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Attila The Stockbroker - L'interview


Didier, le 05/10/2010
Trop peu connu dans nos contrées, Attila The Stockbroker, de son vrai nom John Baine, sillonne la Grande-Bretagne et l’Europe depuis 1980. Sorte de barde punk des temps modernes, poète et musicien, socialement engagé et observateur avisé du monde qui l’entoure, Attila se caractérise par une plume acerbe et un ton acide non dénué d’humour. Ses concerts, qu’il donne seul ou accompagné de son groupe « baroque ‘n’roll » Barnstormer, sont tout sauf un long fleuve (de houblon) tranquille. Trente ans, 2.700 concerts dans 24 pays, 6 recueils de poésie et près de 20 albums plus tard, nous l’avons rencontré à Bruxelles, lors de son passage au Magasin 4 dans le cadre de la tournée célébrant ses 30 ans de carrière. L’occasion, entre Berlin et Brighton, de discuter musique et poésie bien sûr, mais également politique, football et langue française.


Tu arrives à la fin d’une première série de concerts en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Belgique dans le cadre de la tournée célébrant tes 30 ans de carrière. La tournée reprendra de plus belle le mois prochain mais quel bilan en tires-tu jusqu’à présent?

Attila The Stockbroker: Tout se passe vraiment très bien, tous les concerts se sont bien déroulés jusqu’à présent. Le concert dans ma ville natale de Shoreham était même complet, soit 250 spectateurs, ce qui est assez conséquent pour moi. Je sais qu’il n’y aura pas autant de monde partout mais dans tous les coins que j’ai visités jusqu’à présent, que ce soit en Angleterre, au Pays de Galles, aux Pays-Bas ou en Allemagne, j’ai toujours eu un public de taille raisonnable, qui aime ce que je fais et me suit depuis des années. C’est la seule et unique raison pour laquelle je le fais : pour célébrer! Je compte d’ailleurs également tourner en Australie l’an prochain, voire au Canada et aux Etats-Unis.



30 ans de carrière, qu’en as-tu retiré, quels en ont été les principaux aspects positifs?
Le positif, je pense que c’est surtout l’opportunité de transmettre mes idées politiques et mon point de vue sur la société, tout cela sans devoir faire le moindre compromis. J’y suis parvenu en prouvant aussi qu’on peut le faire tout en s’amusant et en rigolant un bon coup. Etre un artiste « politisé » ne signifie pas qu’il faille être un emmerdeur sans humour! Mon socialisme se veut avant tout une célébration de la vie et des gens.


J’imagine également qu’une carrière aussi longue s’est parfois avérée difficile. As-tu déjà pensé à arrêter?
Alors là, non, pas du tout! Très honnêtement, je n’ai JAMAIS voulu faire autre chose! J’ai adoré environ 95% des 2700 concerts que j’ai donnés, tant pour les voyages et les rencontres qu’ils m’ont permis de faire que pour les concerts eux-mêmes. Et en ce qui concerne les concerts qui se sont moins bien passés, ceux où j’ai été moins bon, ceux où j’ai été menacé par des néo-nazis, etc, dans ces cas-là j’essaie simplement de me souvenir à quel point je suis chanceux de pouvoir vivre de ce que j’aime faire. Et ce n’est pas uniquement le plaisir de pouvoir faire ce qui me plaît, c’est surtout le fait que je ne doive pas passer mes journées dans un boulot que je déteste simplement pour gagner ma vie. Mes journées m’appartiennent, même si je passe plusieurs heures par jours derrière mon ordinateur pour organiser des concerts et régler pas mal de trucs çà et là. Si j’ai envie de m’arrêter, d’aller faire un tour, de me balader à vélo ou quelque chose dans le genre, je peux le faire, et le faire quand je veux !


Tu joues ce soir à Bruxelles, la capitale administrative de l’Union européenne. Si je me fie à ton morceau "This is Free Europe", j’imagine que tu n’es pas très satisfait de la manière dont les choses se passent actuellement au niveau européen. Si je te donnais trois vœux pour changer les choses, que ferais-tu?
D’abord, je nationaliserais les banques, flanquerais en prison les responsables de la crise capitaliste actuelle et j’utiliserai l’argent pour lutter efficacement contre la pauvreté. Ensuite, j’interdirais les partis fascistes, et pour terminer, je rendrais les transports en commun tellement bon marché que plus personne n’aurait le moindre avantage financier à encore posséder une voiture!


Ta capacité à rédiger des textes personnels est assez impressionnante. Je pense notamment au poème que tu as rédigé pour ta maman, décédée récemment des suites la maladie d’Alzheimer. Comment se passe la rédaction de tels textes?
J’ai toujours eu la chance d’avoir une personnalité assez forte et une assez grande confiance en moi. Cela me permet de parler assez librement de tous les sujets, mêmes les plus difficiles. J’ai toujours écrit à propos de ce qui m’arrive, que ce soit plus personnel ou simplement à propos du monde qui m’entoure. Alors, quand cette horrible maladie a touché ma mère, et que mon beau-père est décédé dans la foulée, j’ai décidé d’écrire à ce sujet également. C'est ce qui a donné "The Long Goodbye", Les réactions à ce poème ont été fantastiques. J’ai pu rassembler près de 1.000 livres pour la “Alzheimer Society” grâce au pamphlet que j’ai écrit sur la maladie. J’ai aussi eu des gens en larmes à la lecture de ce poème. J’ai même eu une standing ovation lors du Beautiful Days Festival dans le Devon après l’avoir lu. Je pense que l’impact d’un tel texte est plus important parce que, durant mes 25 premières années de carrière, je n’ai pas écrit beaucoup sur des questions personnelles. Donc, quand j’ai commencé à le faire, l’expérience aidant, j’étais plus à l’aise pour le faire et plus à même de toucher les gens.


Tu fais plus ou moins tout toi-même, ce qu’on appelle en anglais une “one man operation”. Pourquoi ? S’agit-il d’une volonté spécifique de ne pas travailler avec des maisons de disques?
Je n’ai jamais décidé expressément de ne pas signer avec une maison de disques. J’ai même eu plusieurs contrats avec des labels durant, je dirais, mes dix premières années de carrière, notamment Cherry Red, Anagram, Musidisc et Probe. Idem pour mes livres, j’ai eu des contrats d’édition avec Unwin & Allen et Bloodaxe jusqu’à environ 1994. Plus le temps passait, plus il me semblait clair que ces sociétés ne fournissaient pas beaucoup d’efforts pour que mes livres et mes disques soient correctement distribués en magasin. En fait, la plupart des copies vendues étaient celles que j’achetais moi-même aux éditeurs – à des tarifs prohibitifs, je tiens à le dire – pour les revendre durant mes concerts ! C’est là que j’ai réalisé que j’aurais plus de contrôle sur la situation et que je gagnerai plus d’argent en gérant moi-même mes affaires….et j’ai franchi le pas !


Tu n’as pas trop de craintes que cela ne rende tes disques et tes livres plus difficiles à trouver et donc plus difficile d’accès pour certains?
Durant mes premières années d’autoproduction, disons jusqu’en 1999, il était effectivement assez difficile de mettre la main sur mes livres et mes disques, tout simplement parce que je me souciais assez peu de leur distribution. Mais avec le développement d’internet, j’ai pu tout mettre en ligne, que ce soit sur Itunes, sur mon propre site web Attila The Stockbroker, sur ma page MySpace ou sur quantité d’autres magasins en ligne. Donc, dans les faits, tout est désormais accessible pour tout le monde. Je contribue aussi régulièrement, et gratuitement, à des compilations pour des causes charitables Et pour fêter mes 30 ans de carrière, j’ai sorti une compilation de mes meilleurs morceaux, Disestablished 1980 qui est sortie sur Mad Butcher Records, le label de mon ami Mike, et qui est disponible en magasin partout en Europe.


Quel est ton point de vue sur la "Digital Economy Bill", la nouvelle loi britannique qui compte faire la chasse aux gens qui téléchargent illégalement, un peu comme l’HADOPI va le faire en France?
J’ai toujours offert un grand nombre de mes morceaux en téléchargement gratuit. L’important pour moi, c’est que les gens puissent entendre ce que je fais, pas qu’ils paient pour l’entendre!


Les conservateurs sont de retour au pouvoir en Grande-Bretagne, crains-tu de vivre à nouveau le scenario vécu sous Tatcher (NDLR : Attila s’était à l’époque largement profilé contre la politique tatchérienne) dans les années 80? Comment penses-tu que la situation politique va évoluer?
Le nouveau gouvernement a, pour des raisons évidentes dues à sa nature même, décidé de faire payer aux gens de la rue une crise causée par d’autres, en l’occurrence les banquiers. Le parti travailliste va sans doute enfin se déplacer à nouveau à gauche. Un peu sans doute, mais pas assez. Ceci va créer un grand nombre de mécontents, le défi va être d’organiser ces gens pour qu’ils réagissent de manière constructive !


Tu es aussi un grand amateur de football, et en particulier de Brighton & Hove Football Club. C’est assez particulier dans ton cas, ce mélange de politique et de football. Qu’est-ce qui t’a attiré dans le football?
Mon père m’a emmené au stade quand j’avais six ans. Depuis, le virus a pris, et je n’ai jamais arrêté d'y aller!


Et tu t’es ensuite retrouvé au devant du mouvement citoyen qui a suivi la vente du Goldstone, le stade de Brighton, et qui voulait s’assurer que le club garde un ancrage local.(NDLR : dans la deuxième moitié des années 90, le propriétaire du club, un entrepreneur du Nord de l’Angleterre, décida de vendre le stade où évoluait l’équipe sans envisager une solution de remplacement. S’en suivit un énorme mouvement de contestation rassemblant les supporteurs, la municipalité, des organisations citoyennes locales, des personnalités comme Fatboy Slim et de nombreux habitants. Bien qu’une solution temporaire ait été trouvée, le club ne retrouvera un stade digne de ce nom que l’an prochain - soit 15 ans plus tard - à Falmer en bordure de la ville)
En tant qu’activiste anti-capitaliste, il était évident que des spéculateurs immobiliers voraces et des intermédiaires douteux avaient décidé de se faire de l’argent sur le club que j’aime. Il me semblait donc nécessaire de m’impliquer dans la bataille qui allait suivre. Et à ce jour, je considère que tout ce mouvement qui avait pour but de sauver le club et, qui y est d’ailleurs parvenu, est une des plus belles réussites que j’ai vécues en tant qu’activiste de gauche. J’en suis très fier.


Beaucoup de gens perçoivent le football de haut niveau comme pourri par l’argent. Tu n’as pas peur qu’une telle situation se reproduise si le club se retrouvait un jour au plus haut niveau du football anglais?
Il faudrait évidemment voir ce qui se passerait si cela venait à se produire. Mais je suis assez convaincu que nous pourrions gérer une telle situation si elle devait arriver. Si la majorité des gens et des supporteurs qui gravitent autour du club devaient voir cela comme un problème, le club aurait tout intérêt à en prendre note : ils savent maintenant à quel point nous pouvons nous organiser et montrer notre détermination.


Suite à tous ces évènements, tu es devenu « poète en résidence » à Brighton & Hove Albion FC. Comment cela se passe-t-il?
Les réactions à l’égard de ma poésie sont assez variées. Mais la majorité des gens, y compris ceux qui détestent vraiment la poésie, ont reconnu que mon poème 'Goldstone Ghosts', avait de réelles qualités pour toucher les gens :
Comme DJ au stade, j’essaie de trouver un juste équilibre dans la musique que je joue, histoire de trouver une balance entre la musique que je considère comme étant de qualité et celle qui est susceptible de toucher le plus grand nombre. J’adorerais ne devoir passer que des groupes comme The Clash, les Redskins, Rancid, King Blues et beaucoup de reggae chaque semaine (et je passé des disques de tous ces groupes) mais je me dois de mixer le tout avec d’autres morceaux plus connotés football comme les Kaiser Chiefs ou les Dandy Warhols etc. Il y a de temps en temps sur les forums internet des supporters des gens qui se plaignent de la musique que je joue mais la majorité des gens semble assez satisfaits de ce que je fais.


Sur scène ce soir, tu portais un sweatshirt de Hambourg St Pauli, un club de football où sport et politique sont intimement mêlés….c’est comparable à Brighton?
C’est une comparaison qui a été faite très souvent mais qui n’a pas lieu d’être. St Pauli est un club qui avait environ 4.000 supporteurs et qui, à la fin des années 80 a commencé à attirer des gens d’extrême gauche à travers toute l’Allemagne et même à l’étranger. De nos jours, ils sont 20.000 à chaque match. Brighton, de son côté est un club à l’ancrage local avec un potentiel de 30.000 supporteurs. Mais il s’agit là de fans classiques, sans connexion politique. Et pourtant, tu peux me croire, en termes de problèmes financiers et de politique interne, les gens de Brighton sont bien plus au courant de leur propre situation que ceux de Hambourg !


Parlons à nouveau de musique et de poésie, peut-on espérer te voir prochainement en France?
J’adore la France et la langue française. Mais, dans les faits, peu de gens en France semblent s’intéresser à ce que je fais. Peut-être est-ce l’obstacle de la langue? Par comparaison, j’ai beaucoup plus de succès dans les pays germanophones, en Scandinavie, en Belgique ou aux Pays-Bas. Et par conséquent, je joue essentiellement dans ces pays-là. Mais s’il y a des gens en France qui veulent m’inviter pour un concert ou l’autre, je serai ravi de venir !


Tu parles couramment le français (NDLR : John détient une maîtrise de français). As-tu déjà été tenté d’écrire de la poésie en français ?
Cela m’est arrivé une fois. J’avais écrit une traduction de ma chanson "Libyan Students From Hell" mais sans plus. Je pense que les deux traditions poétiques, anglaise et française, sont très différentes ? En ce qui me concerne, je trouve que chacun devrait écrire dans sa propre langue. C’est d’ailleurs pourquoi la majorité des groupes européens qui pensent écrire en anglais mais en fait chantent en « yaourt » m’ennuient tant. Il vaut mieux t’exprimer dans ta langue maternelle, c’est beaucoup plus efficace.


Pour nos lecteurs qui ne sont peut-être pas familiers avec ta musique et tes livres, quel CD ou quel ouvrage conseillerais-tu pour découvrir ce que tu fais?
Comme livre de poésie, je conseillerais My Poetic Licence et comme disque, sans doute Disestablished 1980 dont nous avons déjà parlé. Le disque retrace mes 30 ans de carrière sous forme de "best of".


Pour terminer, quels sont tes projets pour 2011, peut-on espérer de nouvelles sorties?
Il y aura un paquet de concerts, c’est certain. Suite au décès de ma mère et de mon beau-père, j’ai beaucoup plus de temps à consacrer aux tournées, je me balladerai donc un peu partout en Europe, en Australie et en Amérique du Nord. Point de vue sorties, sachant que j’ai sorti un livre en 2008 et un disque cette année, je ne passé pas que je sortirai quoi que ce soit, mais sait-on jamais!


Merci beaucoup!
And you!


www.attilathestockbroker.com
En savoir plus sur Attila The Stockbroker, Rancid, The Clash,
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