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Journée internationale des droits des femmes 2024


Mathilde, le 08/03/2024

Tu peux m'appeler Math, parce que ça fait Matt

Non, je ne suis pas en train de faire un coming-out ou une déclaration d'amour aux chiffres (que j'abhorre), mais j'ai conscientisé récemment que, à mon plus jeune âge déjà, j'aimais qu'on s'adresse à moi avec le diminutif de mon prénom qui de fait sonnait masculin (1) et qui faisait assez membre de groupe de rock, ce que je devinais pour une fille comme pas si franchement accessible. Matt Tong, Matt Helders... Autant de mecs faisant de la batterie comme moi et qui avaient leur tête dans le New Musical Express que je lisais religieusement (je me répète suffisamment là-dessus). Je plaide aussi pour mes soeurs de grande taille. Quand tu fais 1m75 à treize ans et que dans la cour t'as davantage l'allure d'un garde du corps dans le groupe de copines (2)... Bienvenue dans ma vie/ mon expérience que l'on peu décemment qualifiée de "décalée" par rapport à la moyenne de ce que vivent les femmes. Ajoutez à ça que j'aimais (j'aime toujours) bien rigoler (et commenter surtout) avec mes copains en fond de cours (le plan de classe me mettait jamais au premier rang pour pas boucher la vue) et on peut comprendre que j'ai eu par là l'opportunité (sans parler de chance) de ne pas devoir autant performer la féminité que beaucoup de femmes, puisque de base j'étais un peu hors propos. Et comme je l'ai déjà dit (cf les précédents éditos du 8 mars): zéro trauma/ harcèlement/ vrai malaise durant la période collège-lycée-fac. Ce qui est rare (3). 

 

Il y a eu bien sûr mon éducation globalement non genrée qui a posé les bases. Et puis aussi, un truc trop cool et déterminant dont on parle peu: la personnalité. Une notion très second plan qu'on va peu/pas chercher chez une femme en première intention. Gommer le fait qu'on s'adresse à nous d'abord comme à une femme, et toutes ses incapacités qu'on lui attribue (4)... Un rêve relaté dans l'épisode "Une Femme dans un Boys Club" (5) où l'artiste Daphné Swân regrette "les opportunités manquées" musicales de par son genre. La faute aussi au syndrome de l'impostrice/ l'exception ("la Shtroumpfette"), et quand la femme s'observe rentrer d'elle même dans les préjugés qu'elle veut pourtant fuir. "Les femmes auront des croche-pieds tout au long du chemin", "me dire que mes ambitions vont certainement être contrecarrées (...) et le fait de pas avoir les cartes en main, c'est profondément injuste" déclare t-elle plus tard. Et il y a "des types qui ont la cinquantaine et qui nous rabâchent leur vieux rock pourri (...) quitte à faire de la merde, j'aimerais qu'on puisse tous en faire autant, quelque soit notre (genre) représentation". Paprika Kinski parle aussi d'une expérience où un ingé son la dégage de scène pour régler lui même la balance de sa basse, alors qu'elle est en plus porteuse du projet de son groupe qui joue ce soir-là. 

 

C'est du quotidien, pas de l'exagération de cas isolés. Et pour avoir moi aussi - depuis la trentaine et un éveil plus accru de la situation - eu ma bonne liste d'expériences sexistes (qui continue à s'écrire), on ne peut pas ne pas se sentir révoltée. Et l'indignation et la colère font partie de la réaction, n'en déplaise à ceux qui se sentent agressés (6) (et à leurs défenseuses). Il va falloir faire avec car la nouvelle génération est bien plus libérée. Un nouveau chemin s'ouvre, sur lequel on tente d'enlever un à un les cailloux. Et à la femme de tenir bon, pour ne pas retomber dans des schémas répétitifs délétères (7). La validation des femmes commence ainsi à l’intérieur de soi, via un processus de rapiéçage et de renouveau créatif face à la conscience renouvelée de sa personne. Ne plus chercher la validation orientée patriarcale (8), ce n'est pas un choix simple. La difficulté est de se sentir capable, puis de se montrer capable, car c’est là qu’en face il va y avoir de la résistance (et qu'on se fait foncer dedans). Ce double travail (la femme par rapport à elle même, la société par rapport aux femmes) est en tous cas en route. Et il faut tenir les rênes bien serrés car il y a tellement de gens de pouvoir à qui ce remue méninges (et ménages) n'est pas favorable (9). On espère qu'un jour les femmes pourront déjà juste se poser moins de questions. 

 

 

(1) L'idée d'une homosexualité chez moi a d'ailleurs été souhaitée, de l'avis (non sollicité) de certaines personnes, au vu de ma taille, attitude et personnalité (indépendante) qui seraient davantage dans l'énergie YANG. Las ! Ça aurait été si confortable d'opérer ces raccourcis de pensées qui m'auraient mise dans une case (de clichés) définie.

(2) Certaines me déclaraient "J'aime être à côté de toi Mathilde, car ça m'entraine pour quand j'aurai un copain". On est pas du tout à l'abri de réflexion-malaise par les filles, quoi.

(3) T'inquiète soeur, les traumas arriveront après, pour les quotas.

(4) Cf le livre Ces hommes qui m'expliquent la vie, de Rebecca Solnit.

(5) Podcast Sisters Of Sound, produit par la salle Le Grand Mix et l'association Mermaids, réalisé par l'artiste Mythie.

(6) Agressés au pire dans leurs représentations. Car quel homme est agressé réellement, verbalement, et physiquement par rapport à la prise de parole des femmes ?

(7) Cf le livre On ne naît pas soumises, on le devient, de Manon Garcia.

(8) Enfin! L'adjectif est lancé !

(9) La crainte que la femme prenne autant de place que les hommes révèle la quantité d’avantages (pensés comme normaux et donc comme acquis) que ces derniers ont amassés. 

Commentaires
FrancoisAR, le 09/03/2024 à 08:19
Très beau dossier, drôle et pertinent !
DanielAR, le 08/03/2024 à 19:33
Un petit mot pour exprimer mon admiration envers Math (ou Matt) qui est une des rares personnes à ma connaissance qui soit capable d'écrire des uppercuts. Celles et ceux qui chercheront un peu de musique pour adoucir (si nécessaire) la force des coups peuvent écouter Willie Mae (Big Mama) Thornton dans ses versions originales de "Hound Dog" et de "Ball And Chain". Au cœur du même sujet. Avec la même fureur de conviction.