Puggy
La première partie de ce soir ne restera pas un mystère très longtemps. C'est l'italienne désormais bruxelloise Elisabetta Spada du groupe Kiss&Drive qui s'avance seule sur scène, avec ses lunettes sévères et sa robe bigarrée. Dès le premier titre, on pense immédiatement à Feist, avec une petite voix volontairement régressive et un univers onirique. "Comme je suis contente d'êre à Lille. J'aime la France, je suis très fan".
"My Mood Changes", titre éponyme du premier EP d'Elisabetta est le reflet d'une pop song colorée style comptine nourrie au glockenspiel, mais derrière laquelle se cache une épaisse couche de mélancolie. Suite à la reprise épurée de "In Your Eyes" de Kylie Minogue, Elisabetta tient à justifier son parti pris artistique: d'accord elle est seule sur scène et s'entoure de samples pour étoffer ses morceaux, mais au grand jamais elle ne fait de playback, "C'est tout naturel, c'est tout en direct, c'est bio, c'est bien". Ukulele, trompette mouth-made (parce qu'il n'y a pas que Zaz qui sait faire "pouet pouet" avec sa bouche), beatbox, choeurs et tambourin, Elisabetta superpose les sons avec malice. Bref. Six chansons pour une première partie atypique et sympathique.
"Pu-ggy, Pu-ggy!", les premiers rangs de la fosse sont gonflés par un évident fan club du groupe, facilement repérable avec ses bracelets phosphorescents.
Puggy fait son entrée au son des cris, tellement forts qu'ils couvrent presque la petite musique triste d' "Empty Street", qui ouvre le concert. Après un vigoureux "Bonsoir Liiiiille!" lancé par un Matthew Irons chauffé à blanc, éclate "Goddess Gladys" qui coupe court à toute mélancolie. Car Puggy est un groupe sympa, marrant et -le reste de la soirée ne fera que le confirmer- diablement scénique. Le batteur suédois, manifestement le chouchou de ces dames, éclate ses futs toutes baguettes et cheveux en l'air. Au centre et surélevé, il occupe une place de choix et pulsera sans faiblir tout le long du set. Tout sonne plus rock ce soir, même "We Have It Made" prend des allures punks. Ce concert est l'occasion d'apprécier un groupe juste, bien dans ses baskets et dans sa musique. Une intro de guitare espagnole, et le groupe enchaine avec l'enlevé "Dubois", plein d'effets et de superposition de voix façon cantatrice dans Le Cinquième Elément. Voilà un excellent titre qui reflète l'excentricité du groupe, malheureusement d'avantage présente dans Dubois Died Today que sur leur dernier album.
Dans la fosse, c'est le fan club qui est le plus remuant, le reste de la salle est discipliné et se contente d'applaudir et de danser gentiment. Puggy n'est pas le genre de groupe sur lequel on slame, mais plutôt un trio de troubadours mélomanes qu'on écoute avec intérêt et délectation. C'est Noël avant l'heure au vu des sourires du public.
"C'est à Lille qu'on a trouvé nos premiers concerts et c'est toujours avec un plaisir énorme qu'on revient ici!" lance Matthew. Puis hop, direction le piano pour "You Call Me Up" et "She Kicks Ass" dont l'air est sifflé par le public pour un résultat du plus bel effet. Ludiques, les Puggy font régulièrement participer l'audience et le concert ne connait pas de temps mort.
Petit solo de basse slappée à la fin de "Burned" pour un bassiste qui n'est pas relégué dernière-ligne-mets-toi-au-fond-de-la-scène-sois-timide-et-te-fais-pas-remarquer-s'il-te-plait. Le frenchie est mis à la même hauteur que Matt, est éclairé de la même façon que ses potos. Il sautille, amusé par cette musique qui l'enthousiasme comme si elle venait d'être composée. Le batteur, lui, s'adresse régulièrement au public, lançant des oeillades aux fans en pâmoison au premier rang. Mr Irons mène le tout sans prétention, sans volonté de se mettre en avant comme on pourrait l'attendre de la part d'un frontman. Les trois sont en nage face à l'énergie et l'enthousiasme lillois qu'ils s'emploient à garder intacts. Ils se reposeront un moment sur "Not A Thing Left Alone" à l'émotion toute glam rock et "How I needed You", titre bipolaire qui pète un câble en son milieu. On ne saurait pas que Matthew est d'origine britannique qu'on s'en douterait quand même, tant la musique de Puggy reflète des années d'éducation musicale fourrées à la crème anglaise. Irons bat le fer tant qu'il est chaud, et balance un "I Do" complètement foufou.
Le public masculin, un tant soit peu circonspect par ces trois belges adorés par les girlfriends, finit par trouver ce groupe pas si nunuche et midinette. Car c'est un fait: autant Something You Might Like peut paraitre consensuel au vu de ses titres à l'efficacité immédiate, autant sur scène le groupe affiche une crédibilité artistique étonnante. Si bien qu'on se demande comment ils on fait pour produire ce deuxième album somme toute assez convenu, tout capables qu'ils étaient de prendre des risques pour s'écarter des sentiers d'une pop parfois bridée.
Puggy parsèmera tous ses morceaux d'impros/jams/délires, histoire d'épicer des titres devenus un peu lisses au fil des (nombreuses) écoutes. Une belle maitrise instrumentale. Ils gratifieront même le public d'une reprise rock de Jacques Brel avec "Vesoul", en forme de dédicace à leur pays chéri et dont ils ont hérité l'auto-dérision. Puis le refrain de "When You Know" est chanté exclusivement par le public, avec justesse et en rythme (!), il en sera de même pour "Insane" dont l'air est époumoné par l'Aéro pour rappeler un groupe comblé, qui s'était brièvement éclipsé avant le rappel.
Puggy livrera finalement un "Yeah Yeah Yeah Yeah!" à rallonge, soutenu par deux saxos et une trompette.
Une heure trois quarts d'enchantement. Chacun rejoint ses pénates avec le souvenir d'une performance aussi énergique que soignée et d'un groupe qui a oublié d'être con.
Crédits photos: Florian Denis
Setlist de Puggy:
- Empty Streets
- Godess Glawdys
- We Have It Made
- Dubois
- You Call Me Up
- She Kicks Ass
- Burned (?)
- Vesoul
- Not A Thing Left Alone
- How I Needed You
- I Do
- Groovin' On
- Teaser
- When You Know
- Something You Might Like
- Insane
Rappel:
- Yeah Yeah Yeah Yeah!