Epitaph
Epitaph
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1- Moving to the Country / 2- Visions / 3- Hopelessly / 4- Little Maggie / 5- Early Morning / 6- London Town Girl / 7- Autumn 71 / 8- Are You Ready / 9- I'm Trying / 10- Changing World
Le Wishbone Ash allemand ? Vous avez bien dit qu’Epitaph était le Wishbone Ash allemand ? Comme si la RFA s’était spécialisée dans le pastiche étoilé : Triumvirat est l’Emerson, Lake & Palmer allemand, Faust aurait dû devenir les Beatles allemands, et voici qu’Epitaph est considéré comme le Wishbone Ash germanique.
Enfin germanique… Le groupe s’est bien formé de Dortmund mais à l’exception du bassiste, ses membres sont britanniques (Cliff Jackson, au chant et à la guitare, est anglais tandis que le batteur, James McGillivray, est écossais) : un élément qui rappelle la composition d’autres formations d’outre-Rhin comme Lucifer’s Friend et Nektar, également marquées par la diaspora du Royaume-Uni.
Entre deux pays, Epitaph s’inscrit également dans un entre-deux stylistique qui marque l'esprit du temps, à mi-chemin entre le hard-rock encore bluesy et le rock progressif, le fameux Heavy prog’ qui a séduit de nombreux groupes européens en général et allemands en particulier, quand ceux-ci ne versaient pas dans le Krautrock. Ainsi, l’album se compose de cinq titres seulement, qui sont assemblés dans un ordre croissant, du plus court au plus long, allant de 5 à près de 10 minutes.
Et Wishbone Ash alors ? Il est vrai que l’introduction mélodique en twin-giutars de "Moving Up to the Country" peut légèrement évoquer le combo anglais, du moins ses deux premiers albums (Argus, qui affirme le style du groupe, sortira l’année suivante), et possède une touche prog’ indéniable, pour ensuite basculer dans un blues-rock des plus classiques dominé par la guitare – le succès allemand du fameux "Junior’s Wailing" de Steamhammer (Steamhammer, 1969) fait ici sentir son influence. En réalité, si les guitares jumelles, il est vrai très présentes, évoquent Wishbone Ash, c’est davantage la scène progressive qui vient à l’esprit, notamment les deux premiers opus de King Crimson dans leur versant le plus symphonique, ou les plus tardifs Camel. Leur meilleur titre, "Early Morning", déploie une batterie jazzy pour mieux amener des envolées cameliennes (dans ses phases les plus véloces et heavy) ou dignes des Allman Brothers, pour faire une comparaison en forme de grand écart. Cette dernière référence est encore plus sensible sur "Hopelessly", notamment pour la richesse du travail aux guitares accumulant les notes d’une pureté formidable qui composent de sublimes lignes mélodiques, ou, dans un autre style, sur "Little Maggie" qui s’inscrit dans les sillons américains (ou plutôt sudistes) creusés par les Georgiens, jusqu’au solo semi-improvisé. En revanche, "Visions" est un écho à une autre "Epitaph", où le mellotron et la guitare acoustique apportent la progressivité éthérée du premier King Crimson.
Sur ce premier opus donc, Epitaph évoque assez peu Wishbone Ash, à moins que les twin-guitars suffisent à obtenir ce label : c’est plutôt entre le Heavy-blues qui frise le rock sudiste des Allman Brothers et le rock progressif crimsonien (ou proto-camelien), que la formation cherche sa voie.
À écouter : "Early Morning", "Moving Up to the Country"