↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.
Critique d'album

Garbage


Let All That We Imagine Be the Light


(30/05/2025 - BMG - Electro-alt rock - Genre : Pop Rock)
Produit par Garbage, Billy Bush

1- There's No Future in Optimism / 2- Chinese Fire Horse / 3- Hold / 4- Have We Met (The Void) / 5- Sisyphus / 6- Radical / 7- Love to Give / 8- Get Out My Face AKA Bad Kitty / 9- R U Happy Now / 10- The Day That I Met God
Note de /5
Vous aussi, notez cet album ! (0 vote)
Consultez le barème de la colonne de droite et donnez votre note à cet album
Note de 4.0/5 pour cet album
"Enfin un excellent disque, pas loin de vingt-cinq ans après Beautiful Garbage"
Nicolas, le 01/09/2025
( mots)

Ne jamais enterrer les fossiles, surtout quand l’âge les rattrape et les force à se réinventer - dans le bon sens du terme. Alors que l’on avait plus ou moins perdu de vue les Déchets depuis, pfiou, pas loin de vingt-cinq ans (depuis Beautiful Garbage, en fait), voilà que les trois producteurs poppeurs à la botte de Butch Vig et la truculente Shirley Manson viennent de se redonner une seconde jeunesse avec un Let All That We Imagine Be the Light franchement digne de leurs premiers émoluments, ou peu s’en faut.

On ne va pas revenir sur les purges successives (enfin, le mot est un peu exagéré) que furent Bleed Like Me, Not Your Kind of People, Strange Little Birds et No Gods No Masters, parce qu’en soi nous les avons tous oubliés. Pas un single qui n’en ressort, pas une couleur qui ne s’en discerne, ces quatre galettes se contentant de recycler de vieilles ficelles sans leur apporter le moindre lustre. D’ailleurs le groupe avait déjà splitté sans l’annoncer pendant l’enregistrement de Bleed Like Me pour se mettre en hiatus indéterminé ensuite (soit un split qui ne dit pas son nom) et ne réapparaître que sporadiquement par la suite sans grande conviction. Enfermé dans sa décennie, les 90’s rugissantes, Garbage n’a jamais su trouver réellement la clé pour s’en extirper ni pour survivre à la fin des guitares saturées en mode on-off. Or à l’heure où l’indie 90’s semble redorer son blason (le revival anglais oestrogénisé étant là pour en témoigner, entre Wolf Alice, Wet Leg ou Coach Party par exemple), et tandis qu’on a beaucoup entendu d’influences mansoniennes chez une cador comme Billie Eilish (si si, réécoutez When We All Fall Asleep, Where Do We Go?, c’est flagrant), l’heure paraissait sans doute propice à un vrai comeback en bonne et due forme. Mais avec vingt-cinq ans de plus, et toute la question est de savoir si Mamy Shirley (cinquante-neuf piges) a encore des trucs intéressants à nous dire. Spoiler alert : oui.

Il n’est pas toujours facile, pour un francophone, d’apprécier le songwriting d’un artiste anglophone, la barrière de la langue pouvant s’avérer problématique - et ce n’est pas avec le pauvre Anglais LV1 niveau lycée enseigné dans l’hexagone que l’on peut s’en sortir. Par ailleurs, il est un fait que les Angliches préfèrent faire sonner leurs mots que de leur donner du sens, même si des joyaux comme “Helter Skelter” peuvent nous prouver le contraire. Toujours est-il qu’ici les français risquent de passer à côté de l’un des piments de LATWIBTL, à savoir ses paroles, et il est crucial de s’y attarder. Rarement l’âge - et l’âge d’une rock star trash, en l’occurrence - y avait autant été dépeint avec autant de crudité mais aussi de lucidité et d’optimisme, en particulier sur l’agaçant (dans le bon sens du terme, cette fois) “Chinese Fire Horse”. Il faut savoir que Manson a été victime d’un grave accident en 2023 et qu’elle a dû se faire opérer de la hanche à deux reprises, une chirurgie qui l’a beaucoup fait souffrir. L’actualité navrante que nous connaissons, avec ses multiples conflits armés et ses aléas politiques en cascade, ont également poussé la doyenne à se forcer à ne plus voir la vie en noir et à pratiquer la pensée positive pour ne pas sombrer dans la dépression. Cela se ressent dans l’album, en particulier sur l’emballant “There’s No Future In Optimism” où des scènes de violence environnantes n’empêchent pas la narratrice de pleinement vivre sa romance et de danser avec insouciance sous les bombes. Très imagée et évocatrice, l’écriture de l’album nous plonge dans un univers sombre mais paradoxalement acidulé, peuplé de déités étranges (“Have We Met (The Void)") ou de héros désemparés (“Sisyphus”), quand ce n’est pas Dieu lui-même qui est convié au banquet (“The Day That I Met God”). Ce titre conclusif est d’ailleurs à pointer tant on a l’impression que la chanteuse a réellement basculé dans la révélation éveillée… avant que la conclusion (désopilante) ne vienne tempérer ce curieux élan de spiritualité. Plus marquante est la plaidoirie pour retrouver le chemin de l’espoir et du bonheur entendue sur “Radical” : “All we’ve got to do is save a life, save a life, it’s radical”. Fastoche.

Cette écriture retrouvée et réellement enthousiasmante se met au service de morceaux frais et plus directs que par le passé récent, tout en conservant le son Garbage, ce savant mix de guitares crissantes et d’électronique déglinguée. Pas besoin de trente-six tours de platine pour se laisser attraper par le catchy “There’s No Future In Optimism” et ses “If you’re ready for love” et autres “Future, future, love love future”. On retrouve dans ce disque l’immédiateté pop des versions 1 et 2.0 tout comme le sucre (ici un peu édulcoré, tout de même) de Beautiful Garbage. Une enfilade de perles tantôt agitées et poil à gratter (“Chinese Fire Horse”, aussi irritant dans ses redondances que grisant dans son aplomb et son culot), tantôt mi-sombre, mi-lumineux (“Hold” à la densité retrouvée). Le songwriting sait se faire mystérieux et fantastique (“Have We Met” et ses créatures à la Sandman) ou béat et ouaté face à l'imperfection humaine (“Sisyphus”, troublante ode à la faiblesse physique), et si la charnière centrale semble nous enfoncer dans la ouate, c’est sans compter une seconde moitié de disque assez épatante dans son énergie. “Love To Give” et “R U Happy Now” renouent carrément avec les grands singles de Garbage, mi-lascifs dans leur diction, mi-acides dans leur instrumentation, quand “Get Out My Face” sait surprendre dans son refrain martelé avec force. Et indépendamment de sa construction narrative remarquable, le conclusif “The Day That I Met God” convainc tout autant par ses atours mélodiques élégiaques que par son enrobage synthétique aux petits oignons. Un grand morceau. 

Pas grand-chose à redire ici, c’est vraiment du très beau boulot, évidemment pas au niveau de Garbage ni de Version 2.0 (faut pas déconner, quand même), mais qui tient la dragée haute à Beautiful Garbage (plus constant quoique moins percutant dans ses principales saillies) tout en enfonçant à l’aise les quatre autres disques des détritus américano-écossais. Un disque qui sait se faire immédiat mais auquel on revient avec beaucoup de plaisir pour en savourer toutes les nuances d’écriture et de mise en boîte. Quant à savoir si les néo 90’s mode #meetoo ont de beaux jours devant elles… euh, allez écouter le nouveau Wet Leg dare dare parce que c’est de la bombe (prochainement sur Albumrock). Et le dernier Wolf Alice, bien que moins 90’s, n’est pas mal non plus. Et le futur Coach Party sent vraiment très bon. Bigre, les L7 et autres Veruca Salt ont vraiment de qui tenir, mais je m’égare… Et bien sûr, à ce festin, les vioques de Garbage ont encore toute leur place. La preuve.


A écouter : “There’s No Future In Optimism”, “Get Out My Face”, “Love To Give”, “R U Happy Now”, mais tout le reste vaut le coup.

Si vous aimez Let All That We Imagine Be the Light, vous aimerez ...
Commentaires
Soyez le premier à réagir à cette publication !