Beds" ne font pas preuve d’une folle qualité. Le premier manque d’élan dans une registre western guimauve, tandis que le second, le plus “énervé” du lot (les guillemets sont de rigueur) semble trop calculé pour être sincèrement poignant. Juste avant ce dernier, "I Hear You Mary", pourtant prometteur dans sa structure initiale, s’essouffle rapidement faute d’évolution significative, et ne demeurent qu’une mélodie naïve et des arrangements pseudo-psychédéliques convenus. Pire : symbole archétypal d’un côté gnan gnan qui pour le coup se montre réellement agaçant, “Mercy Me” pousse le bouchon très loin dans un registre “slow plus nase tu meurs”. N’en jetez plus, la coupe est pleine, et ce n’est pas le punky (mais cool) “Ernest Evans” qui parvient à faire passer cette pilule bien amère.
Par chance, la fin de l’album propose quelques éclaircies. "Kings of the Prairie" se révèle étonnamment captivant avec son canevas vocal masculin-féminin, sa classe simple et son instrumentation épurée. Même son de cloche avec le calme "The Vegas Suite" qui clôt l’album sur une note plus affinée, où quand Black donne enfin un peu de voix et apporte un peu d’intensité alors que le titre ose quelques digressions instrumentales aventureuses.
Mais globalement The Night The Zombies Came donne l’impression d’un disque moyen, davantage dans la filiation des albums solo de Frank Black que dans l’élan collectif qui faisait la grandeur des Pixies. Si quelques titres parviennent - par soubresauts - à capter des étincelles de leur magie passée, l’ensemble manque d’énergie, de cohésion et surtout d’inspiration, laissant un sentiment d’inachevé. Les fans de longue date y trouveront peut-être un plaisir ponctuel, mais cet album risque de peiner à s’imposer dans la discographie récente du groupe. Quant à l’ancienne, n’en parlons même pas… mais ça, vous le saviez déjà.
À écouter : Franchement, franchement... allez écouter Doolittle.