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Critique d'album

The Coral


Move Through The Dawn


(17/08/2018 - Ignition Records - Pop Folk Rock Blues - Genre : Pop Rock)
Produit par The Coral, Rich Turvey

1- Eyes Like Pearls / 2- Reaching Out For A Friend / 3- Sweet Release / 4- She's A Runaway / 5- Strangers In The Hollow / 6- Love Or Solution / 7- Eyes Of The Moon / 8- Undercover Of The Night / 9- Outside My Window / 10- Stormbreaker / 11- After The Fair
Note de 3.5/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Plus pop mais non moins indispensable, un nouveau fleuron dans la discographie des anglais"
Nicolas, le 28/08/2018
( mots)

Si tout le monde à la rédaction d’Albumrock ne s’accorde pas à avaliser le constat d’un déclin du rock en cette deuxième décennie 2000 finissante, nul ne pourrait nier que la scène actuelle, par rapport à d’autres musiques contemporaines désormais plus estimées comme la pop ou le hip hop, se trouve complètement déboussolée. Au point de pousser quelques cadors - les Monkeys, Jack White, pour ne pas les citer - à se réinventer stylistiquement en profondeur. Face à cette perte de repère, il est toutefois bon de constater que nombres d’acteurs ès rock n’ roll n’ont pas l’intention de se laisser déstabiliser. Si le cas des Arctic Monkeys a pu prêter à la polémique au premier semestre - tout le monde ne goûtant pas à la lounge pop -, l’arrivée en force de groupes gravitant autour du carré de Leeds aura tôt fait de rassurer les tenants d’un rock droit dans ses bottes et qui ne souhaite rien concéder à personne. En témoigne un Miles Kane - copain d’Alex Turner chez les Last Shadow Puppets - remonté comme une pendule dans son récent - et très appréciable - Coup de Grace. En témoigne également les cousins germains de Miles et autres hérauts du rock british, The Coral, qui avec ce joli Move Through The Dawn, confirment qu’il faut toujours compter avec eux. En attendant de retrouver Bill Ryder-Jones, encore un talent brut passé initialement par l’équipe de James Skelly qui fera son grand retour cet automne.


La discographie des hoylakiens semble reprendre de la vigueur, une discographie assez atypique, marquée par une kyrielle de disques d’or entre 2002 et 2005 (3 skeuds et un mini-album, difficile de faire mieux), deux réalisations moins bien accueillies par le public (Roots & Echoes en 2007, Butterfly House en 2010, il est vrai un peu en retrait), et enfin une reprise d’activité sérieuse depuis la parution en 2014 de leur album perdu The Curse of Love, avec le robuste Distance Inbetween en 2016 et déjà son successeur cette année. Certes, une belle quantité d’eau a coulé sous les ponts depuis que la post-britpop a sombré corps et biens - il n’y a qu’à voir ce qu’il reste de Coldplay ou de Franz Ferdinand aujourd’hui, quelle tristesse -, et s’il y a une formation qui a su résister contre vents et marées aux affres du temps, c’est bien le Corail des frères Skelly. Même s’ils restent boudés partout, y compris chez eux en Angleterre, récoltant un succès somme toute confidentiel au regard de leur talent, ils n’en restent pas moins un roc, un point d’ancrage, un phare dans la tempête. Et ce même si le guitariste lead Lee Southall a souhaité se mettre en hiatus du groupe peu avant l’enregistrement de Distance Inbetween : en engageant le liverpuldien Paul Molloy pour le remplacer (The Zutons, partageant également la scène avec Ian Skelly dans Serpent Power), The Coral n’a pas perdu au change.


Rien ne saurait ébranler la placide tranquillité d’un groupe au faîte de son écriture, qui n’a plus à se forcer pour sortir une bonne chanson. C’est simple : il n’y a rien à jeter dans Move Through The Dawn, disque à la pochette pastel excentrique qui voit les anglais poser pour la première fois dans un style totalement décontracté, bien éloigné du kaléidoscope éclaté de The Coral, des caricatures glauques de Magic and Medicine ou de la photographie dépressive de Roots and Echoes. Accompagnés d’un lion (!), les cinq brittons exhibent fièrement lunettes de soleil, chevelures et barbes, chemises hawaïennes à la Beach Boys, entourés de katakanas sur fond de décor urbain nippon. Nulle trace d’asiatisme cependant dans ce huitième album - ou septième, on ne sait plus trop - à la classe toute anglaise, aussi robuste sur le fond que facile dans sa délivrance. Cool en superficie mais diablement poignant sous la surface. James Skelly et sa bande privilégient ici des tonalités majeures douces-amères, comme sur l’introductif “Eyes Like Pearls” où des images célestes élégiaques se heurtent à une souffrance appartenant désormais au passé. “All my troubles seem so far away from me / Can't you see I was falling?”, entonne Skelly de sa voix délicieusement grave et éraillée, sans doute à l’attention d’une dulcinée à mille lieux de ses tourments. Appel du pied renouvelé dans le morceau suivant, cette fois-ci destiné à un pote capable de l’épauler dans ses moments de souffrance : “Reaching out to find a friend / In a world where the troubles never seem to mend”. Cette dichotomie entre peine pudiquement contenue et pop californienne ensoleillée - on est presque dans le même registre que “Kokomo” des garçons de plage ici - flirte avec le sans faute. L’équilibre entre le trio guitare - basse - batterie et l’accompagnement synthétique se montre aussi juste que prégnant, parfois mis au premier plan (“Strangers in the Hollow”, aux orchestrations bien dosées), d’autant que se rajoutent souvent des secondes voix magnifiques pour agrémenter le tout (“She’s a Runaway”). Et quand le rock se réinvite à la fête, il ne prend pas de détours, en témoigne un “Sweet Release” pugnace transporté par des paroles jouant de répétitions aussi joueuses qu’entêtantes, ou encore “Love Solution” imposant son binaire matraqué à l’orgue. En parlant de claviers, signalons l’intéressant “Stormbreaker”, pour le coup presque heavy dans son traitement, un peu comme si les Birth Of Joy avaient décidé de s’assagir. Pas la peine d’en rajouter, si ce n’est qu’en affirmant que si The Coral maîtrisent globalement son art, ils cassent véritablement la baraque quand ils versent dans les complaintes folk, si belles qu’on ne sait même plus si elles sont heureuses ou tristes (“Eyes Of The Moon”, “Undercover Of The Night”, “After The Fair”, toutes frôlant le sublime, au bas mot).


Manque peut-être un soupçon de grand public dans tout ça, un tube, un hymne, un évangile, quoique dans le genre britpop miraculeuse propre à renverser les foules, “Outside My Window” se pose là avec son refrain ravageur. N’empêche : même si The Coral peineront sans doute toujours à déchaîner les passions de la plèbe comme des rédactions, ils prouvent ici qu’ils constituent, même en ces temps troublés, un acteur rigoureusement incontournable du rock anglais. Et même mondial, allons-y carrément. Profitez donc de ces temps de disette pour laisser sa chance à Move Through The Dawn : vous verrez, vous ne le regretterez pas.

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