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Journée internationale des droits des femmes 2024


Mathilde, le 08/03/2024

Livre

Féminismes et Musiques par Morgane Giuliani, Editions Le Mot et Le Reste

 

L’inégalité entre les hommes et les femmes dans le milieu de la musique, on en parle ? Car récemment on entend beaucoup parler de celle présente dans le cinéma, et on pourrait penser que c’est parce que c’est elle qui pèse le plus lourd. Au vu de la tournure de cette phrase, vous devinez qu’il n’en est rien, mes bonnes gens ! Oui, "gens" est FEMININ PLURIEL quand un adjectif le précède. Alors profitons de cette parenthèse linguistique du professeur Rollin pour transiter vers l’intention première de ce livre. Elle est dans le titre: il s’agit de décrire les féminismes avec un "s", diffusés par des femmes pop star. De Madonna à Taylor Swift en passant par Beyoncé et les Spice Girls (si on parle des plus connues), la tâche ardue entreprise par Morgane Giuliani est de compiler leurs propos et de dérouler une série de chiffres (édifiants) concernant la place et la considération des femmes dans l’industrie musicale. 

 

Si ces notions avaient déjà été abordées entre autres dans les ouvrages Ouverture féministe; Musique, Genre, Sexualité, Hauts Les Femmes, le Rock au Féminin ou Music Queens, ici la journaliste opère un état des lieux plutôt exhaustif que ce soit dans la chronologie des différents courants, dans les différentes étapes de prise de conscience et d’action avant et après #Metoo, et dans la multiplicité de ses interlocutrices (avec la variable âge, orientation sexuelle, origine socio culturelle…). Ces femmes qui ont à elles seules pu lancer de véritables campagnes de sensibilisation auprès de leurs (jeunes) fans, ont par la même popularisé le féminisme. Avec toute la responsabilité (parfois d’ordre politique) qui leur incombe et les critiques systématiquement présentes. "La vie d’une femme est parcourue de contradictions, davantage encore pour les stars sans cesse rattrapées par des logiques capitalistes et d’image".

 

Les biais d’émancipation utilisés (l’hyper sexualisation en guise de signe de puissance, le girl power, la vulnérabilité assumée) sont aussi nombreux que leurs émettrices qui usent parfois, il est vrai, de leur santé mentale comme d’une "transparence contrôlée de leur business". Car c’est la monnaie qui dirige le monde (c’est la monnaie qui dirige la terre) et comme 86% des gros labels sont gérés par des hommes, les femmes bataillent pour y obtenir du poids et de l’espace. A la moitié du livre on entre ainsi dans le coeur des statistiques qui donnent le tournis en ce qui concerne la France: 30% des femmes dans ce milieu sont harcelées sur leur lieu de travail (chiffre supérieur à la moyenne nationale), 50% d’entre elles sont exposées à des blagues sexistes, 2,3% subissent des viols. Et au niveau représentation on est pas mieux: 17% seulement des artistes programmés sur scène sont des femmes. Et ces fameuses Victoires de la Musique n’ont élu que quatre femmes dans la catégorie neutre "Album de l'Année" en vingt et un an.

 

L’autrice rappelle aussi très régulièrement des notions de "double standards" hommes/ femmes, et la systématisation des violences (souvent encouragées, car le sexisme est régulièrement vu comme  "un art de vivre") via divers témoignages, parmi eux ceux de la scène française, comme l’artiste Pomme qui a du laisser la direction artistique à un homme plus âgé pendant un moment. Dans cette branche on "mélange le business et le plaisir", c’est "un métier passion" aux allures sexe drogue et rock and roll (et groupies) ce qui selon Pitchfork fait qu’on y vient à "défier les normes". Si une femme cadre parle d’une agression, elle est directement licenciée car "les poches de pouvoir sont dispersées dans chaque scène musicale, établissant chacune leur propre hiérarchie interne". Les Etats-Unis ont ainsi encore recours aux NDA (Non Disclosure Agreement) pour acheter le silence des victimes.

 

Les femmes dans la musique pop ont été et sont encore sans relâche empêchées, comparées, critiquées, agressées. Des évolutions réjouissantes ont cependant lieu (notamment suite au COVID) et Féminismes et Musiques évoque les différentes avancées (organisation, associations) émergeantes qui dessinent les contours, si ce n’est d’un nouveau chemin, au moins d’une nouvelle marche à suivre. Avec un autre schéma, davantage encadré, pour éviter un retour rapide vers les rouages patriarcaux. "That’s Not My Name" chantaient les Tings Tings face aux projections et attentes des hommes envers les femmes. Encore plus pénibles qu’une infection urinaire, ces constats permettent une réactualisation des consciences dont le but reste l'indépendance (et la liberté) via une indispensable sororité qui encourage à estomper progressivement les automatismes d'une construction sociale genrée. Puisque les femmes incarnent leur art, une des grandes difficultés pour elles est de ne plus avoir le réflexe de s’attacher à l’image qu’elles renvoient. L’avenir s’éclaire, on espère.

Commentaires
FrancoisAR, le 09/03/2024 à 08:19
Très beau dossier, drôle et pertinent !
DanielAR, le 08/03/2024 à 19:33
Un petit mot pour exprimer mon admiration envers Math (ou Matt) qui est une des rares personnes à ma connaissance qui soit capable d'écrire des uppercuts. Celles et ceux qui chercheront un peu de musique pour adoucir (si nécessaire) la force des coups peuvent écouter Willie Mae (Big Mama) Thornton dans ses versions originales de "Hound Dog" et de "Ball And Chain". Au cœur du même sujet. Avec la même fureur de conviction.