Archive
Salle : Coopérative de Mai (Clermont Ferrand)
Première partie :
Cette soirée de novembre avait pour but de valider cette intuition que le live était la forme idoine pour jauger de la qualité des productions du collectif Archive. Un sentiment appuyé par des albums qui, depuis Controlling Crowds en 2009, s’avèrent de plus en plus difficiles d’accès. N’ayons pas peur d’employer le terme d’élitisme tant les dernières sorties des britanniques ont éludées les morceaux (les singles) à la prise directe, ceux pareils à des points cardinaux : repères indispensables pour se lancer dans l’exploration des pièces culminant au-delà des 10 minutes, riches en textures, dont la profondeur nécessite des écoutes répétées pour révéler toute leur substance.
Ainsi, le dernier né Call To Arms And Angels, paru en 2022, fait écho à cette accessibilité rétive tant ce disque ne saurait se satisfaire d’une écoute distante, obligeant à l’immersion totale -solitaire ?- pour être appréciée. Mais, là encore, la motivation de l’auditeur est mise à rude épreuve au vu du dessin de cet opus : 17 titres pour une durée totale de 1h43.
Reste donc le live pour faire office de juge impartial.
La tempête de vent qui s’est abattue sur la capitale auvergnate en ce 16 novembre a transporté, dans les murs de la Coopérative de Mai, une tornade toute droit venue du comté de Somerset répondant au nom de October Drift.
Le quartet, chargé d’ouvrir la soirée, détonne par la qualité de ses compositions. Le groupe emmené par son chanteur/guitariste Kiran Roy propose un rock lourd, puissant, agrippant, celui qui vous prend aux tripes et captive vos oreilles. Là où ce registre inviterait, en toute logique, à une voix rauque qui tirerait sur le "gueulard", October Drift détonne par un chant cristallin et sensible sans pour autant manquer le coche de la force nécessaire pour surnager au-dessus de cette déflagration électrique.
La surprise est totale et porte en elle la promesse d’un groupe qui devrait rentrer dans la catégorie de ceux qui compteront demain dans la sphère du rock. On soulignera, une nouvelle fois, la qualité acoustique de la salle clermontoise magnifiant un peu plus la musique de October Drift. A l’inverse on regrettera un set un brin court : tout juste une quarantaine de minutes.
Setlist October Drift :
- "Lost Without You"
- "Waltzer"
- "Oh the Silence"
- "Lost"
- "Insects"
- "Airborne Panic Attack"
- "Forever Whatever"
A peine le temps de faire un détour par le bar que Archive prend place sur cette scène qu’ils connaissent si bien et qui semble impeccablement leur convenir. On prendra pour preuve un live Deezer capté dans cette même Coopérative de Mai ou encore le choix de la salle, située rue Serge Gainsbourg, pour lancer leur tournée best-of 25, en 2019, comme un tour de chauffe qui préparait à la grande messe parisienne qui allait suivre quelques jours plus tard.
Le collectif frappe très fort dès le départ et confirme la sensation de puissance qui découle de leurs compositions quand celles-ci sont interprétées en concert. Une force incarnée par le trio guitare/basse/batterie, placé au second plan de la scène, qui donne du corps à la doublette introductive "Mr Daisy" ; "Sane". La performance du dernier nommé rappelant, s'il était nécessaire, toute la magie contenue dans l'album Lights. Les fondations posées, le groupe de Darius Keeler enchaîne dans son registre progressif cousu à la dualité vocale du soprano porté par Pollard Berrier face à la basse de Dave Pen sur "The False Fondation". On perçoit tout le labeur porté à la construction de la setlist avec des transitions instrumentales toutes aussi splendides que malicieuses à l'image de l'enchainement entre "Bright Lights" et "Conflict". S'en suit un passage plus anodin, construit autour des titres de Call To Arms And Angels. A défaut d'apprécier la longue litanie de "Daytime Coma", la mise en scène est, elle, captivante grâce à un jeu de lumières exceptionnel qui magnifie la performance des britanniques. Il n'empêche que l'entrée en scène de la chanteuse Lisa Montram est la bienvenue pour désempêtrer un show qui commençait à gentiment s'autosuffire et s'essouffler.
La configuration de Archive avec une voix féminine donne lieu à des instants toujours plus contemplatifs. On se délecte ainsi d'une petite perle, venue des profondeurs du temps, avec l'interprétation du titre "Take My Head" tiré de l'album éponyme publié en 1999.
L'ascension finale est amorcée. C'est le moment choisi par Archive pour laisser place au meilleur de sa dernière production. Coincé dans l'obscurité de la salle, les enchantements de Call To Arms And Angels, nous envoûte et nous regarde droit dans les yeux ne laissant aucune échappatoire à l'immersion. Des lasers verts, pareils à une multitude snipers, nous vise et nous commande de pénétrer dans l'ambiance délicieusement suffocante de "Enemy". A peine le temps d'aller chercher un peu d'air, à l'aide des intonations délicates de Pen, au sein de la bulle aérienne formée par "The Empty Bottle", que l'étreinte s'intensifie. Archive parachève sa performance avec le sommet de cette soirée : "Gold". Les trois voix du collectif se succèdent dans un flot de paroles, distillées de façon angoissante, avant que les instruments ne se déchainent et nous enferment dans une boucle infinie où tous resserrent leur étreinte pour ne plus nous lâcher : une impression asphyxiante, mais pour autant pas question de chercher à s'en défaire.
Finalement la déception viendra, une fois n'est pas coutume, du public auvergnat où tous se tiennent las, raids comme des piquets, dans une attitude glaciale. Les réponses aux sollicitations de Dave Pen sont tardives et très timides. Elles ont l'air de sacrément emmerder un public qui aurait préféré entamer sa nuit. Rare sont ceux qui manifestent leur plaisir d'être là en cherchant à entrer en communion avec le groupe et ses compositions. En résulte la sensation d'un public snobinard qui fait dire à l'artiste qu'il devrait s'estimer heureux de voir la salle complète.
Le problème est que cette impression n'est pas nouvelle et fait suite à un sentiment similaire perçu, cette année, dans cette même enceinte, aux concerts de Temples et de Peter Doherty. Le guitariste de ce dernier, Frederic Lô, avait d'ailleurs manifesté explicitement sa déception en regrettant l'ambiance qu'il avait connu une quinzaine d'années auparavant et comparant l'assemblée clermontoise à celle d'une salle remplie de "bobos parisiens".
Pour en revenir à Archive, il faudra attendre le rappel et la succession des tubes "Fuck U" et "Bullets" pour percevoir enfin un soubresaut au sein du public. A défaut, ce sont les membres du groupe qui semblent être les plus possédés par l'instant, à l'image de Darius Keeler avec sa gestuelle incessante et si particulière.
Au sortir de cette soirée, Archive confirme être groupe qui superforme et exploite le plein potentiel contenu dans ses compositions dans leurs interprétations en concert. Aux amateurs du groupe qui aurait été rebuté par la dernière production des britanniques : foncez les voir si vous en avez l'occasion. Il y a fort à parier que vous ne serez pas déçu. Pour les autres, l'expérience d'un show du collectif ne vous laissera pas insensible. Soyez certain d'en prendre plein les yeux et les oreilles.
Setlist Archive :
- "Mr. Daisy"
- "Sane"
- "The False Foundation"
- "Vice"
- "Bright Lights"
- "Conflict"
- "Daytime Coma"
- "Surrounded by Ghosts"
- "The Skies Collapsing Onto Us"
- "Take My Head"
- "The Crown"
- "Enemy"
- "The Empty Bottle"
- "Gold"
- Encore :
- "Fuck U"
- "Bullets"