
Djo
The Crux
Produit par Djo, Adam Thein
1- Lonesome Is A State of Mind / 2- Basic Being Basic / 3- Link / 4- Potion / 5- Delete Ya / 6- Egg / 7- Fly / 8- Charlie's Garden / 9- Gap Tooth Smile / 10- Golden Line / 11- Back On You / 12- Crux


Au moment où ces lignes sont écrites, Djo se produit à l'Elysée Montmartre. Une date rapidement sold out pour un concert qui aurait pu allègrement se transmuter, tels les démons dans Stranger Things, en tournée française. Il peut être réflexe de se dire qu'un acteur Netflix ne peut se targuer d'ajouter la musique à sa fame. Et pourtant. Le pays de l'oncle Sam (de Ben ou de Steeve, on ne sait plus) encourage les multiples talents, et force est de constater que Joe Keery affiche son pluri potentiel. Qui rit de Keery?
Oui, les boomers seront déconcertés par la diversification fraiche et décomplexée du jeune trentenaire qui puise dans son passé de musicien déjà rompu à l'exercice (deux albums sortis en solo, et une carrière avec le groupe Post Animal) et dans ses références pour nous divertir à nouveau, mais cette fois-ci hors de la tv. Ça n'est pas une grosse prise au sérieux mais la proposition l'est plutôt. Après la froideur synthétique de DECIDE, Djo vient célébrer ses inspirations de façon plutôt sereine. Les sources ne sont pas tenues secrètes, et l'auditeur vient s'abreuver directement au robinet. Toute honte bue.
On sait aussi qu'une bonne grosse rupture constitue un bon gros moteur de création, et c'est via ce sentiment légèrement désabusé que s'ouvre The Crux, en compagnie de "Lonesome Is a State of Mind", une fausse balade de cow-boy débutant par des accords cafardeux vite rattrapés par un chant collectif aux éclats luminescents, et un petit intermède à la Vampire Weekend. Suivra le succès Tik Tok (le réseau a lancé son succès avec "The End of Begining") "Basic Being Basic" aux facettes espiègles et temps différents qui en font un titre anti ennui.
On ne capte pas grand chose à la pochette (les "easter eggs" les mieux cachés de ton jardin), mais on comprend que le côté flambeur de Djo n'a d'égal que son ironie constante. Le clinquant de The Cars plane sur une bonne partie de l'album ("Gap Tooth Smile"), les Strokes ne sont jamais loin non plus (sur le très réussi "Egg"), et puis il y a toujours les anecdotiques Beatles qui influencent de toutes façons la terre entière en permanence ("Charlie's Garden"). Et par dessus, la délicatesse incisive et retenue des Parcels avec l'amplitude gazéifiée de Tame Impala.
Si ce mec de Chicago était un animal, il pourrait être un saumon. Populaire et consommé par tous, il est aussi noble par certains aspects et sait nager en eaux vives. Si The Crux comporte des temps faibles ("Golden Line", et le faiblard "Crux"), l'album est surtout façonné de temps forts, car souvent surprenants. Pour preuve, "Link" renoue avec la mélancolie liée au fait de quitter une ville qui nous a vu grandir et sur le constat qu'après coup l'âge adulte c'est pas la baffe laser, sur un rythme de course d'endurance (du collège). Le refrain "I got a feelin' that a break is gonna happen, maybe right now, right now" sonne comme une prière (d'espoir).
Plus loin la célébration de l'amitié, qui est l'amour le plus inconditionnel au final, est totale grâce à "Back on You" (revenir à ses amis mais aussi s'appuyer sur eux) avec une petite chorale qui dure cinq minutes tant il y a de choses à dire ."Fly" est une bonne clôture (même si le titre est l'avant dernier). Loin d'être un chant du cygne, il est un chant d'appel (pour ceux qui ont fréquenté les messes catholiques) vers (quelque chose de bien moins religieux) une ode à l'individualisation et un encouragement à se départir des liens de dépendance toxique. Très dans l'air du temps.
A coup sûr cet album est plus deep qu'il n'y parait, mêlant remous superficiels et eaux profondes dans une simple intention assez sincère de partage. Une atmosphère d'apaisement mâtiné de philosophie se condense dans The Crux, qui souligne le talent vrai de Joe Keery quand il s'agit de musique. De la même manière que Steeve dans Stranger Things n'est pas qu'un beau benêt, Djo en a sous le capot. Parfait pour cet été, aspergeons-nous d'acqua di Djo.
