Yuksek

Depuis le succès à la fois critique et commercial d'un certain album marqué d'une croix, l'électro française semble partie dans une nouvelle dynamique. Evidemment, cette vision n'est pas partagée par ceux qui suivent le genre depuis longtemps, mais pour le grand public, le succès du duo Justice a ravivé un intérêt qu'on n'avait pas connu depuis Daft Punk. Dans la foulée, on découvre alors des gens qui mixent et créent depuis longtemps, mais bénéficient soudain d'une oreille plus attentive. Les exemples sont légions, tels Sébastien Tellier, Birdy Nam Nam, ou dans le cas présent, Yuksek.

Ce qui distingue ce trentenaire père de famille du lot, outre sa gueule d'ange, c'est son bagage de musicien classique, bassiste et pianiste, et son envie, au-delà du bidouillage sonore, de poser sa voix sur des samples. Le Remois joue avec ses influences, s'approprie leur essence, et livre avec Away from the sea un melting-pot à la fois vintage et branché, touchant par sa modernité et par les résonances qu'il déclenche.

Une telle affluence de styles pourrait avoir l'avantage de réunir tout le monde, avec l'inconvénient de ne toucher personne. Au final, Yuksek s'en sort bien, livrant ici des tubes électro formatés pour les dancefloors, là des envolées spaciales, le tout entrecoupés de sessions disco. Mais c'est avec un son hip-hop que l'album s'ouvre. "Break Ya" et son intro beat box sur laquelle s'impose une mélodie basique à la voix montre toute l'efficacité que peuvent avoir quelques simples notes. 

Ensuite, place à l'électro tendance dancefloor avec le single "Tonight", efficace sans pour autant tomber dans le calibrage putassier des gros tubes de boîtes de nuit. Car Mr Yuksek fait les choses avec élégance. Elle se ressent dans chacun de ses titres, leur donne à la fois denstié et légèreté, fond et forme. La disco prend ainsi un coup de jeune sur "A certain Life" ou "So Down" et la pop se voit mêlée de beats hip-hop sur le très réussi "Extraball". 

Et si Yuksek s'offre quelques envolées à l'Air ("I Could Never Be a Dancer", trip électro-spacial intense) ou un petit tour du côte de Sébastien Tellier ("Freak o Rocker"), Away from the Sea est bien plus proche du Cross de Justice que de n'importe quel planage aérien. "Take a Ride", "This is not Today", "I Like to Play" ou encore "Eat my Bear" proposent un son d'une vraie densité (multitudes d'instruments, de sons, de bidouillages), extrêmement dansant, tout en étant de manière surprenante très axés sur les textes. 

Efficace et surprenant, le premier album de Yuksek est une réussite qui pourrait séduire les rétifs à l'électro par ses influences multiples. Joueur dans tous les sens du terme, le musicien-bidouilleur a su réutiliser les musiques qui ont bercé sa jeunesse et celles de ceux qui l'écoutent, remplaçant la nostalgie par une compulsive envie de danser.