The Decemberists
As It Ever Was, So It Will Be Again
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1- Burial Ground / 2- Oh No! / 3- The Reapers / 4- Long White Veil / 5- William Fitzwilliam / 6- Don't Go to the Woods / 7- The Black Maria / 8- All I Want Is You / 9- Born to the Morning / 10- America Made Me / 11- Tell Me What's on Your Mind / 12- Never Satisfied / 13- Joan in the Garden
Les Decemberists ne sont pas des perdreaux de l'année. Des perdreaux de décembre non plus. Les expérimentés (légendaires?) musiciens n'ont plus grand chose à prouver si ce n'est une capacité à maintenir un niveau de qualité ridiculement haut pour leur compositions de chansons folk et indie rock.
As It Ever Was, So It Will Be Again sonne comme un appel à la consistance et à la continuité. C'est, en substance, ce qu'est ce disque. Une démonstration en un peu plus d'une heure de tout ce dont sont capables ces formidables musiciens.
Premier constat donc : la durée de l'album, résolument plus longue que la norme. Alors la norme, Colin Meloy et ses comparses, s'en cognent comme de leur première chemise en flanelle, mais il est tout de même bon de préciser que l'extension est due au dernier titre, "Joan in the Garden", et à ses 19 minutes (!). Un mot pour résumer cette composition en quatre mouvements : épique. Abordée dans un premier temps comme un chanson folk formellement solennelle voire cléricale (le sujet et récente obsession de Meloy est, après tout, Jeanne d'Arc ici), les fusils changent d'épaule une première fois pour laisser place à une section progressive délicieuse. On pourrait penser que le chapitre ambient électronique qui suit amène doucement le disque vers sa conclusion, mais c'est un irrésistible épilogue en forme de coup d'éclat rock qui se charge du clap de fin.
Franche réussite du disque, "Joan in the Garden" s'adresse à tous les amateurs d'expérience musicale grandiloquente et va donc à l'opposé de la case folk traditionnelle dans laquelle le groupe est habituellement et abusivement rangé. On ne peut que se féliciter de voir des compositions de cette ambition dans l’environnement moderne de l’industrie musicale.
Depuis quelques productions, en particulier depuis l'accessible The King Is Dead, The Decemberists avaient laissé de côté les expérimentations sonores et leur retour est plus que bienvenu !
Le reste du disque présente des chansons au format plus conventionnel, mais se permet d'infuser plus d'influences que la première écoute ne pourrait le laisser penser. Ainsi, l’indie folk classique et soyeuse de "Burial Ground" (en duo avec l'excellent mélodiste James Mercer, tête pensante des Shins et de Broken Bells) ou du sombre "Don't Go To The Woods" côtoient des morceaux plus rock comme le REM-compatible "Tell Me What's On Your Mind".
Le thème du trépas est toujours très présent dans la prose au timbre nasillard de Meloy. L'album s'ouvre sur "Burial Ground" donc, mais superpose l'étonnement up-beat "Long White Veil" avec un texte sombre traitant de la disparition d'une jeune mariée.
L'americana et la country rock trouvent comme d'habitude une place de choix dans les compositions du groupe. "William Fitzwilliam", porté par la slide guitar, ou encore le mystique "Black Maria" en attestent. L’harmonica de "Born in the Morning" se mélange avec des arrangements plus complexes et une production légèrement cacophonique pour un des titres les moins directs de l'album.
Les cuivres sont de sortie sur certains des meilleurs morceaux de cette nouvelle fournée.
Le délicieux doux amer "America Made Me" conduit Meloy à mendier pour un somnifère "give me something to sleep, or something that won't keep me away from my sleep" sur un joyeux vacarme à la frontière du désespoir. On retrouve probablement les protagonistes de "Long White Veil" sur "Oh No!", qui décrit une nuit de mariage agitée et sanglante. Le choix d'une rythmique et d'un ensemble de cuivre cubain pour servir de vecteur à une histoire plutôt sordide en dit long sur le sens de l'humour des vétérans.
On imagine tout à fait la partie instrumentale servir de cortège funéraire lors d'une parade à la Nouvelle Orléans.
"Never Satisfied" tire sur la corde de la frustration cynique en dépeignant l'incapacité de se réjouir des merveilles simplistes, comme s'asseoir et regarder le soleil se lever: "settle down and watch the sun rise, rattle down and watch the day die".
Aussi à l'aise sur des compo complexes que sur des morceaux très simples _"Never satisfied" donc, et l'étincelant de pureté "All I Want Is You", The Decemberists proposent ici un camaïeu de tout ce que l'indie folk et ses ramificatioms ont de mieux à offrir. L'exploit par dessus cette prouesse est de la réaliser en rendant le résultat parfaitement accessible à des oreilles novices. Faire cohabiter une des ballades de l'année ("All I Want Is You") avec un des OVNIS musicaux les plus aboutis ("Joan In The Garden") constitue un fait d'arme dont peu de collectifs peuvent se targuer.
Ne cherchant rien à prouver, Meloy et sa bande de Portland démontrent l'étendue de leur virtuosité. Une nouvelle fois.
A écouter: "Joan In The Garde", "All I Want Is You", "Burial Ground".