Interview de Grand Blanc
Albumrock : Avant tout, je veux bien que vous présentiez un peu le groupe.
Camille : On est Grand Blanc, on est quatre, je chante et je joue du synthé. Il y a Ben qui chante aussi et qui écrit les textes. Il joue aussi de la guitare.
Vincent : Moi, je joue de la basse. Il y a aussi Luc qui s’occupe des beats et des synthés.
Albumrock : Donc le parolier, c’est Ben ?
Camille : Oui ! Je ne peux pas écrire avec lui, d’ailleurs personne ne peut écrire avec lui. On essaie d’adapter ça avec tout le groupe quand il propose un texte.
Albumrock : C’est lui qui arrive avec une trame ?
Camille : Oui il arrive avec une grosse trame d’écriture, une mini trame de mélodie aussi et puis après on voit ça tous ensemble.
Albumrock : L’idée n’est pas d’arriver avec un texte qu’il va falloir mettre en musique ?
Vincent : Non c’est souvent une mélodie avec une punchline.
Camille : Un truc cool qu’il aime bien, un refrain, un truc qui accroche. Ce refrain sera ensuite transformé en couplet.
De plus en plus il se met à écrire des textes sur la musique. On lui propose des tracks.
Albumrock : Ah oui vous commencez par la musique et puis il arrive après ?
Vincent : Ça a commencé par les chansons de Ben qu’on arrangeait, parce que lui avant il écrivait des chansons tout seul. Mais de plus en plus c’est l’inverse qui se passe, on écrit les tracks et il écrit les textes par-dessus.
Camille : Pour la dernière, c’est comme ça qu’on a fait.
Vincent : Ouais, "Petites frappes", c’est comme ça qu’on a fait.
Camille : Cet été on a fait dix jours de composition, dans la maison de la grand-mère de Vincent, dans l’Oise. On n’a pas du tout fait de textes, on a enchaîné les prods. Les chansons ne sont pas finies mais on a des amorces et Ben va chercher à écrire dessus. On a essayé d’inverser le processus initial parce que comme ça, on travaille vraiment ensemble.
Juste pour reprendre la genèse du groupe, il me semble avoir lu que c’est toi, Camille, qui avait rencontré les autres en premier ?
Camille : Oui ! Ben, Luc et moi on vient de Metz. C’est une petite ville, tout le monde se connaît assez facilement quand t’aimes bien la musique. Luc et moi on était ensemble au collège et on était au conservatoire tous les deux. On a toujours été potes. Ensuite on a rencontré Ben, chacun de notre côté. Moi je l’ai rencontré après mon bac et Luc l’a rencontré un an après. On s’est super bien entendu avec lui mais chacun de notre côté ! Je faisais de la musique dans mon coin avec Ben, qui est parti à Paris et qui y a rencontré Luc. Ça s’est très bien passé et on a essayé de faire de la musique ensemble. Ensuite Luc a rencontré Vincent.
Vincent: On était dans la même école d’ingénieur du son, on s’est rencontré en première année. Et puis j’ai rencontré un peu tout le monde par la suite, toute la mafia messine qui est à Paris.
Ah donc Vincent, tu ne viens pas vraiment de Metz ?
Vincent: Non pas du tout ! Je suis de Mantes-la-Jolie !
Ah ah j’ai mis à jour votre secret !
Vincent: C’est ça ! On n’en parle pas trop parce que bon …
Ok donc vous avez un peu répondu à mes questions, notamment sur la formation musicale. Je me demandais si vous aviez une formation musicale spécifique.
Camille : Luc et moi, on a fait le conservatoire pendant super longtemps, on était en classe à horaires aménagés, c’est comme sport études. Vincent aussi a étudié un peu la musique.
Vincent : Oui moi aussi j’ai étudié un peu la musique même si ce n’était pas en conservatoire. J’ai fait pas mal de guitare, de piano aussi…
Camille : Il a fait beaucoup de guitare dans sa chambre !
Vincent : Oui, beaucoup de solos ! Le seul qui n’a pas vraiment de formation musicale, c’est Ben.
Camille : Si, il a essayé de prendre un jour des cours de Flamenco !
Vincent : Oui mais ça n’a pas duré très longtemps !
Camille : Ben, c’est vraiment celui qui a le plus appris sur le tas.
Ok. Il y a un truc qui m’a pas mal intriguée à propos de vous, c’est que dans votre biographie vous citez Joy Division et Bashung. C’est clair que quand on vous entend, pas de problème, on reconnaît vos références. Je me demandais du coup si vous aviez des choses un peu plus actuelles en tête ?
Camille : Carrément. A propos de cette bio, c’est une bio qui date un peu. C’était au début, quand il y avait des petites salles qui nous demandaient une bio. Nous, on se disait "On ne va quand même pas parler de nous, c’est la honte". On a mis ça parce qu’il fallait mettre ses références, depuis on traîne ça alors qu’on a un peu grandi depuis. Bien sûr, comme tout le monde, on a écouté Joy Division mais clairement on a plein d’autres références et on écoute beaucoup d’autres choses ! Après, Bashung et Christophe sont importants pour Ben.
Peut-être que Bashung c’est un truc qui rassure un peu les journalistes. Ils se disent au moins Bashung c’est facile pour vous catégoriser! Du coup c’est plutôt la chanson française ou plutôt la New Wave alors ?
Camille : Eh bien, un peu de tout ! Justement, c’est ça la question. La chanson française, on n’y est pas attaché. On en n’a rien à foutre d’Edith Piaf et de Brel !
Vincent : Tout de suite ! (rires)
Camille : En fait on n’a jamais écouté vraiment de chanson française.
Vincent : Ah si, Ben il en a écouté beaucoup.
Camille : Ben en a écouté quand il a commencé à écrire. C’est sûr que quand on a 15 piges et qu’on découvre un texte de Jacques Brel, on est content !
Vincent : En fait le français c’était une évidence parce que Ben a fait des études littéraires et qu’il a toujours écrit en français. Il n’a pas du tout le talent ou le bagage pour écrire en anglais ! En fait on n’a pas vraiment voulu faire de la chanson française. On a juste voulu chanter en français et faire la musique la moins chanson française possible avec ça.
Ce qui est intéressant c’est que la plupart des groupes disent qu’ils chantent en anglais parce que c’est plus rythmique, c’est plus facile de faire des choses qui se tiennent bien. Or, j’ai lu que vous, c’est plutôt la rythmique qui vous intéressait et pas tellement la poésie. Du coup vous vous avez l’air de dire que le français ça sonne bien en fait ?
Camille : C’est sûr que ça sonne hyper bien ! Je ne suis pas une linguiste mais c’est vrai que l’anglais est un peu musical mais quand on creuse un peu plus dans le français…
Vincent : Ben travaille énormément là-dessus, sur les connivences, les syllabes qui se répètent, les allitérations.
Camille : Je trouve en tout cas que le français est musical et intéressant. Je ne pense pas que ça soit un désavantage ou un handicap. C’est simplement qu’il faut plus se creuser la tête ! En plus de ça, c’est une évidence, mais les gens comprennent ce que tu racontes ! Donc tu passes beaucoup plus vite pour un con.
C’est sûr que tu ne peux pas avoir des paroles vides de sens.
Vincent : Le thème est important et parfois tu oublies un peu la forme. Là c’est exactement l’inverse. Ce que Ben fait, c’est qu’il travaille d’abord sur la forme, sur des allitérations. Après il trouve le thème à partir des syllabes ou des mots qui vont bien ensemble. Il trouve des choses qui ont du sens pour lui et il travaille sur ce sens. Mais il ne part jamais du thème pour aller vers la forme. Il cherche des formes dans les mots et parfois il tombe sur des trucs qui lui parlent. Par exemple dans Samedi la Nuit, il dit tu "rêvais la horde fiévreuse des maladies vénérées". Il a capté que "vénérées" ça ressemblait à vénériennes et en trouvant ce jeu de mot là, il s’est rendu compte que les maladies vénérées ça avait un sens. Quand tu te bourres la gueule, tu te mets dans la merde exprès. Tu vénères ces maladies quelque part, si tu baises sans capote tu le fais un peu exprès. Il est parti de ce jeu de mot-là qui a un sens pour lui, qu’il n’aurait pas trouvé autrement, et de là tout est parti pour le reste de la chanson.
Ah c’est parti de cette phrase-là ?
Vincent : Oui de cette punchline-là.
Camille : Après ça doit dépendre, on ne connaît pas exactement la genèse du truc mais c’est l’idée.
Vincent : Ça fonctionne souvent comme ça. Souvent il arrive, en disant « waouh il y a une phrase trop bien », en fait c’est juste une phrase.
Et du coup c’est à vous d’imaginer autour le son que ça peut prendre.
Camille : Trouver les bonnes notes pour la chanter !
Effectivement quand je suis tombée sur votre musique j’ai été frappée par le texte parce que c’est rare un tel effort d’écriture et de construction. Mais j’ai avant tout été frappée par votre esthétique, en noir et blanc, que j’ai trouvée assez forte. Vous travaillez ça comment ?
Camille : C’est un truc qui est venu après. En fait c’est toujours un peu compliqué. C’est comme écrire une bio, on a mis du temps à ne pas avoir honte de ce qu’on faisait. Quand Michel et Benoît, les patrons d’Entreprise, nous écrit un mail, on était là « mais qu’est-ce qu’ils nous veulent ? »
Ah c’est eux qui vous ont démarchés ? La classe !
Camille : Oui oui, on n’y croyait pas trop. Faire l’effort de se créer une esthétique c’est dire que sa musique en vaut la peine, c’est venu un peu après. Quand on a enregistré l’EP, il fallait qu’on trouve une pochette. On s’y est forcés, on a commencé à y réfléchir.
C’est une façon de rendre votre musique intelligible pour les autres. En tout cas moi c’est ce qui m’a attirée, cette photo en noir et blanc.
Vincent : C’était les premières photos qu’on faisait en fait. On avait des visuels au début où on prenait des photos de nos potes, avec une image et une chanson YouTube. C’était les seuls visuels qu’on avait.
Camille : On ne voulait pas trop prendre de risque !
Vincent : On avait un bliff, la petite lettre qui représente le A et le N, mais c’était à peu près tout. C’était assez graphique, en noir et blanc. On a gardé ce truc-là mais c’est vrai qu’on commence à montrer nos tronches. Dans le visuel de la pochette, on a mis des petites références à Metz.
Camille : Pour la pochette pour le coup on s’est creusé la tête, je disais que je voulais une photo, par exemple. Ben a eu l’idée du tatoueur, à qui on a envoyé des items, comme quand tu vas te faire tatouer. Nous, on en a envoyé cinq ou six chacun. Ensuite il a fait une composition avec ça. Il s’est dit qu’il allait faire une sorte de village, pour tout mettre au même endroit. Du coup la pochette est fourrée de références personnelles, comme un tatouage ! C’est trucs qu’on a en commun tous les quatre. Par exemple le S c’est le sigle d’un fast food qui s’appelle le Steinhoff. C’est un truc qui vend de la bouffe hyper trash à Metz et on allait dévaliser cet endroit quand on avait la gueule de bois. Maintenant, le Steinhoff est sur la pochette ! (rires). Il y a des petites blagues comme ça… Pour ce visuel on s’est vraiment amusés à élaborer ce truc qui nous ressemble.
Tu disais que ça été difficile pour vous d’assumer votre musique, mais alors la scène ça s’est passé comment ? Vous avez commencé tôt à en faire ?
Camille : Je ne sais jamais quand on a commencé, il y a deux ans peut-être ? Un an et demi ? Pour l’un des premiers concerts qu’on ait fait, il devait y avoir un descriptif dans le fascicule du festival où on jouait, à Metz. On n’avait pas envoyé de biographie, évidemment, ça nous faisait chier et on n’osait pas. Du coup ils l’avaient écrite à notre place et ils parlaient de nous comme des "autistes reclus" ! (rires) Ils disaient que notre musique était cool mais qu’on était des autistes reclus… Disons qu’on regarde toujours un peu nos pieds sur scène mais on fait des efforts ! On vient de faire une résidence pour bosser la scène. Pendant longtemps on n’osait pas, Ben ne parlait pas entre les chansons, ou sinon il disait juste un mot. Je me souviens que pendant longtemps, c’était "Bonsoir on est grand blanc et on est ravis d’être là" et merci et aurevoir !
C’est déjà bien, il y en a qui ne le font même pas ! (ndlr: ceux qui sont déjà allés voir un concert de Placebo voient de quoi je parle...)
Vincent : Il y a aussi le fait que quand vous avez commencé, Camille a découvert le synthé et Ben a découvert la guitare du coup ils ne savaient pas très bien en jouer. Il avait tout le temps la tête dans sa guitare, parce qu’il galérait à changer d’accord et à chanter en même temps.
J’imagine que c’est difficile de lâcher prise sur la musique pour pouvoir vraiment apprécier ce qui est en train de se passer.
Vincent : Là on commence tout juste à y arriver, on a un set qu’on joue depuis longtemps, des chansons qu’on connaît par cœur. Les doigts jouent tous seuls, on peut commencer à relever la tête et regarder ce qui se passe devant. Mais c’est vrai que c’est un peu long !
Vous avez des dates prévues?
Vincent : Il y a Bloc party avec Fauve le 28, on a Clermont-Ferrand le 27 et les Nancy Jazz Pulsations le 13 Octobre.
Camille : On a quatre concerts en septembre, en octobre on en a deux et puis en novembre on en a plein ! En décembre on enchaîne deux concerts dans des belles salles, un à la Flèche d’Or et un aux transmusicales de Rennes.
C’est la rentrée de Grand Blanc! Vous sentez que ça bouge là ?
Vincent : Ah oui un petit peu ! Avec notre tourneur, Asterios, il y a quelques petites stratégies qu’on met en place. On fait beaucoup de petites salles.
Sur scène, vous jouez quoi, l’EP ?
Camille : Ah non pas seulement, sinon le set ferait 20 minutes ! Non, on joue sept ou huit chansons. On joue en tout 40 minutes. On va essayer de gonfler un peu le set.
Faire des solos pour faire durer ?
Vincent : Non, on n’est pas très solos ...
Camille : 40 minutes, ce n’est pas grand-chose mais ça demande du travail de tout adapter en live. On joue aussi d’autres chansons qu’on avait bossées avant et qu’on a décidé de ne pas mettre sur l’EP.
Comme ça bruisse pas mal autour de vous mais que votre processus de composition demande quand même un peu de temps, vous arrivez à gérer les deux ?
Camille : Pour le moment-là chaque chose en son temps ! On a enregistré notre EP, on a mixé, ça a mis un peu temps. Après c’était les vacances, on s’est vus un peu pour composer mais là, c’est la sortie de l’EP donc il faut le défendre, il faut faire des concerts et tout. Mais on va essayer de se remettre au boulot pour composer et continuer ce qu’on a commencé pendant les vacances.
Vincent : On a quand même tous arrêté notre travail pour ça, sauf Luc. On ne fait plus que ça.
Jusqu’ici vous travailliez à côté ?
Vincent : Jusqu’ici Ben et moi on avait pris un taff à mi-temps pour s’occuper du projet et avoir de l’argent. On a tous les deux arrêté en même temps parce qu’on en avait marre et qu’on commençait à pouvoir en vivre. Mais on a surtout arrêté pour pouvoir composer parce que cette année, ça va être beaucoup de travail.
Oui il ne faut pas rater le tournant ! Sur "Degré zéro" c’est toi qui chante Camille, est-ce que le fait que tu chantes ça te donne plus de part dans le processus ?
Camille : Comme on est encore jeunes, on n’a pas de processus fixe. "L’homme serpent", qui est la deuxième que je chante sur l’EP, Ben l’a sortie d’une traite. Il m’a proposé la mélodie et le texte et j’ai dit "ah ouais grave!". Mais il ne l’avait pas écrite pour lui. Il ne l’a pas écrite comme il écrit ses chansons, il l’a écrite pour moi... Parce que c’est mon pote ! (rires) Donc voilà pour celle-là, ça a marché comme ça. En revanche pour "Degré zéro" j’ai eu plus de part dans la composition. Mais je n’écris pas à la place de Ben parce que c’est hyper personnel, le processus de composition. Je ne suis pas là à côté, sur un carnet… On l’a fait un petit peu mais bon, ce n’était pas très concluant. Par contre, je lui "viens on met plutôt ça à la place, tu ne veux pas qu’on essaie de parler de ça, imagine cette image" et puis il mettait ça en mot avec ses idées et on a collaboré comme ça.
Vincent : On a vraiment pour intention de continuer à travailler comme ça, quand il s’agit de chansons où tu chantes.
Donc le but n’est pas que tu te mettes à composer toi aussi ?
Camille : Ben le prend comme un véritable artisanat et c’est un peu ce qui fait le Grand Blanc. Ça serait très étrange que les chansons que je chante soient écrites dans un style complétement différent. Je ne peux pas écrire ce que Ben écrit parce que ce n’est pas moi, mais Ben peut écrire pour moi avec moi. C’est plus intéressant je crois.
Comment ça va se répartir à l’avenir ? Vous allez rester à la parité ?
Camille : Je ne sais pas, ça dépend, ça se fait naturellement. Quand on a une chanson on se dit c’est plutôt toi qui va la chanter ou plutôt toi. Je trouve ça chouette l’espèce de parité qu’il y a. En live je crois qu’elle est un peu moins présente.
Vincent : Oui, parce qu’on a des vieux titres.
Camille : La prochaine chanson qu’on est en train de faire, c’est sûr je vais la chanter, mais après je n’en sais rien.
Vincent : On travaille beaucoup sur cette dualité-là aussi. C’est quand même pratique d’avoir deux voix, il peut écrire des textes très différents, qui se chante un peu différemment et ne pas être obligé de les jeter parce qu’il ne peut pas les chanter. Il y a des trucs qui vont bien à Camille et des trucs qui lui vont mieux. C’est cool d’avoir les deux options et on travaille pour que ça soit assez équitable.
J’avais lu que Ben avait fait un gros travail sur sa façon de chanter. Il avait un peu modifié la hauteur à laquelle il prenait ses notes.
Camille : Ouais, au début il chantait un peu plus dans les médiums et puis je me souviens que j’avais eu cette discussion avec lui. Je lui disais de chanter plus grave et il disait que ça ne sortait pas. Il a fini par le faire et je trouve ça mieux comme ça. Il a fait un très gros travail et il n’a pas fini encore. Mais sa voix n’est pas complétement dénaturée non plus, il a quand même une grosse voix !
En tout cas sa voix c’est ce qui fait un peu la patte Grand Blanc, il y a un truc reconnaissable. Évidemment on adhère ou on n’adhère pas. Peut-être qu’on peut lui trouver un côté un peu forcé.
Vincent : Disons qu’il y a un côté hyper lyrique.
Mais c’est puissant aussi, surtout dans Samedi la Nuit qui est celle que je connais le mieux, un peu ténébreux aussi. A propos de Samedi la Nuit, c’est quoi le message ?
Camille : Je ne sais pas s’il y a vraiment un message...
Vincent : Un message, non pas vraiment. Disons que c’est sa compréhension de pourquoi les gens font de la merde en soirée, se mettent des caisses, couchent avec des meufs sans capote…
Camille : Ça me fait penser aussi un peu à l’étymologie du mot divertissement. Si tu prends la racine du mot, en fait te divertir, c’est te détourner de toi-même, juste pour te changer les idées. L’idée, c’est de te mettre vraiment à l’envers.
Le moment où elle démarre, on s’y attend pas particulièrement et ça a un côté un peu surprenant, un peu comme quand on perd pied.
Camille : Dans la construction de cette chanson, on a essayé d’élaguer tout en studio mais on a quand même créé une sorte de bulldozer. Elle commence là (lève la main) et elle termine là (lève la main un tout petit peu plus haut). Il y a un pont entre les deux mais elle est directe, elle fonce. On imagine un mec bourré ou quelqu’un dans la rue qui va aller jusqu’au bout comme en ça (mime une démarche) en trébuchant dans les poubelles au lieu d’aller tout droit.
Quand je vous écoute, j’ai beau ne pas connaître par cœur, je reconnais quand même un peu Joy Division. Si vous deviez citer une chanson de Joy Division, ça serait quoi ?
Vincent : Moi je ne me souviens jamais des titres.
Camille : La mienne c’est une chanson que tout le connaît, Atmosphere.
Vincent : Je ne me souviens pas de laquelle c’est.
Camille: “C’est Walk in silence, don’t walk away”…
Vincent : Ouais peut-être. Je ne peux pas te renseigner car je n’aime pas tant que ça Joy Division.
Camille : Tu ne parles pas à la bonne personne, je crois !
Vincent : Je n’ai pas tellement écouté Joy Division, il y avait l’album dans la voiture mais c’est tout !
Camille : En fait lui il en a rien à faire de Joy Division !
Alors si ce n’est pas Joy Division, qu’est-ce que tu donnerais pour rectifier l’héritage qu’on donne à Grand Blanc?
Camille : Vincent, sa vie, c’est les Smiths.
Vincent : Ah ouais, j’adore les Smiths. Mais ça n’a rien à voir avec Joy Division !
Camille : Non ça n’a rien à voir mais c’est quand même ce que tu écoutes !
Vincent : Le côté hyper lyrique des Smiths disons…
Le côté un peu écorché vif ?
Vincent : Oui, voilà. En fait c’est les Smiths, c’est pas Joy Division.
Et en français alors ? Vous aviez Bashung, mais qu’est-ce que vous diriez d’autre en français ?
Vincent : En français ? Pff…
Camille : Moi je n’écoute pas vraiment de musique en français.
Vincent : Ouais mais t’aimes bien Elie et Jacno, Christophe ça c’est plus Luc et Ben.
Ok pas vraiment inspirés sur le moment ! Vous allez jouer à l’International et c’est sur votre nom cette fois-ci, c’est votre soirée. Du coup c’est quoi
l’atmosphère en abordant ça, un peu de nervosité?
Camille : C’est notre release party! Donc non, pas de nervosité du tout.
C’est pour ça qu’on a choisi une petite salle, on avait le choix entre une salle moyenne comme la Flèche d’Or. On s’est dit que ça serait plus marrant de blinder
l’inter que de jouer dans une demi flèche d’or.
Camille : C’est trop cool, la scène est petite. Ça va sentir la sueur, il y aura des gens bourrés, il y aura tous nos copains…
Vincent : Il fera chaud…
Camille : On va faire des surprises à deux balles… C’est un peu notre goûter d’anniversaire !
Vincent : Vraiment pas de pression du tout !
Camille : La pression, elle va arriver aux transmusicales, je pense.
Vincent : Il va y avoir tout un truc qui va se mettre en place, pour les lumières, la mise en place. Il va y avoir un gros travail à faire. Ce n’est pas la même chose,
c’est facile de jouer dans une petite salle.
A fortiori si le public vous est plus ou moins acquis d’avance…
Vincent : Ouais c’est sûr. Alors qu’une grande scène, c’est plus froid, t’es plus à poil.
Je n’ai jamais été aux transmusicales, je ne sais pas du tout comment c’est.
Camille : C’est l’hiver donc c’est à l’intérieur, c’est dans des halles.
Ah donc le son est peut-être un peu différent ?
Camille : Je pense que le son va être super.
Vous avez hâte ?
Camille : Ah ouais, grave !
Vincent : Méga hâte !
C’est un peu une rentrée en fanfare pour vous, tout le monde dit que le groupe de la rentrée, c’est Grand Blanc.
Vincent : Faut pas qu’on se foire ! L’EP, ça fait quasiment un an qu’on est dessus. On est hyper content de le sortir mais il va falloir assurer derrière. On a répété ça tout l’été, j’espère que ça va le faire !
Vous avez joué avec Fauve aussi.
Vincent : Oui on avait fait cinq Bataclan avec eux.
Camille : Plus deux autres dates !
Vincent : Elles étaient énormes en plus, il y avait je ne sais plus combien de milliers de personnes
Camille : A Luxembourg il y avait carrément 3000 personnes donc c’était un peu notre baptême du feu !
Vincent : Après ça on était des fous… On n’avait plus besoin de répéter !
C’est marrant parce que Fauve exprime quelque chose d’assez puissant, en français aussi. C’est un peu des grands frères, on pourrait encore dire que vous êtes les héritiers de Fauve.
Camille : Ah héritiers je ne sais pas, parce qu’on s’est jamais trop inspirés de Fauve. Mais j’ai l’impression qu’en ce moment on est dans un contexte où chanter en français ça peut se faire quoi. Oui il y a pas mal de groupes.
Vincent : Il y en a qui ont ouvert les portes du français pour la pop en ce moment, comme Fauve et la Femme. C’est vrai que c’est facile de nous rapprocher d’eux même si on fait pas du tout la même musique au final.
Camille : Le seul point commun c’est le français en fait !
En tout cas on peut dire qu’en ce moment, le français est plutôt bien accueilli.
Camille : Et c’est tant mieux ! C’est quelque chose qui s’était énormément perdu. C’est aussi pour ça qu’on parle des années 80. On pouvait chanter dans toutes les
langues sans avoir honte, ce n’était pas l’anglais qui dominait. Dans les années 90 oui, mais pas dans les années 80. Comme Stephan Eicher et tous les chanteurs en allemand, en français, en italien… Ils faisaient des pures chansons et personne ne se foutait d’eux !
Tant mieux pour vous que vous arriviez en ce moment et que vous puissiez vous exprimer.
Camille : Après c’est vrai qu’on n’a pas fait de la pop en français parce que la pop en français marchait. C’est que Ben n’aurait jamais pu écrire en anglais. Il fournit un effort considérable pour écrire une chanson, en anglais il ne pourrait pas faire quelque chose d’égal.
Vincent : Sa manière d’écrire repose quand même sur beaucoup de vocabulaire, il cherche dans les mots, il n’a pas beaucoup de mots en anglais donc il ne pourrait pas faire le même travail.
Tu as dit "on fait des chansons pop", pour vous Grand Blanc c’est de la pop ? Si vous deviez donner une étiquette ?
Camille : Alors ça c’est toujours la question…
Vous avez le droit d’en donner plusieurs !
Camille : Nous, on fait de la variété non ?
Vincent : Pendant un moment on avait un concept de pop alternative…
Camille : C’est nul les étiquettes ! C’est toujours prise de tête. On fait la musique qu’on aime bien !
En tout cas on sait que ce n’est pas de la musique expérimentale, ce n’est pas de l’électro ni de la chanson française…
Vincent : Du coup on trouve que pop, au moins, on est dedans : il y a des gimmicks, il y a des guitares…
Il y a couplet/refrain aussi !
Camille : Oui, on aime bien faire des chansons.
Vincent : Voilà, on fait des chansons qu’on aime bien en français.
Eh bien la voilà votre biographie, "on fait des chansons qu’on aime bien en français".
Camille : (Rires) Oui, "on fait des couplets avec des refrains en français".
Vincent : En tout cas on ne fait pas du rock parce qu’on ne fait pas de solos !
Peut-être un jour ?
Vincent : Non je ne pense pas ! On est un peu frileux pour rallonger les chansons, on aime bien faire des chansons avec le métronome qui marche et hop on y va. Du coup c’est les solos dans la démarche de Grand Blanc ça ne marcherait pas !
Camille : On est beaucoup trop maniaques ! (rires)
Vincent : Je ne pense pas que Ben serait à l’aise pour faire des solos de guitare ! A la limite on pourrait mettre Luc pour faire des solos de synthés.
Camille : Ou des solos de boutons !
Vincent : Ou des solos de batterie. On a un solo de clap sur Petites frappes, c’est le seul truc qu’on a parce qu’il n’y a que Luc qui peut faire des solos !
Eh bien, voilà vous êtes un groupe qui fait des chansons en français avec des solos de batterie !