Les Rockomotives 2015
Rockos 2015
Comme chaque année depuis 23 ans, le festival « réchauffe moi le corps en cette fin d’octobre baby », autrement appelé Les Rockomotives ouvre les portes de sa 24ème édition au cœur de Vendôme. Portées par l’association Figures Libres, les Rockos ont investi le Minotaure, la Chapelle St Jacques, la porte St George (en lieu surprise), les bars de la ville du coin et même le parc du château du 24 au 31 octobre. Mélangeant groupes émergeants, soirées Propul’son de la Fraca-ma et têtes d’affiches, tout le monde peut trouver son compte tant dans la découverte que dans les lieux aussi différents que charmants. De l’entrée libre aux soirées bons marchés, en passant par les concerts prix libres, l’éclectisme est de mise, la chaleur aussi, sans parler du divertissement qui se cache à chaque virage. Rockos 2015, c’est parti, vous m’aviez un peu manqué.
Annoncés en tête d’affiches, on retrouve The Do, Ez3chiel, Chapelier Fou, Feu ! Chatterton, mais au final qu’est ce qu’une tête d’affiche lorsque l’on a sur un même festival Cabadzi, Jeanne Added, Mansfield Tya, Organic Bananas, Peter Kernel, Boogers et autres Set&Match.
Présente le vendredi 30 et samedi 31, je loupe non sans regrets Boogers, Chapelier Fou, et Organic Bananas (attention, si vous voyez passer ce nom ne réfléchissez pas, foncez VITE encore plus vite). Rappel de la programmation : http://www.rockomotives.com/programmation.html
Vendredi 30 octobre
Notre arrivée sur les chapeaux de roues (comprendre : poser la voiture en feux de détresse dans un virage pour passer le volant à copain, puis courir l’écharpe entre les genoux jusqu’à la Porte St Georges, perdant par là trois ou quatre points de dignité et gagnant une vague de sueur). « ll reste TROIS places ! » ok les gars nous sommes deux et on a tout donné. C’est ainsi qu’à la hauteur d’un début de film digne des « sous-doués en concert », nous nous nous enfonçons victorieuses dans la majestueuse entrée de la majestueuse porte Saint Georges, où Cabadzi a caché un concert acoustique. Parquet foncé, murs tapissés baroque « c’est une salle de mariage habituellement, nous avons pris le soin de retirer le portrait de Hollande quand même » balance Lulu, le chanteur à la gueule magnétique avant de débuter le concert de douceur. En bons circassiens qu’ils sont, c’est en rond et au centre de la pièce qu’ils sont installés, entourés de projos et du public qui s’est rapidement assis par terre. C’est délicat, c’est doux et c’est fort à la fois parce que c’est Cabadzi. Ils enchainent ainsi 1h/1h30 de concert, beat box, violon, violoncelle, guitare, mélangent les plus belles perles de leurs deux derniers albums Digère et recrache et Des angles et des épines et ponctuent l’instant par le morceau qui ne les résume pas mais qui fait une part de leur succès, « Lâchons-les ». Bonheur filmé par What Comes Around Goes Around, présents sur tout le festival avec leurs apéros > https://www.youtube.com/watch?v=ovTFVDcH1bY
On s’extirpe de la bulle, on longe l’abbaye de la Trinité sous ses spotlight en centre ville, et nous arrivons devant la longue file qui se dessine à l’entrée du Minotaure, échauffée pour The Do. Le temps de rentrer, E S B (le trio organic formé par Yann Tiersen, Lionel Laquerierre et Thomas Poli) est en plein set devant une salle déjà sacrément remplie. Digne des projets électroniques que Tiersen peut offrir, dans la veine électro qui a le vent en poupe depuis des semaines, des mois, le projet aux trois lettres réussit le pari de créer des sons tantôt envoutants tantôt passifs avec des clefs faciles. Le changement de plateau nous laisse de temps de découvrir les ornements du Club, club qui se transformera en piste de danse et de scène mat rock d’ici peu d’heures.
Arrive ensuite le duo qui vous donne envie d’être amoureux de la planète entière, même le monsieur là bas avec sa casquette et sa moustache qui titube, Peter Kernel. Elle est belle, il est beau, ils chantent ensemble parce qu’ils sont amoureux, ils font de la pop-folk et des blagues dans un français suspicieux, « nous sommes suisse-québécois ». Même si de base, la pop/art-punk ne suscite pas d’emblée notre intérêt, on se laisse prendre dans leur bal sexy et leurs mélodies bien ficelées. C’est leur troisième album qu’ils viennent défendre, et bien défendre. Douceur faisant, l’attention du public (bon ok, mon attention) aura tendance à se perdre à la fin du set, mais Peter Kernel, c’est efficace et c’est attachant, c’est bien joué.
L’ambiance passe du chaud à l’électrique, à l’énergique, à Jeanne Added. La belle blanche décolorée à la nuque dégagée qui impose son nom et son style comme une épidémie, se pose sur scène, meilleur lieu pour la rencontrer. On comprend vite qu’elle est là où elle doit être. Avec son premier album elle séduit la salle pleine à craquer et pleine de chaleur du Minotaure. Présente, posée sur ses deux pieds et bien entourée de ses deux musiciennes, Jeanne Added ne tangue pas. Elle mélange douceur et violence dans un parfait équilibre, et merci l’ingé lumière d’avoir combiné la bonne ambiance visuelle à l’ambiance sonore et sauvage.
Petite pause au Club, petite ambiance d’attente, retour dans la salle. The Do. Les deux acolytes de The Do sont déjà passés dans la même édition des Rockos que Yann Tiersen 4 ans auparavant, mais avec un nouveau rang de professionnalisme atteint. Ils ont tout du groupe US, grosse machine, qui vient faire son tour en France et s’arrête à Vendôme. Belle, Olivia arrive dans sa tenue cosmique, grande robe cintrée qui ne la rend que plus majestueuse. Elle qui, quelques années auparavant pouvait faire douter de son charisme et de son talent sur scène, ne pose plus de doute aujourd’hui. Leur deuxième album se mêle ainsi parfaitement au précédent, et le groupe réussit à allier parfaitement les titres dans un set des plus cohérents. Shake Shook Shaken était déjà un plaisir à l’oreille, mais le live est à la hauteur de leur travail. Vaisseau magique travaillé par les jeux de lumière, ok, The Do, c’est devenu grand.
Ma première soirée se termine par un dancefloor géant où tout le monde se mélange, où les pros font guincher les badauds et les DJs font des clins d’œil aux barmans. On y fera même une chenille, oui. Magnetic & Friends + Verveine retiennent donc notre attention jusqu’aux trois heures du matin, sans jamais perdre le feu, roi de la danse qui nous anime !
Samedi 31 octobre
C’est dans un lieu insolite que nous décidons de commencer notre samedi aux Rockomotives. Le jour se couche bientôt, mais nous grimpons vers le parc du Château de Vendôme où se tient le concert surprise de Holy Chips. Boules chinoises allumées, vues sur les bâtiments du centre et lumières de la ville qui commence à s’allumer, merci ! Les tours du château parfaitement éclairées sont cachées derrière l’arbre (au moins bicentenaire) du parc, et ils regardent ensemble les trois petits plans de travail de Holy Chips. Le projet a été construit pour les Rockos : Piano Chat, iOlogic et Funken se sont enfermés pendant le mois d’octobre pour écrire et créer ce que sera le concert de ce soir. Et le travail est réussi. Au centre de la petite foule qui est venue s’amasser sur les hauteurs, les trois bonshommes s’amusent avec leurs machines électroniques et organiques, les casquettes vissées sur leurs têtes. On se dandine, on bouge du pied, on sourit, et on lance même une chenille… Efficace et agréable, les trois gaziers sont filmés, et c’est par ici – je vous conseille de regarder, au moins pour la beauté des images de What comes around goes around : https://www.youtube.com/watch?v=RuB2NlovUEo
Arrivée au Minotaure, la file n’existe pas comme la veille, ce qui rassure la température de mon corps. Nous entrons donc sur le concert de Zenzile et son « ciné-concert ». Le terme est finalement mal choisi car ils n’illustrent pas musicalement un film sur Berlin 1927, c’est plutôt l’inverse. Les images donnent de la consistance à leur instrumentale, les psycho-rigides du rythmes sont ainsi comblés par des sensations de superpositions parfois magnifiquement réussies. Leur dub se transforme donc en quelque chose de psyché très agréable, à tendance mat-rock ou krauk-rock. Une autre appellation aurait rendu le spectacle plus libre d’interprétation pour certains, pour d’autres –dont moi- cette avancée musicale et ces projections à émotions remplissent le pari lancé par Zenzile.
S’enchaine Mansfield Tya. De la douceur dans le dur, ou l’inverse. Le duo le plus sensuel dans la violence de ces dernières années vient assaillir les Rockos avec leur nouvel album, un chouia plus électronique mais fidèle dans leur musique. A deux sur cette grande scène, elles remplissent l’espace de leur charisme indétrônable et hypnotisent les centaines de personnes présentes, jusqu’au fin fond du parterre rempli. Habillées de noir, elles marquent le contraste de leur album, blanc. « Pour oublier je dors », l’un de leurs vieux titres magnétique reste le plus bel exemple de ce que les demoiselles longilignes maitrisent : l’esprit punk dans un corps de piano et de violon. Plus qu’à écouter ou à voir, Mansfield Tya, ça se ressent.
C’est à Feu ! Chatterton, le phénomène de la scène française depuis bientôt 2 ans, de prendre place et de prouver qu’un look dandy n’est pas synonyme de fanfaron. Quelques morceaux sur les ondes peuvent suffire à adorer ou détester ce jeune groupe, au style et à la couleur particuliers. Mais c’est finalement tiède que je ressortirai du concert, pensant être prise dans leur tourbillon beaucoup plus fortement que cela. Leur place sur scène n’est pas à contestée, ils sont classes et occupent cet espace si périlleux, mais le set ne reste pas –ce soir là- un souvenir impérissable...
... A la différence d’Ez3chiel qui ont fait vrombir tous les murs du Minotaure, voire même de la rue. Leur installation lumière, fidèle à leurs multiples projets, se résume à un mur de plus de quarante projecteurs, chaque projecteur découpé en LED qui s’animent une par une. Regret de festival : tous les morceaux ne peuvent pas être joués, et tous les tableaux lumineux ne peuvent pas être projetés. On ne peut pas tout avoir mais on en prend plein les mirettes et le plexus solaire ! C’est ce qui s’appelle défendre un album –Lux- et marquer son passage, asseyant par la même une popularité qui ne reste plus à prouver. Ez3chiel.
Nous ressortons donc décoiffés de ces deux jours aux Rockomotives, disant au revoir une dernière fois au dancefloor du club, regardant les projections belles et loufoques qui servent de papier peint, cherchant notre visage sur les photos imprimées du Photomaton décalé installé au bar, reniflant encore un petit peu l’odeur du fondant au chocolat servi au rez-de-chaussée, et jetant encore un œil au Minotaure parfaitement éclairé, niché dans son rosé tendre.
Avant de quitter les lieux jusqu’à l’an prochain, nous avons le sourire aux lèvres en voyant débouler sur le parvis du Minotaure, un barbu roux sur sa bécane. Salut l’affiche, salut les Rockos !