
The John Butler Trio
PRISM
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Après deux albums instrumentaux, dont un excellent Still Searching sorti l'an passé, John Butler revient en solo avec un dixième opus studio qui aura été particulièrement long dans sa gestation. Le désormais cinquantenaire s'est une nouvelle fois livré à une profonde introspection où il est autant question de deuil (son père et son beau-père) que de regrets sur ses actions passées et de réflexions sur la difficulté de trouver la bonne place dans ses relations avec ses proches. Un orientation très personnelle et autocentrée annoncée dès le titre introductif "Going Solo" doté d'une énergie communicative grâce à son jeu en open chords et qui saura faire impression en live.
Si PRISM s'attache ainsi à réfléchir tout le spectre des émotions de l'Australien, il ne réconciliera cependant pas avec ceux qui lui reprochent d’être tombé dans une forme de folk-rock mou du genou un peu trop fadasse et commercial. Sur une pente glissante depuis le tournant amorcé par April Uprising, John Butler délivre une nouvelle fois une musique définitivement plus policée et consensuelle. Les pamphlets anti-anticapitalistes dopés à la guitare en fusion (retournez écouter « Money » sur l'album Three) ont cédé le pas devant des compositions bien plus calibrées. Les deux titres choisis pour présenter l'album, la ritournelle "Trippin' On You" et son piano guilleret et la mièvre ballade folk "So Sorry", font figure d'exemples et sont les parfaits révélateurs de cette orientation beaucoup plus lisse à l'intérêt limité.
Moins fondé sur le métissage musical dont John Butler est issu ou sur le jeu de guitare fantastique de son auteur, PRISM mise davantage sur l'accessibilité des compositions et sur une production chargée (notamment une surenchère de chœurs un peu fatigante sur presque tous les refrains de l'album), suivant ainsi un cahier des charges très formaté. Faute de crescendo marquant ou d'évolutions instrumentales significatives, la longueur de certains titres se traduit ainsi par une forme de répétitivité, à l'instar de la boucle d'accords aux inflexions très pop de "Gets Better" ou encore de "Doing Just Fine" qui profite d'un thème plus avenant mais un peu redondant sur la durée. La grande force de John Butler, l'inventivité de son jeu virevoltant en fingerpicking, est sous-utilisé au profit d'une certaine linéarité mélodique et d'une écriture qui manque de relief, à l'image de "King of California", qui sans être désagréable ne marquera certainement pas les esprits. De la même manière "Hand In Mine", petit exercice folk dépouillé et intimiste aura bien du mal à se démarquer dans la discographie de l'Australo-américain.
Tout le contraire de l'excellent "The Way Back" et son motif sombre et obsédant dynamité par un refrain frondeur et un excellent solo conclusif. Un titre qui domine l'album et qui constitue à nos yeux assurément l'un des meilleurs morceaux de 2025, rien que ça ! Plus loin, "Outta My Head" remet la guitare au centre des débats avec un riff nerveux dans la pure tradition des titres coups de poing tandis que le jeu de notes en cascades de "Leave the Rest to Earth" offre une belle respiration avant la conclusion de l'album chanté comme un mantra. Enfin, pierre angulaire de l'album, le cathartique "Let Yourself Go" permet à John Butler d'évoquer avec douleur et amertume la perte de son père et bénéficie d'un pont très réussi mettant en valeur le jeu si expressif de la guitare 11-cordes et opérant une belle montée en puissance agrémentée d'éléments électro.
De quoi faire naître des sentiments mitigés en définitive avec un PRISM qui ne brille pas sur toutes ses facettes. La surproduction dont l'album bénéficie vient malheureusement lisser toutes les aspérités organiques et mélodiques qui faisaient tout le sel du jeu de l'Australien. Si cette approche prédomine depuis plusieurs albums déjà, John Butler sait pourtant nous séduire dès qu'il remet son jeu stratosphérique au centre des compositions. Tout n'est donc pas perdu et on vous invite en attendant à suivre John Butler en live, où il excelle toujours.