
Steve Hackett
Voyage of the Acolyte
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1- Ace of Wands / 2- Hands Of The Priestess, Part I / 3- A Tower Struck Down / 4- Hands of the Priestess (Part 2) / 5- The Hermit / 6- Star of Sirius / 7- The Lovers / 8- Shadow of the Hierophant


1974 est souvent considéré comme une année charnière dans l’histoire du rock progressif : elle sonnerait au mieux la fin de la première génération, au pire celle de l’âge d’or – et donc le début de déclin. Ce verdict s’appuie principalement sur les mises en pause de Yes, Emerson Lake & Palmer et King Crimson, le départ de Peter Gabriel de Genesis, et par conséquent, un Big Six qui se résume aux seuls Jethro Tull et Pink Floyd. En réalité, le genre continue d’être très actif en Angleterre et plus encore dans ses espaces périphériques où il atteint le pic de sa dynamique.
En revanche, une véritable évolution est à signaler du côté de ce sous-genre du rock : la prolifération des carrières solistes aux dépends des groupes. À la suite de certains pionniers, tels Robert Wyatt, Rick Wakeman, Dave Greenslade ou Peter Hammill, de nombreux musiciens se lancent en solo à leur tour à partir 1975. Le phénomène le plus connu est l’explosion de la galaxie Yes, dont tous les musiciens ouvrent leur propre carrière entre 1975 et 1976. Du côté de Genesis, Peter Gabriel attendra 1977 (comme Anthony Phillips d’ailleurs), mais Steve Hackett s’envole dès 1975 avec Voyage of the Acolyte, quand bien même est-il toujours membre du groupe – ce pourquoi Phil Collins et Mike Rutherford lui apportent leur aide. À ceux-ci s’ajoutent le frère du guitariste, le flutiste et claviériste John Hackett, Sally Oldfield, la sœur de Mike, Robin Miller, qui avait joué pour King Crimson ainsi que Percy Jones, qui forme au même moment Brand X – bientôt rejoint par Phil Collins - et intégrera brièvement Soft Machine l’année d’après.
Les liens avec Genesis sont d’autant plus forts qu’un certain nombre de compositions proviennent de chutes d’albums précédents (Foxtrot en particulier), quand elles ne sont pas encore plus anciennes. Le tout est agencé pour construire une longue suite sur le thème du tarot, le découpage en huit titres s’avérant en grande partie artificiel. En outre, l’illustration magnifique parlera à tout amateur de rock progressif symphonique, registre dans lequel s’inscrit l’album.
Le voyage, ou plutôt l’épopée, commence sur le virtuose "Ace of Wands", qui a plus à voir avec Yes (voire Camel dans sa dernière partie) qu’avec Genesis : les imbrications de multiples envolées au sein d’une composition si courte épatent et étonnent au regard de la cohérence interne du titre. L’ancien groupe d’Hackett vient à l’esprit sur "Hands of the Priestess, Part I", embelli d’une flûte là encore camelienne, alors que c’est Gryphon qu’évoque "Hands of the Priestess, Part II", et King Crimson en ce qui concerne l’angoissant "A Tower Struck Down" – c’est l’esthétique de toute la galaxie progressive symphonique historique qui est convoquée dans une synthèse époustouflante.
Album majoritairement instrumental, Voyage of the Acolyte comporte quelques passages chantés dont "The Hermit", aux arrangements classicisants, sur lequel rebondit le camelien et genesien "Star of Sirius". Il s’agit d’une phase particulièrement apaisée au sein de l’album, qui se referme sur les arpèges fantasmagoriques de "The Lovers" pour laisser la place au titre épique "Shadow of the Hierophant". De près de douze minutes, ce dernier est l’un des plus beaux exemples du genre : non sans grandiloquence mais toujours subtil, il s’enveloppe du chant lyrique, dresse une harmonie parfaite entre le mellotron et la guitare, et surtout, développe une lente montée en puissance irrésistible qui laisse sans voix.
Chef-d’œuvre du rock progressif symphonique, Voyage of the Acolyte est sans aucun doute le meilleur album solo de Steve Hackett, voire même de l’ensemble de sa discographie – Genesis inclus.
À écouter : "Ace of Wands", "Shadow of the Hierophant"