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Critique d'album

Placebo


Placebo (10th Anniversary Edition)


(25/09/2006 - EMI - Glam rock alternatif - Genre : Rock)
Produit par Brad Wood

1- Come Home / 2- Teenage Angst / 3- Bionic / 4- 36 Degrees / 5- Hang On to Your IQ / 6- Nancy Boy / 7- I Know / 8- Bruise Pristine / 9- Lady of the Flowers / 10- Swallow / 11- Paycheck (Demo) / 12- Flesh Mechanic (Demo) / 13- Drowning by Numbers / 14- Slackerbitch / 15- HK Farewell / 1- Come Home (Live DVD) / 2- Teenage Angst (Live DVD) / 3- Nancy Boy (Live DVD) / 4- Lady of the Flowers (Live DVD) / 5- Teenage Angst (Live DVD) / 6- Bruise Pristine (Live DVD) / 7- 36 Degrees (Live DVD) / 8- 36 Degrees (Clip DVD) / 9- Teenage Angst (Clip DVD) / 10- Nancy Boy (Clip DVD) / 11- Bruise Pristine (Clip DVD)
Note de 4/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Toute histoire a son commencement. LA version à posséder d'un album singulier."
Nicolas, le 15/11/2007
( mots)

Certains albums de rock ne payent pas de mine. On pourrait être tenté de les écouter d'une oreille distraite, avant de les délaisser froidement pour une musique a priori plus consistante. Pour ma part, c'est un peu la bévue que j'ai commise lorsque j'ai eu l'occasion d'écouter le premier opus de Placebo. Verdict à l'époque au bout de 3 passage de platine : album sans aucun intérêt, direction le placard. Erreur fatale ! Et ce n'est que plusieurs années plus tard, en retombant par hasard sur cette pochette oubliée, que j'ai compris ma méprise. La toute récente défection de Steve Hewitt à son poste de batteur, et la sortie, plus toute neuve il est vrai, de l'édition anniversaire remastérisée de Placebo, sont donc deux bonnes occasions de refaire le point sur cette perle de rock brut, tellement dissemblable des récentes productions du combo anglais, à l'heure où celui-ci est à un tournant de sa carrière.

Petite piqûre de rappel pour les amnésiques. 1994. L'Angleterre s'enflamme pour la britpop et la guerre ouverte entre Oasis et Blur. Dans l'euphorie d'un rock anglais encore en pleine reconstruction, un jeune homme efféminé et introverti, sans attache fixe (américain d'origine franco-italienne par son père, écossais par sa mère, luxembourgeois d'adoption), lutte comme il peut contre une dépression qui n'en finit pas. Il avait décidé envers et contre tous de gagner Londres pour y suivre des cours d'art dramatique au Goldsmith’s College 4 ans auparavant. Malheureusement il s'y est retrouvé fauché, et fut donc contraint d'osciller entre petits boulots foireux et chômage en ramant sérieusement pour boucler les fins de mois. Pire que tout, il ne connaît absolument personne à Londres et finit fatalement par s'y emmerder profondément. De cette situation délabrante nait un puissant sentiment de frustration et de mal-être, qui ne demande plus qu'à exploser musicalement car le lascar est également guitariste autodidacte à ses heures. Péniblement, il rabache encore et encore ses riffs et ses gammes, et compose inlassablement des mélodies au romantisme sombre et des textes en forme d'exutoire, bercé par des influences aussi hétéroclytes que David Bowie (bien-sûr), Bob Dylan, Depeche Mode, Black Sabbath, mais également Téléphone et Indochine puisque sa maîtrise de la langue française s'est affirmée naturellement lors de son séjour prolongé dans le Grand Duché. Le déclic survient alors de façon inattendue, à la station de métro South Kensington, où notre jeune chômeur désabusé rencontre par le plus grand des hasards une ancienne relation de lycée du Luxembourg, un grand échalas suédois qu'il méprisait cordialement à l'époque. Qu'à cela ne tienne, il engage la conversation et l'incite même à venir le voir sur scène dans la soirée, au club Round The Bell. A vrai dire l'autre type n'est pas franchement emballé par cette invitation, mais il finit pourtant par la relever froidement. C'est ainsi que Stefan Olsdal assiste sans trop y croire à la prestation de Brian Molko, et qu'il en ressort contre toute attente totalement enthousiasmé. Ca tombe bien, lui aussi est musicien, multi instrumentiste de formation classique, et il propose donc tout naturellement à Molko de monter un groupe qu'ils décident d'un commun accord de nommer Ashtray Hearts.

Brian Molko au chant et à la guitare, et Olsdal à la basse, il ne leur manque alors plus qu'un batteur. Molko pense d'abord à un certain Steve Hewitt, un gars avec qui il a déjà écumé les clubs les années précédentes (et qui était d'ailleurs de la partie au Round The Bell le soir de la fameuse rencontre). Mais celui-ci est malheureusement trop pris par ses autres projets, et se retrouve le cul coincé entre Ashtray Hearts, The Boo Radleys et surtout Breed. Le duo se rabat donc sur Robert Schutzberg, un pote suédois d'Olsdal avec qui Molko n'accroche pas franchement, mais faute de mieux... après avoir au passage changé de nom pour Placebo, plus simple, plus universel, plus pernicieux également (un placebo, comme chacun sait, c'est un médicament... qui ne contient que du vent), le trio se produit immédiatement en concert et se découvre une insatiable boulimie de scène. Le look si particulier de Molko ne passe pas longtemps inaperçu, et Placebo se fait très rapidement remarquer en vue d'enregistrer un premier album. Mais alors que la production commence, très vite les tensions entre Molko et Schutzberg deviennent insupportables au point que les deux musiciens finissent par en venir aux mains. Schutzberg est donc éjecté du groupe peu après la fin de l'enregistrement, et remplacé au pied levé par... Steve Hewitt, qui a pu entre temps prendre congé de ses obligations. Mais c'est déjà une autre aventure qui commence et qui vient d'ailleurs tout juste de se terminer.

Voici donc le ton et l'esprit dans lequel cet album éponyme a été conçu, ton et esprit contenus en totalité dans l'histoire précédemment énoncée. Ajoutons à cela l'androgynie de Molko, sa bisexualité et son goût pour le travestissement et les paradis artificiels, et on obtient un résultat on ne peut plus glam, spleen & rock'n roll qui explique en grande partie le succès fulgurant de Placebo à sa sortie dans le milieu underground. Mais c'est bel et bien sur scène que le groupe défraie la chronique, car Molko y trouve tout loisir d'y exprimer son goût pour la théatralité, arborant sans complexe jupes et collants, se maquillant avec toute la minutie d'une adolescente, s'affichant dans des attitudes provocantes des plus ambiguës, et exhibant des textes sulfureux bien peu orthodoxes pour la si puritaine Angleterre. A tel point que le doute quant au véritable sexe du charismatique leader de Placebo a été longuement et savament entretenu par un homme enfin débarassé de ses démons intérieurs, sauvé de l'autodestruction par le rock.

Dire que cet album diffère des suivants est presque une plaisanterie tant sa singularité est grande. Formellement, la voix de Molko y est encore plus aiguë, aigre et nasillarde qu'ultérieurement, et signe d'emblée la marque du groupe. Cette voix si particulière, intense et perçante, tantôt lascive, tantôt hachée, fige instantanément tous les attachements et toutes les inimités voués au trio : insupportable pour certains, fascinante pour d'autres, il ne semble pas qu'elle ait pu engendrer de sentiments frileux et mesurés. Les sonorités instrumentales n'ont pas encore l'ampleur qu'elles gagneront par la suite, sans parler d'un timbre de guitare encore en recherche et d'un jeu de batterie presque antinomique entre Schutzberg et Hewitt. Bref, l'album ferait presque penser à une démo amateur plutôt qu'à une véritable production labellisée. Ceci est encore renforcé par le caractère simple, direct et spontané des titres, crachés naturellement par le groupe comme s'il les composait en temps réel. Mais s'arrêter à cette simplicité et n'y voir qu'une crasse immaturité serait une méprise fondamentale, car la plus grande qualité de cet album réside justement dans son caractère brut de décoffrage, épuré et cash, doublé d'une épatante homogénéité. Sans compter ces riffs terribles qui constituent l'ossature quasi-exclusive des chansons. Il n'y a qu'à écouter Brian Molko en concert pour s'en rendre compte : les mélodies chantées sont sensiblement différentes par rapport aux versions album, et seule la partition de guitare confère leur structure aux titres. Exemple typique avec "Bionic" qui présente des paroles réduites au strict minimum (2 phrases, point barre) et une ligne de guitare limpide, ou encore "Swallow" qui ne possède pas le moindre chant. De surcroît les gaillards se baladent techniquement sur les airs d'une façon paradoxalement nonchalante et énergique, exploitant des partitions simples mais parfaitement maîtrisées et d'ailleurs bien plus variées rythmiquement que dans leurs efforts futurs. La quintessence de ce jeu précis et racé aboutit notamment à "Bruise Pristine", explosion de rage d'une rare intensité, inaugurant ce fameux style de gratte à la croche et constituant pour moi le tout meilleur titre du groupe, encore inégalé à ce jour. Mais les autres pistes sont également excellentes, d'un "Come Home" brutal et enlevé à un "I Know" violemment mélancolique et confondant de douleur et de ressentiment. Un petit moins peut-être sur "Nancy Boy", un rien bourrin et surjoué, mais néanmoins nettement supérieur à sa version single et se calant parfaitement dans le moule de cet album terriblement accrocheur et surmontant parfaitement l'épreuve du temps.

Bien sûr, ce qui fait également la différence entre cette production et les suivantes, c'est l'opposition flagrante du jeu de frappe de Robert Schutzberg par rapport à celui de Steve Hewitt, qui reprendra le flambeau après le clash. Autant Hewitt aime les sonorités graves et les frappes mâtes et lourdes, autant Schutzberg développe un jeu virevoltant et rapide qui confère à cet album une légèreté et un peps assez déroutants au départ mais finalement parfaitement à propos, au détriment peut-être d'un manque d'intensité et de profondeur. Chacun pourra se faire juge et apprécier (ou pas) à leur juste valeur un style et un homme depuis retombés dans l'oubli.

Parlons enfin de cette édition collector, particulièrement riche en suppléments. Outre un son restauré (ce qui n'est pas du luxe car le master de 1996 était loin d'être parfait) et un petit livret de témoignages des membres du groupe, le CD nous offre 4 titres bonus, puisque "H K Farewell" était déjà présent sur la version originale de l'album sous forme de titre caché. Les 2 premiers sont des démos, d'une qualité sonore plus que moyenne mais pour autant non dénuées d'intérêt : "Paycheck" est un titre rapide, nerveux, hurlé d'une voix stridente par Molko sur le refrain et gonflé par des riffs monstrueux, alors que "Flesh Mechanic" nous offre un titre mixte acoustique-électrique, oscillant entre légèreté et puissance, tour à tour chanté, scandé, rapé et braillé, débordant d'impertinence et de spontanéité. Les 2 derniers titres, "Drowning By Numbers" et "Slackerbitch", sont tout aussi intéressants et se placent en habile continuité avec le reste de l'album, le premier avec sa basse ronflante et métallique, et le deuxième alternant pincements de cordes doux et riffs nerveux. Le DVD, quant à lui, compile des extraits de concerts et l'intégralité des clips de l'époque, offrant ainsi un aperçu substantiel de l'extravagance de Molko à ses débuts. Voilà donc une excellente opportunité de redécouvrir un disque hors norme, qui a su si facilement se faire oublier... en attendant un nouveau départ pour Placebo dès qu'il aura résolu son problème de batteur.

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