
In Mourning
The Immortal
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1- The Immortal / 2- Silver Crescent / 3- Song of the Cranes / 4- As Long as the Twilight Stays / 5- The Sojourner / 6- Moonless Sky / 7- Staghorn / 8- North Star / 9- The Hounding


Peu nombreux sont les groupes capables, à chaque nouvelle sortie, de répondre à toutes les attentes placées en eux. Des formations qui frappent toujours juste, évitant l’erreur de parcours. Les Suédois de In Mourning font partie de cette espèce rare. Pourtant, à l’écoute de The Immortal, on réalise que le quintette fait bien plus que cocher les cases attendues par l’auditeur impatient. La dernière production de la formation death mélodique honore toutes les attentes, mais les dépasse en traçant une progression continue, s’aventurant avec audace dans des recoins stylistiques et émotionnels que l’on n’osait espérer. Avec son septième album, In Mourning bluffe une fois de plus, avec une justesse désarmante.
L’éblouissement qui saisit à l’issue de l’écoute de The Immortal incarne à lui seul l’essence du groupe. Les Suédois sont une formation injustement mésestimée, dont la place sur la scène metal ne rend nullement justice à leur talent ni à la richesse de leurs compositions. La lumière qui devrait couronner In Mourning reste éclipsée par l’ombre persistante de leurs illustres pairs, tels Opeth ou Insomnium, auxquels le quintette se voit sans cesse comparé. Avec The Weight of Oceans et ses hits death-mélo, ils entamaient leur trilogie maritime. The Bleeding Veil marquait ensuite une rupture, prouvant que le groupe pouvait s’épanouir au-delà de ce cadre thématique. Rien n’y a fait. Tobias Netzel et les siens paraissent condamnés, comme si chaque salve d’acclamations critiques se muait en ticket pour un oubli quasi immédiat. Ironie cruelle : c’est sans doute dans cette injustice que le groupe trouve l’énergie de livrer, disque après disque, des œuvres toujours plus remarquables.
En mai dernier, "The Sojourner" s’est imposé comme premier éclaireur de l’album. Un titre direct, bâti sur un riff dense et immédiatement marquant. Logique de le voir ouvrir la marche : il coche toutes les cases du death mélodique, tout en rappelant que ses auteurs savent frapper fort, histoire de rassurer les amateurs de sonorités brutes. Pourtant, avec son essence organique et sa construction limpide, il apparaît comme un relatif point faible au regard de la richesse de The Immortal. Le second extrait, "Song of the Cranes", vient aussitôt rétablir la balance : un rappel saisissant des ambiances mélancoliques et de l’ampleur émotionnelle propres aux Suédois, mêlant envolées heavy et passages aériens, caressés par le chant clair de Netzel.
Un titre qui rappelle à quel point In Mourning excelle dans les ruptures et les changements d’atmosphère au sein de ses compositions. Il n’y a que les Suédois pour initier un démarrage aux allures d’éboulement terrifiant sur le couplet de "Silver Crescent", avant de voir la chute amortie dans un refrain semblable à un drap de soie. Un morceau d’une alchimie indescriptible, où l’obscurité habitée par le growl hypnotisant s’imbrique dans la dramaturgie poignante du refrain. La performance de Netzel, naviguant vocalement entre démon tyrannique et fragilité humaine mise à nu, est magistrale. La voix claire du chanteur du quintette est l’un des marqueurs évidents de la progression de ce septième album. Cette maîtrise vocale est mise en avant par la ballade "Moonless Sky", apportant une subtile touche de légèreté avant le réveil des ténèbres sur "Staghorn". Ce dernier titre, joué dans un excès belliqueux et jouissif, déploie des couplets lorgnant vers le black metal, un style qui habille superbement In Mourning. La production se charge du reste, nous emportant dans une tornade noire infernale avant de prendre de la hauteur pour mieux admirer les impacts, traversés par des guitares foudroyantes.
Ces inspirations black metal hantent le refrain de "As Long as the Twilight Stays". Ce titre constitue le point d’orgue de The Immortal, où les growls de Netzel cohabitent impeccablement avec le chant screaming du guitariste Björn Petterson. Le morceau rappelle que In Mourning excelle aussi sur le plan instrumental, avec un solo qui frappe par sa maîtrise et sa puissance expressive.
Reste la perle de cet album : "North Star", qui évolue dans un registre quasi progressif, proche des inspirations propres à un groupe comme Katatonia. Un morceau qui renferme toute la substance et la tension émotionnelle que In Mourning sait insuffler à sa musique, alternant subtilement lourdeur et légèreté, ombre et lumière, dans une évolution constante qui maintient l’auditeur en haleine. Chaque passage amplifie le contraste émotionnel, mêlant mélancolie, fragilité et intensité, pour créer un voyage sonore profondément captivant. La beauté de ce titre a été magnifiquement restituée dans son clip vidéo, conçu comme un animé à la manière de Tim Burton, où couleurs et dessins évocateurs subliment l’atmosphère singulière du morceau.
The Immortal s’impose comme une œuvre de haute tenue, où chaque détail est pensé et maîtrisé. Avec ses 47 minutes parfaitement calibrées, l’album trouve un équilibre idéal entre morceaux intenses et passages plus calmes, offrant au tracklisting une progression fluide et cohérente qui garde l’auditeur captivé du début à la fin.
In Mourning y révèle une évolution audacieuse : l’intégration brillante de passages aux inspirations black metal, alliée à un chant clair plus présent et superbement maîtrisé, enrichit la palette émotionnelle du groupe sans jamais rompre la cohésion de l’ensemble. L’album ne se contente pas de répondre aux attentes : il les dépasse, avec une construction subtile, des contrastes saisissants et des compositions où l’ombre et la lumière se mêlent dans une tension permanente. The Immortal est à la fois le témoignage de la virtuosité instrumentale de In Mourning et de sa capacité à explorer, avec une justesse impressionnante, des émotions toujours renouvelées.
Avec ce septième album, le quintette mérite définitivement une place plus exposée et reconnue sur la scène metal, à la hauteur du talent indéniable qu’il déploie ici.
A écouter : "As Long as the Twilight Stays" ; "North Star" ; "Silver Crescent" ; "Song of the Cranes"